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Une explication… 3ème partie
Par Stéphane Juffa} © Metula News Agency
Article mis en ligne le 22 août 2004

Un soulier de verre, conçu spécialement pour le pied de Yasser Arafat-qui-explose

« Le colonisé explose », écrit Frantz Fanon, « tentant de détruire la situation coloniale, dont il attaque tous les symboles et les représentations et dans de nombreux cas, cela le mène à sa propre destruction et à celle de son peuple. »

En apparence, si l’on adapte l’Intifada à la typicité de la lutte anticoloniale décrite par le philosophe antillais, la proposition qui précède ressemble à un soulier de verre, conçu spécialement pour le pied de Yasser Arafat-qui-explose.

Et la proposition qui suit, semble également faite sur mesure pour définir la vanité du combat des Israéliens colonialistes. En fait, c’est un peu plus compliqué que cela, il s’agit d’une structure sémantique appelée à remplir plusieurs rôles : Persuader l’oppresseur qu’il ne peut pas vaincre, comme je viens de l’écrire, mais aussi persuader l’oppressé qu’il ne peut être vaincu et, troisièmement, informer les témoins des méthodes comportementales outrageantes que le colonisateur « utilise » ou « utilisera » forcément, parce qu’il remplit un rôle, dans un conflit de type anticolonialiste caractéristique.

« L’oppresseur, faisant face à l’explosion, réalise que ni sa puissance physique ni son pouvoir mental ne peuvent l’aider à se défendre physiquement et psychologiquement ». Cette phrase ne manquera pas de rappeler aux lecteurs de la Ména les hourras à peine dissimulés des médias français, lorsque, constatant qu’un assassinat collectif palestinien a pu se produire, en dépit des mesures prises par l’armée israélienne, ils ont tendance à exulter. Des expressions du genre « Voilà qui prouve au gouvernement israélien que ni les mesures de répression, ni la construction de la barrière de sécurité n’assureront la sécurité de la population israélienne » font alors florès. Evacuant à nouveau les réalités qui gênent dans le parallélisme désiré entre la théorie des guerres de décolonisation et le conflit israélo-arabe, comme la constatation de ce que la vie des populations israéliennes est redevenue quasi normale depuis l’érection de la partie principale du mur et que l’incapacité des activistes palestiniens à assassiner des civils israéliens croît proportionnellement à l’avancée des travaux, les « ex », se raccrochant à des meurtres sporadiques, limités et de traîne, s’appliquent à faire entendre, à la moindre occasion, l’axiome fanonien. Beaucoup de consommateurs d’information, alors, sous le coup de la surprise de trouver ces manifestations de satisfaction dans les médias généralistes, se fâchent, comprenant que les « journalistes » se réjouissent de la capacité qu’ont les terroristes palestiniens à poursuivre leurs assassinats collectifs. Se réjouissent-ils de la mort des enfants israéliens ? - Non, pas directement, en tous cas. Par contre, il sont véritablement satisfaits en pensant constater que les prophéties décrivant le sens le la lutte anticolonialiste se réalisent et, par déduction, qu’il s’agit bel et bien d’un conflit anticolonialiste, oppresseur-opprimé. C’est assez con, pour le commun des mortels, tandis que c’est plein de sens pour les ceux qui sont issus des écoles révolutionnaires occidentales des années 50 et 60. Et ce sont eux qui tiennent les plumes et qui forment la relève.

« Il peut tuer (l’oppresseur Nda) et torturer plein de colonisés mais la rébellion continue, parce que, sans logique, dans leur rage aveugle, ils (les colonisés) se moquent de souffrir et de mourir », dit Fanon, sans savoir qu’il allait générer une véritable chasse à l’inhumanité israélienne dans les rangs de ses cadets. Chasse aux actes d’inhumanité, qui fait écho à l’énumération hallucinatoire et hallucinante par Yasser Arafat de la liste des crimes du colonisateur sioniste. Arafat dit : Les Israéliens utilisent des munitions à l’uranium appauvri, des armes chimiques ; les « ex » répondent en écho, en diffusant l’imposture du petit Mohamed, tué par les tireurs israéliens sur les genoux de son père. Le Vieux dit : Ils empoisonnent nos puits, ils utilisent tous leurs avions pour génocider le peuple palestinien ; les « ex » répondent, inventant l’histoire des soldats violeurs, les photos des dégâts d’obus de chars israéliens fantômes à Rafah etc.

