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La tempête se lève
Par Sami el-Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 17 juillet 2004
dernière modification le 18 juillet 2004

Il était bien sûr aussi ridicule qu’inefficace, pour régler le capharnaüm qui règne autour de Yasser Arafat, de déclarer Terje Larsen persona non grata dans les territoires palestiniens. Ce n’était pas en insultant ce très arabophile diplomate ni en niant l’exactitude du contenu de son rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, qu’on allait empêcher l’effondrement de l’Autorité Palestinienne, qu’il prévoyait.

Depuis, les choses se détériorent rapidement. Ahmed Qoreï, notre Premier ministre, vient de terminer un entretien d’urgence qu’il a eu avec Yasser Arafat. Avant de s’y rendre, il a déclaré publiquement : « C’est un vrai désastre ! ». En petit comité, il a posé sa lettre de démission sur le bureau du reclus, qui l’a refusée. Lors d’une séance houleuse, Abou Ala a fait savoir au Vieux « qu’il ne pouvait pas assumer les problèmes de sécurité, alors que tous les services de sécurité dépendent directement et exclusivement d’Arafat », Qoreï ajoutant que, « même s’il acceptait d’endosser cette responsabilité pour sauver les apparences, cela ne résoudrait strictement rien. Vous faites tout pour maintenir l’anarchie permanente, en nous expliquant que c’est dans l’intérêt du peuple palestinien, et maintenant vous vous plaignez de ses effets ». Et le ministre de conclure sa tirade par « je suis loin d’être le seul à penser de la sorte : vos plus fidèles officiers vous lâchent, à l’invitation de vous savez qui… Bientôt, il vous faudra trouver une autre marionnette pour occuper ce poste privé de substance et croyez-moi : les candidats ne se bousculent pas au portillon ».

Cette fois, c’est sérieux. Hier déjà, Rachid Abou Shbak, chef de la sécurité préventive pour la bande de Gaza, proche de Dahlan et des Egyptiens, ainsi qu’Amin Hindi, chef du renseignement général de l’AP, également ami d’Omar Suleiman, son homologue cairote, avaient démissionné. Arafat pensa d’abord qu’il ne s’agissait que d’un geste de protestation pour la forme, mais, ce matin, quand ils ont maintenu leur décision en dépit de « l’ordre » du Chairman et surtout, lorsqu’ils ont refusé de se rendre à la Moukata pour participer à une séance d’urgence du Conseil National de Sécurité, tout le monde a saisi le degré de leur détermination.

Le CNS justement, instance béni-oui-oui du raïs dans laquelle il s’est aménagé une autorité indiscutable, a proclamé, ce matin, l’état d’urgence dans la bande de Gaza. Officiellement, cette mesure survient après l’enlèvement de 3 volontaires français et de leur guide palestinien par les Brigades Abou al-Rish et de deux officiers supérieurs de l’AP, par les « Martyrs de Jénine ».

Dans les faits, ces deux organisations sont absolument bidon. Elles ont été inventées, pour la circonstance, par des miliciens du Fatah, des policiers et des membres des services de la sécurité préventive en révolte contre l’autorité de leur chef, Yasser Arafat. C’est évidemment cela qui inquiète le locataire de la Moukata : ces actes insurrectionnels émanant de ses propres inféodés. Comprenez que si Arafat perd le contrôle sur ces trois composantes de l’Autorité Palestinienne, il ne décide plus du sort de Gaza.

Signe suprême de désobéissance, des porte-parole semi officieux des services de sécurité de Gaza ont déclaré à des oreilles attentives que : « l’état de chaos provenait de l’absence d’action de l’AP dans le domaine des réformes ». Les observateurs remarquant immédiatement la similitude entre cette déclaration et les termes du rapport Larsen.

Quant aux ravisseurs du chef de la police d’Arafat à Gaza, Ghazi Jabali, ils ont infligé au reclus de Ramallah un affront plus terrible en accordant une interview à… la radio d’Etat israélienne. Ils y ont notamment annoncé qu’ils avaient interrogé leur otage avant de le relâcher, à la requête personnelle du raïs, précisant que la libération de Jabali faisait suite à un contrat qu’ils avaient passé avec Mister Chairman. Aux termes de celui-ci, Mister Chairman se serait engagé à destituer Ghazi Jabali de son poste et à le présenter à la justice pour y répondre de l’accusation de corruption caractérisée.

