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Détresse détresse
Par Michaël Béhé à Beyrouth © Metula News Agency
Article mis en ligne le 4 septembre 2004

L’ambassadeur de Syrie à l’ONU, Fayçal Mekdad a déclaré aux journalistes que, je cite, « la Syrie n’est pas une force étrangère au Liban, elle y est de par la volonté du gouvernement libanais ». Mekdad a ajouté que "la résolution du Conseil n’aurait aucune portée et serait simplement l’expression d’une ingérence du Conseil de sécurité dans les affaires intérieures d’un pays souverain.

L’ambassadeur du régime qui occupe notre pays et qui l’opprime, sous la férule de ses 22’000 soldats et du million de travailleurs syriens qui se sont installés d’office sur nos terres, parce que notre situation économique misérable (40 milliards de Dollars de dette extérieure) est encore moins misérable que les conditions prévalant chez eux, qui condamne l’ingérence du Conseil de Sécurité dans nos affaires intérieures… on aura vraiment tout entendu.

Un million d’hôtes non désirés, sur une population de quatre millions d’âmes. Un Syrien pour quatre Libanais, une colonisation rampante, pardon Stéphane Juffa, je corrige, une annexion rampante. Pas d’ambassade de Syrie à Beyrouth, mais un quartier général des forces d’occupation à Anjar en lieu et place, s’il fallait encore corroborer par des faits les intentions de la junte alaouite au pouvoir à Damas. Et sous la botte de ces soldats, cette dictature d’un autre âge nous force à entretenir sur notre territoire des organisations terroristes arabes de toutes les obédiences et leurs bases d’entraînement et d’action. Elle a fait de nous le dépotoir obligé d’accueillir la lie du Moyen-Orient, dont l’existence est stigmatisée par des dizaines de résolutions, de l’ONU, américaines et européennes ; elle nous oblige, cette junte, à renoncer au Sud de notre petit pays et à le céder aux fanatiques islamistes de l’organisation terroriste du Hezbollah ; à risquer journellement les représailles légitimes d’Israël, face aux provocations discontinues et stratégiques de ces supplétifs de Damas et de Téhéran. L’autocratie népotique damascène a transformé le sud du Litani en véritable arsenal du terrorisme arabe, créant sciemment une poudrière régionale, qui peut nous sauter à la figure à tout moment.

Et s’il ne suffisait pas d’avoir fait des Libanais les esclaves impotents d’enjeux politiques qui nous dépassent et qui ne nous concernent pas, depuis que Tsahal a détruit toutes les infrastructures terroristes des territoires palestiniens qu’elle contrôle, les initiatives des crimes contre les civils juifs se prennent maintenant de chez nous et depuis la capitale de notre oppresseur. L’attentat de Beersheba a ainsi été commandité, planifié, financé et organisé depuis ici, réduisant la question de la riposte israélienne à une affaire de temps opportun, jusqu’à ce que la situation dégénère et que nous soyons, impuissants, broyés dans un conflit total, qui se fera chez nous et dont nous paierons à nouveau le prix fort.

Ce qui se déroule entre hier et aujourd’hui est aussi triste que simple à décrire. Ce qui restait du Liban, sa constitution, prévoit que le Président de l’Etat se doit d’être un chrétien maronite et son mandat est valable pour six ans, non renouvelables. Mais voilà que le Président en exercice, Emile Lahoud, ayant épuisé le temps maximal qu’il pouvait passer au palais de Baabda, ne peut donc plus briguer de nouveau mandat. Côté maronite, les candidats prêts à suivre aveuglément la Syrie dans sa longue descente aux enfers, commencée officiellement le jour de l’adoption par les chambres américaines de la loi sur la responsabilité syrienne et sur la restauration de la souveraineté libanaise, ne se pressent pas au portillon. Devant le risque de perdre sa marionnette, Béchar al-Assad a tout simplement décidé de faire adopter une modification de la constitution permettant à Lahoud de se représenter pour une rallonge de trois ans. Cela se passe pendant que j’écris cet article, pas loin, à la Place de l’Etoile, où une majorité automatique de parlementaires fantoches va amender l’article 49 de notre constitution. En même temps, elle pourrait bien enterrer ce qui reste du Liban, ou, comme l’écrivait l’excellent Gaby Nasr dans l’Orient le Jour de ce matin, « Que les sceptiques se rassurent : le Liban deviendra ce soir un pays arabe à part entière. Du visage jusqu’au derrière ».