Ce que le lecteur devrait comprendre de cette situation, c’est que, si les ingrédients d’une guerre de décolonisation n’existaient pas dans le narratif du conflit, ce ne serait pas (ça n’est évidemment pas) une guerre de décolonisation. Lors, au théâtre de l’absurde, les « ex » s’attendent à un comportement inhumain de la part du colonisateur israélien. Et quand cette attitude ne vient pas, les « ex » n’hésitent pas à inventer des actes monstrueux. C’est le prix qu’il y a à payer, aux dépends de la déontologie, si l’on veut rester dans la logique de Fanon et de Sartre.

A propos de cette attente dont je parle, j’ai une petite anecdote révélatrice à vous dire. Un journaliste « ex », auquel je venais de présenter le film de la Ména au sujet de la mise en scène de l’affaire A-Dura, eut ce jour-là cette réaction enrichissante :

« Et alors, ça n’a aucune importance de savoir si cette histoire est vraie ou s’il s’agit d’un trucage. Vous (les Israéliens) avez déjà tué des Mohamed A-Dura par centaines et c’est un fait que vous ne pouvez pas discuter ! »

Un de plus, un de moins ? Non.

D’abord parce que les Israéliens n’ont pas tué des centaines d’enfants palestiniens et qu’on ne peut ainsi brader les existences humaines mais principalement, parce que le cas A-Dura possède une signification symbolique bien particulière, celle d’un comportement inhumain de la part du « colonisateur » israélien. Selon le seul « témoin » de l’« assassinat » de Mohamed, le caméraman de FR2 Talal Abou Rahma, les soldats israéliens auraient « tiré durant quarante-cinq minutes, sans discontinuer, en direction de l’enfant dans l’intention de le tuer ». On ne parle pas ici d’un cas de décès collatéral, d’un enfant mort durant un échange de feu, d’un enfant tué parce qu’il se trouvait à proximité de la victime d’une élimination ciblée, on définit le comportement de soldats, qui auraient pris un enfant pour cible, parmi des centaines d’adultes présents sur le carrefour de Netzarim et qui se seraient acharnés à l’abattre.

Dans la normalisation du meurtre d’enfants que nous impute ce collègue « ex », se situait un message ramenant aux axiomes de la typicité des guerres de décolonisation, une fatalité artificielle, qui signifiait aussi bien « vous avez déjà tué des enfants » que « nous savons que vous allez en tuer » et où les deux comportements, la constatation et la prophétie, se rencontraient dans la confusion des temps. Et surtout, la préséance de la logique révolutionnaire sur la réalité lui faisait faire la plus grande des confusions pour un journaliste : Il attachait la même importance évènementielle à un reportage de guerre truqué qu’à un reportage authentique.

Ca me rappela la fameuse phrase de Deng Xiaoping : « Qu’importe qu’un chat soit noir ou blanc, du moment qu’il attrape les souris ». Qu’importe la constatation factuelle de l’évènement « inhumain », lorsque l’on sait que de tels comportements sont inéluctables de la part de l’oppresseur lors d’un conflit colonial ? Relever de vrais comportements inhumains ou se faire l’écho de leurs simulacres, mis en scène par les opprimés, avec le concours des « ex » consentants, cela illustre, de toute façon, les péripéties du conflit d’ordre colonial que l’on a constaté.

Vu sous cet angle, le lecteur comprendra mieux la réaction d’Askolovitch relativement à l’affaire A-Dura ou celle de Jean Daniel, dans celle des soldats violeurs, qui est aussi la réponse globale des médias français face à la multiplication des cas de désinformation déshumanisante pour Israël et ses soldats : Ils plaident l’erreur technique. La faute sans importance. Le rôle non prépondérant des médias dans leur présentation du conflit israélo-palestinien. Entendez : Il s’agit d’une guerre coloniale dans laquelle Israël est l’oppresseur, le rôle des médias, dans ces conditions, ses erreurs techniques, parfois, ne peuvent rien changer dans la caractérisation de ce conflit ; cessez alors d’accuser sans cesse la presse et les « journalistes », ils n’y sont pour rien !

