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Racisme et antisémitisme : Rufin sonne l’alarme
Cécilia Gabizon
Article mis en ligne le 19 octobre 2004

Pour l’auteur du rapport commandé par l’Intérieur, les actes racistes et antijuifs ont pris une telle ampleur qu’ils constituent une menace pour la démocratie

Le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, doit présenter ce matin les résultats d’une réflexion sur l’antisémitisme et le racisme, l’un de ses six « chantiers », qu’il avait confié en juin dernier à l’écrivain Jean-Christophe Rufin. Dans un rapport de cinquante pages, que Le Figaro s’est procuré, l’actuel président de l’association humanitaire Action contre la faim apporte des éléments nouveaux. Il affirme ainsi que les actes antisémites ne sont plus l’apanage de l’extrême droite et des enfants de l’immigration maghrébine, comme on avait tendance à l’analyser ces dernières années. Ils sont maintenant commis par tout genre de déclassés, d’origine étrangère ou Français de souche, qui font des juifs leurs boucs émissaires. Concernant le racisme, l’auteur met en garde contre le risque d’une radicalisation des mouvements d’extrême droite. Il propose par ailleurs de créer une filière officielle d’immigration économique, tarissant ainsi une partie des préjugés sur les clandestins « voleurs de travail ».

La montée du racisme comme de l’antisémitisme est une menace réelle pour la démocratie française, estime Jean-Christophe Rufin dans le rapport qu’il a remis au ministre de l’Intérieur. Si, pour l’instant, les actes semblent souvent déconnectés d’une idéologie structurée, le risque de voir des réseaux ou des forces à caractère politique s’organiser est élevé.

Tout au long des cinquante pages rédigées dans un style précis et incisif, ce médecin écrivain venu du monde de l’humanitaire démontre combien la précarité sociale est porteuse de violence, notamment raciale. La plupart des auteurs d’actes antisémites interpellés ne peuvent être catalogués ni à l’extrême droite, ni parmi les délinquants connus des quartiers difficiles, ni parmi les Maghrébins.

Malgré leur diversité, tous présentent des traits communs : la perte de repères, l’échec social et la confusion identitaire. La plupart sont déracinés et perméables aux discours radicaux qui leur proposent une relecture de leur héritage culturel. Ainsi, selon leur origine et le hasard des rencontres, l’islamisme radical, comme les idéologies néonazies peuvent donner une base théorique à leurs pulsions.

Jean-Christophe Rufin incite d’ailleurs à ne pas sous-estimer la dangerosité de l’extrême droite. Structurée pour l’instant par un pôle légaliste, le Front national, elle pourrait à nouveau éclater en groupuscules violents, comme c’est le cas dans certains pays voisins. De plus, son corpus idéologique est recyclé par certains extrémistes musulmans.

Le rapport souligne également le rôle des mouvements terroristes islamistes dont certains intermédiaires organisent en France la criminalité sur une base religieuse et politique. Ils disposent donc de moyens pour saper les valeurs démocratiques, la laïcité et s’attaquer aux juifs.

S’avançant en terrain moins consensuel, Jean-Christophe Rufin épingle les tenants de l’antisionisme radical, qu’il qualifie « d’antisémites par procuration » car ils remettent en cause l’existence même d’Israël. L’auteur suggère de réfléchir à la création d’un texte de loi punissant ceux qui comparent l’État Hébreu à l’apartheid ou au régime nazi.

Enfin, au-delà des mesures de répression, le rapport propose de contrer les préjugés antijuifs à l’école primaire et d’inclure dans le contrat d’intégration destiné aux primo-arrivants une information sur les lois françaises en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Le texte souligne également l’importance de l’égalité des chances pour favoriser l’intégration. Ce thème faisant l’objet d’un autre chantier, conduit par le sociologue Azouz Begag, les solutions ébauchées pour lutter contre cette forme larvée de racisme que constituent les discriminations, sont moins novatrices : il propose la possibilité de porter plainte sans passer par la police (apparemment crainte par certaines victimes de racisme, et notamment les sans-papiers). Tandis qu’un référent antidiscrimination serait nommé dans les commissariats.

En Corse, où se concentrent la moitié des actes racistes enregistrés, la plupart des auteurs venus des milieux nationalistes justifient leurs actes antimaghrébins par une pseudo-lutte contre la délinquance et le trafic de drogue. L’État doit donc assurer ses prérogatives régaliennes, en particulier contre la criminalité, tout en se montrant solidaire de la communauté maghrébine de l’île lorsqu’elle est frappée par un attentat, recommande Rufin.

Sur le plan juridique, le rapport propose de sortir le racisme et l’antisémitisme de la loi sur la presse et de rédiger un texte spécifique. Car pour l’instant, toute injure publique entre dans ce cadre très réglementé et lourd. À l’inverse, les injures privées (notamment celle proférées au sein de l’entreprise) ne sont actuellement passibles que d’une contravention.

Enfin, l’auteur relaie la proposition du Mrap de créer un observatoire du racisme et de l’antisémitisme sur Internet. Chargé de la veille, avec les associations et les particuliers, il pourrait ensuite nourrir l’action policière contre ces sites qui propagent la haine.

Toutes ces mesures concrètes doivent, selon le rapport, s’appuyer sur la conviction que le modèle républicain doit être préservé et qu’il ne faut en rien céder aux sirènes du communautarisme.



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