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La Cour suprême d’Israël et la barrière de sécurité
par le professeur David Ruzié
Article mis en ligne le 4 juillet 2004

La prise de position adoptée par la Cour suprême d’Israël, cette semaine, à propos du tracé de la barrière de sécurité, au nord-ouest de Jérusalem illustre, si besoin était, le rôle de la plus haute instance judiciaire israélienne, dans la vie de l’Etat d’Israël.

On sait que cette institution joue à la fois le rôle tenu, en France, par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.

Peu importe l’impact de cette décision sur le prestige du gouvernement, qui n’est que l’un des trois pouvoirs, à côté du législatif et du judiciaire.

Certes, des médias, généralement, « bien intentionnés » (sic) à l’égard d’Israël ont préféré mettre l’accent sur la défaite du gouvernement présidé par Ariel Sharon. On sait, en effet, qu’à travers la personne de l’actuel Premier ministre israélien, contre lequel, malgré diverses tentatives, tout à fait légitimes, dans une démocratie, aucune motion de censure n’a, jusqu’à présent, été adoptée par la Knesset, c’est en réalité la légitimité de la politique israélienne qui est systématiquement mise en cause.

Mais, cette légitimité, qui vise à assurer la défense de l’Etat d’Israël, ne peut s’affranchir pour autant des impératifs légaux que constitue le respect de certains principes fondamentaux, auquel, précisément, veille la Cour suprême.

Ce n’est pas un hasard si la formation de trois juges qui a rendu, le 30 juin dernier, un arrêt ordonnant la modification du tracé de la « barrière » était placée sous l’autorité de son président Aharon Barak. Celui-ci a toujours défendu l’idée que même face aux pires dangers, la démocratie israélienne devait respecter certaines limites. C’est cette idée qui avait déjà été mise en œuvre dans plusieurs décisions précédentes, qu’il développa, d’ailleurs, à l’automne dernier, au cours d’un Colloque organisé, à la Sorbonne et au Palais de justice par l’Association internationale des juristes juifs .

Et c’est ce qui a, à nouveau, inspiré la décision rendue à la suite d’un recours déposé par les conseils municipaux de huit villages palestiniens, affectés par la barrière, au nord-ouest de Jérusalem.

De fait, se trouvent concernés 30 des 40 kilomètres déjà aménagés dans cette zone. Rappelons qu’environ 200 kilomètres de cette installation, qui en comportera, au total, un peu plus de 600 on déjà été aménagés. Si autour de Jérusalem, cette « barrière de sécurité » prendra, effectivement, la forme d’un mur, en revanche, l’essentiel sera constitué - à l’instar de ce que l’on appela, à l’époque de la guerre froide, le « rideau de fer » - par des rideaux de barbelés, équipés d’éléments électroniques. Les kilomètres déjà aménagés ont prouvé, d’après des statistiques récemment publiées, leur efficacité pour empêcher des infiltrations de terroristes, candidats aux attentats-suicides.

Nous pensons - n’en déplaise à tel ou tel responsable politique israélien, voire ministre, encore en fonction - qu’il est tout à l’honneur de la Cour suprême d’avoir considéré que « la marge supplémentaire de sécurité obtenue par le tracé actuel de la barrière n’est pas égale aux atteintes aux droits et intérêts des habitants » palestiniens du secteur.

Car, il faut bien admettre que les terroristes ne constituent qu’une infime fraction - malheureusement très efficace - de la population palestinienne.

La Cour suprême aurait également, dans un arrêt de 50 pages (dont nous avouons ne pas avoir eu connaissance) déclaré que « les critères sécuritaires pris en considération sont disproportionnés par rapport aux nécessités humanitaires ».

Elle a donc ordonné au commandement de l’armée israélienne de reconsidérer le tracé de la barrière dans les secteurs en question « même s’il ne peut pas totalement le modifier », ce qui devra entraîner un démantèlement partiel de la barrière déjà construite.

Contrairement à certaines informations selon lesquelles la Cour ne se serait pas prononcée sur le principe même de la légitimité de la construction - ce qui ne nous paraît d’ailleurs pas de sa compétence - nous croyons savoir que la Haute juridiction israélienne n’aurait pas contesté la compétence du commandement militaire pour construire la clôture dans ce secteur.

Et c’est tout naturellement que le ministère israélien de la défense a immédiatement fait savoir qu’il se conformerait à la décision de la Cour.

En revanche, il nous paraîtrait fâcheux que la proposition faite par un ministre en exercice du gouvernement israélien de déposer un projet de loi en vue de permettre de poursuivre, sans limites, la construction de la barrière aboutisse (il n’est pas sûr d’ailleurs qu’il se trouve, à la Knesset, une majorité pour l’adopter).

Il est, toutefois, peu vraisemblable que l’avis de la Cour internationale de justice, qui en est au stade de sa finalisation et de sa traduction, avant sa lecture vendredi prochain, prenne en considération le souci des autorités israéliennes de tenir compte des intérêts de la population palestinienne.


(*) David Ruzié est professeur émérite des universités, spécialiste de droit international



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