Quant à l’abjection des crimes de guerre commis par les activistes palestiniens sujets au désespoir, elle est systématiquement évacuée de la représentation de ce conflit. Il est en effet très rare que les télévisions, persuadées qu’il s’agit d’une guerre de décolonisation, s’attardent sur les images des corps déchiquetés de passagers d’un autobus ayant été soumis à un assassinat collectif palestinien ; très rare que ces télévisions consacrent des reportages aux morts et aux blessés, victimes de ces actes, aux mutilés, dont la joie de vivre a été fauchée par la terreur des activistes d’Arafat et du Hamas. Dans la logique qui prévaut - la logique inverse de l’attente de comportements inhumains du fait de l’oppresseur, sur laquelle on crée, lorsque l’occasion se présente, des simulacres de comportements monstrueux - on aura tendance à ne pas s’appesantir sur le sort des colons-colonisateurs. Lors d’une démarche plus ou moins inconsciente, on considérera qu’ils ont reçu le châtiment qu’ils méritent. Il est ainsi significatif de constater, qu’alors qu’un effort constant est fourni par les médias français afin de personnaliser à tout prix les victimes palestiniennes, la même dose d’effort est symétriquement appliquée pour dépersonnaliser les victimes israéliennes. On lira systématiquement, par exemple dans les dépêches de l’AFP, que « le jeune Ahmed X, âgé de 15 ans, a été abattu par des tirs de soldats israéliens à… » tandis que les victimes des assassinats collectifs palestiniens demeurent, la plupart du temps, anonymes dans les médias français. Il est par ailleurs fréquent que les mêmes médias consacrent de longs reportages à recueillir les témoignages des familiers du kamikaze mort - souvent dithyrambiques pour l’auteur d’un crime contre l’humanité - alors que les parcours de vies de leurs victimes civiles israéliennes ne trouvent d’habitude aucun reflet dans ces organes d’information.

Sur cette apologie apparente de la barbarie, la lecture des théories énoncées par le philosophe antillais de la décolonisation algérienne est également éclairante. Pour Fanon, la libération du colonisé passe obligatoirement par la lutte qu’il entreprend tel qu’il est et non selon les canons d’un combattant idéal de la condition humaine. La condition de ruine humaine, de sauvage primitif étant, selon le colonisé martiniquais, le « résultat inévitable de la déshumanisation engendrée par la condition coloniale ».

Expliquant, avant terme, la férocité des militants palestiniens et partant, parce qu’il existe une explication victimaire, leur évitant la qualification de terroristes dans le lexique des « ex », Fanon affirme que le processus de libération commence précisément à la plus basse et la plus dégradée des conditions et que cette condition humaine constitue en fait la matière première de la rébellion. Il écrit aussi qu’à un certain stade du processus de la lutte pour la décolonisation, l’oppresseur feindra de vouloir négocier avec les rebelles, précisant que cette péripétie est un passage inévitable dans le processus. Et Fanon, de s’empresser de relever que les opprimés ne seront « pas assez fous » pour tomber dans ce panneau.

En allant au fond des hypothèses de Frantz Fanon sur ces deux sujets, on remarque que l’analyse sereine de ses théories établit, par une digression logique et indispensable, que pour ceux qui adaptent ces théories au conflit israélo-palestinien, l’attaque systématique de civils israéliens par des personnes palestiniennes armées, de même que le sabotage par Yasser Arafat de toutes les propositions de solutions pacifiques, seraient des éléments inhérents et nécessaires de la révolution palestinienne. Mais pas seulement ! La même déduction nous amène à observer, à contrario, que si ces manifestations étaient exclues de la lutte palestinienne, celle-là ne répondrait pas aux critères de qualification, très stricts, d’une guerre de décolonisation. D’une part, on en sait ainsi un peu plus à propos des attentes des timoniers principaux des médias français, ainsi que des fondements conceptuels de la « théorie de la parenthèse », qui veut que l’existence d’Israël ne soit qu’un évènement historique éphémère de l’histoire. Mais d’autre part, il y a désormais urgence intellectuelle à se pencher sur la relation existant entre le reclus de la Moukata de Ramallah et la théorie de la guerre de décolonisation.

Les lignes directrices de la vision d’Arafat, pavant son aphorisme du « Porte-avions », sont par trop coïncidentes des principes énoncés par Fanon pour qu’on puisse, ne serait-ce qu’imaginer, qu’elles sont le fruit du hasard. En les citant en vrac : La victimisation à outrance de son peuple, la diabolisation de son adversaire, l’affirmation de l’existence d’un génocide, l’instrumentation du terrorisme et de la barbarie, l’instrumentation du martyre et enfin, le refus de toute solution négociée, sont autant d’éléments qui collent à la théorie de Fanon. D’ailleurs, le chef palestinien a toujours affirmé que les Israéliens étaient des colonisateurs et qu’ils n’avaient aucun droit sur cette terre, n’hésitant pas à nier l’historicité du Temple de Jérusalem.

La question urgente ?

  • La guerre d’Arafat est-elle l’illustration vivante des principes énoncés par les sartriens ou le fruit d’une tentative préméditée, de la part d’Abou Ammar, afin de surfer sur la vague des guerres de décolonisation et sur ses synergies supranationales ?

    A suivre…



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