A Manhattan, la nuit dernière, le Conseil de Sécurité s’est penché sur notre cas. A l’issue d’une séance marathon, il a adopté une résolution contraignante, la 1559, parrainée par l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France. La résolution proclame « la nécessité que l’élection présidentielle devant se dérouler prochainement au Liban soit libre et équitable, selon les règles constitutionnelles libanaises établies sans interférence étrangère ». Le Conseil y réitère son appel « à un strict respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban ».

De plus, la 1559 exige que « que toutes les forces étrangères restantes (il ne reste que les Syriens Nda.) se retirent du Liban ». Elle « appelle au démantèlement et au désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises dans ce pays » [1] et exprime enfin le soutien du Conseil « à l’extension du contrôle du gouvernement libanais sur tout le territoire du Liban ».

Finalement, cette résolution charge le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, de lui faire rapport dans les 30 jours sur la mise en application de la résolution. En langage onusien, cela signifie que le Conseil va se pencher à nouveau sur la question dans un mois et constater si les Syriens se sont pliés à ses injonctions. Inutile d’attendre tout ce temps, car tous les Libanais vont diront, dès à présent, que la dictature alaouite n’en fera rien. Elle aura détruit un peu plus notre souveraineté, en bafouant notre ordre légal, reflet du périlleux équilibrisme qui fait de nous un Etat et elle nous aura forcés à subir un Président, dont nous ne voulons pas et en qui nous n’avons aucune confiance.

Normalement, et c’est peut être notre ultime espoir, Le Conseil de Sécurité décidera de sanctions contre Damas, après qu’il aura constaté que ses injonctions auront été ignorées. Mais, dans la situation qui prévaut au Proche-Orient, un mois c’est aussi long qu’un siècle et les citoyens libanais pourraient même avoir à subir les punitions que l’ONU infligera alors à nos oppresseurs.

A mon sens, notre avenir se jouera, non dans un mois mais dans deux, lors des élections américaines. S’il est réélu, George W. Bush se sentira les coudées franches pour régler leurs comptes à l’Iran et à la Syrie et je vous assure que c’est sur son agenda. Cela pourrait commencer par une accentuation des menaces israéliennes - pour la première fois, des stratèges officiels de l’Etat hébreu ont parlé de l’inéluctabilité d’un conflit au Nord - se poursuivre par des opérations coups de poings de leur armée, surtout contre les bases d’armements non conventionnels, dénoncés spécifiquement dans la loi sur la responsabilité syrienne et sur la restauration de la souveraineté libanaise et se terminer par une action américaine visant à déboulonner les tyrans assadiens de leur piédestal.

C’est de la musique d’avenir assez inquiétante. Pour aujourd’hui, et en attendant que la fumée noire s’élève de la place de l’Etoile, les observateurs locaux considèrent avec étonnement le rôle joué par la France durant le processus de cette nuit à New York. Elle parrainait, seule avec les USA, la proposition de résolution originale soumise au Conseil de Sécurité. Une proposition d’ailleurs plus ferme que celle qui a été adoptée, puisqu’elle exigeait « que les forces syriennes se retirent du Liban sans délai ».

C’est la seconde fois que la France nous surprend dans le même registre, après qu’en mai 2003, Dominique de Villepin, alors ministre des AE, avait brusquement demandé à la Syrie de retirer ses troupes de notre pays, « et d’appliquer la résolution 520 du Conseil de Sécurité ». Résolution qui exige le retrait total et immédiat de toutes les forces étrangères stationnées au Liban.

A l’époque, on s’était déjà perdu en conjectures, tant les relations entre les marionnettes libanaises de la Syrie, en particulier celles du Premier ministre Rafik Hariri, étaient étroites avec le Président Chirac et elles persistent à l’être à ce jour.

S’agit-il aujourd’hui d’une tentative de Paris de faire pression sur al-Assad afin qu’il « l’aide » à faire libérer ses deux otages ? Les Américains ont-ils exigé le soutien de Jacques Chirac, mettant en avant des arguments qui ne pouvaient que le convaincre ? La France craint-elle notre absorption définitive dans la Grande Syrie ? Chirac commence-t-il à percevoir la dangerosité, et surtout l’inefficacité d’une bonne entente avec les barbus du Hezbollah et leurs alter ego de l’Armée Islamique d’Irak ?

Allez savoir ? Et nous le saurons rapidement, foi de Ména du Liban. Promis aussi que vous serez les premiers à l’entendre, même si cela devait provenir du derrière d’un pays arabe à part entière.

Notes

[1] Les Syriens auraient du démanteler ces milices depuis bien longtemps, s’ils respectaient ne serait-ce que les accords de Taëf, auxquels ils n’ont pourtant de cesse de se référer



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