Détail pénible de cet épisode ciminalo-médiatique : les ravisseurs ont affirmé aux journalistes israéliens qu’ils avaient enregistré les aveux du chef policier - dans lesquels il reconnaît, entre autres, avoir détourné 8 millions de dollars des fonds publics -, et qu’ils n’hésiteraient pas à diffuser l’enregistrement en question si Arafat ne tenait pas sa parole. De toute évidence, nous sommes en présence de kidnappeurs prudents qui savent exactement à qui ils ont affaire.

Le correspondant de la Ména dans les territoires palestiniens, votre serviteur, est en mesure de confirmer que, dans la bande de Gaza, il n’est pas envisageable d’obtenir la moindre autorisation sans graisser la patte de Jabali. Sont soumis à cet impôt particulier, par exemple, les permis de construire et les licences de commerce. Selon notre humble évaluation, le pactole ainsi constitué par le policier serait plus proche des 22 à 25 millions de dollars que des 8 qu’il aurait reconnus.

Aux analystes de conserver les yeux ouverts et de ne pas tomber dans le panneau consistant à voir, dans ces révoltes, des actes spontanés. Certes, ce ne sont pas les sujets de mécontentement qui manquent aux habitants de Gaza et aux membres des divers services de sécurité. Citons, parmi d’autres : l’effondrement de l’économie gazane, et la misère noire résultant directement de la poursuite des actions terroristes suscitées par Arafat et des attaques répétées contre la zone industrielle mixte d’Erez. Attaques ayant entraîné le licenciement des ouvriers palestiniens, la fermeture des usines et la création immédiate d’une nouvelle ZI en territoire israélien, déjà baptisée Absalon.

Si vous ajoutez à cela que le reclus de la Moukata avait ordonné aux forces de sécurité de laisser la plus entière liberté d’action aux terroristes islamistes, aux Tanzim et autres FPLP, et que les premières abhorrent ces fous furieux, vous comprendrez aisément que le ralliement des officiers et de leurs hommes était garanti d’avance. Versez encore au dossier le mécontentement général issu de la corruption omniprésente, érigée en véritable système de gouvernement par Arafat, et vous obtiendrez une image assez éloquente de l’état de dégradation de la situation qui règne dans les territoires.

Il y manquait la synergie entre les mutins et l’assurance qu’ils n’auraient pas à subir les représailles du Vieux. Il y manquait essentiellement le déclencheur de la rébellion, celui qui allumerait la mèche. Et là, permettez-moi de croire que les lecteurs de la Ména sont assez bien informés pour ne pas avoir transpiré des effets d’un suspense insupportable depuis que j’ai cité les propos tenus, tout à l’heure, par Ahmed Qoreï à Arafat - le « vous savez qui » du Premier ministre.

Il suffisait de suivre l’actualité pour répondre. Quelqu’un s’imaginait-il que le Président Moubarak allait émettre un ultimatum, soutenu à fond par le Quartet - dont les USA et l’ONU -, la Jordanie et Israël, et que ce beau monde accepterait que l’obstacle-Arafat à toute solution négociée refuse leurs conditions sans réagir ? C’eût été méconnaître gravement la détermination de ces coalisés-là, ainsi que l’importance dont jouit l’Egypte auprès des officiers supérieurs des forces armées palestiniennes.

Et l’homme des coalisés, faisant la navette entre le Caire et Gaza, c’est Mohamed Dahlan. Conscient du formidable appui qu’il a sur ses arrières, c’est lui qui dirige, dans un premier temps, les travaux de déconnexion entre Arafat et Gaza. Ensuite, il s’agira de nettoyer les concentrations terroristes, puis, de recevoir le territoire des mains de l’armée juive. Dans l’intervalle, le plancher de l’arche de la Moukata prendra l’eau de toutes parts.

D’ailleurs, le naufrage a déjà commencé, et rien ne semble plus pouvoir sauver la nef et son capitaine dément.



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