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A propos du « plan de paix » d’Avigdor Lieberman
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 28 juin 2010

Décidément, certains Israéliens, même occupant de hautes fonctions, ont une curieuse conception de la démocratie. Nous en voulons pour preuve le « plan de paix » (pour reprendre l’expression utilisée par l’Ambassade d’Israël à Paris, qui a diffusé, dans sa Newsletter du 28 juin) que le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman a publié jeudi dernier dans le Jerusalem Post.

Avant d’aborder le fond de ce plan, nous nous permettons de manifester notre surprise devant la méthode utilisée dans un régime démocratique par un ministre, même occupant des fonctions importantes, qui, par voie de presse, entend présenter hors période électorale, « mon plan pour une résolution du conflit ».

A tout le moins c’est une question, qui relève du gouvernement et non d’un simple ministre.

Mais, après tout, si les collègues de Lieberman, et en premier lieu le chef du gouvernement ne trouvent rien à y redire, nous ne nous montrerons « pas plus royaliste que le roi »…

Cette initiative nous paraît, cependant, d’autant plus malencontreuse que sur le fond, le projet Lieberman nous paraît hautement critiquable, tant sur le plan humain que sur le plan juridique.

Certes, le ministre israélien précise que s’agissant d’un plan d’ « échange de territoires peuplés », qui placerait une grande partie des Arabes israéliens dans un nouvel Etat palestinien, il ne s’agirait cependant pas « d’un transfert physique de population, ni de démolition d’habitations ».`

Mais quand même….Il s’agirait de « créer une frontière là où il n’en existait pas, en fonction de la démographie… » et de préciser que « les Arabes qui vivaient, jusque-là en Israël, recevront la citoyenneté palestinienne ».

Voilà qui est vite dit, mais sur quelle base ?

Avigdor Lieberman entend justifier le retrait (légalement) de la citoyenneté israélienne aux Arabes israéliens, par référence à la résolution 55/153 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 12 décembre 2000.

Or il n’est pas certain que ce document puisse servir de justification, car en l’occurrence, il s’agit d’une résolution par laquelle l’Assemblée générale prend note des articles sur « la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États », présentés par la Commission du droit international, sous la forme d’une déclaration, dont le texte est joint en annexe à la résolution.

Et l’Assemblée « invite les gouvernements à tenir compte, selon qu’il conviendra, des dispositions figurant dans l’annexe concernant les questions liées à la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d’États ».

Et voilà tout le problème : le texte en question vise les diverses hypothèses de « succession d’Etats », c’est à dire le cas de transfert d’une partie de territoire, l’unification d’Etats ou la dissolution d’un Etat.

Manifestement Lieberman considère que la création de l’Etat palestinien pourrait précisément donner lieu à un transfert de territoire, vraisemblablement la Galilée.

Indépendamment de l’absence du droit pour Israël d’imposer au nouvel Etat un tel transfert, le ministre israélien nous paraît faire fi du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, y compris du droit des Israéliens vivant en Galilée.

A cela on nous rétorquera que le ministre israélien prévoit un référendum populaire, mais, au risque de choquer certains internautes, nous estimons que les « dés son pipés » quand Lieberman prévoit un référendum auquel participeraient tous les Israéliens « sans considération de race ou de religion ».

Autrement dit un collège électoral majoritairement juif imposerait ses vues à une minorité arabe.

Or, ce sont les populations des territoires concernés par un échange de territoires, qui sont, généralement, seuls consultés. Nous ne sommes pas certains, contrairement aux prévisions de Lieberman que les « Palestiniens devraient en toute logique accepter ce plan » et que les Israéliens devraient en l’acceptant également « faire preuve de maturité politique…. ».

Là où nous rejoignons Lieberman, toutefois, c’est lorsqu’il estime qu’un règlement de paix « n’empêche (pas) les minorités demeurant dans chaque Etat de jouir de leurs pleins droits civils ».

Car, effectivement, les Palestiniens ne sont pas fondés à exiger un Etat « sans Juifs » (Judenrein) et, heureusement, les Israéliens ont fait la preuve depuis 62 ans, même si leur situation peut être encore améliorée, que près de 20% de la population de religion non-juive ont leur place dans l’Etat des Juifs.

Ceci dit, nous n’écartons pas – en nous exprimant toujours à titre personnel – l’hypothèse d’un échange de territoires pour permettre à Israël de conserver certaines implantations, qui seraient rattachées géographiquement à Israël.

Mais cet échange se ferait dans un tout autre esprit que celui imaginé par le ministre israélien qui, par un échange de territoires, voudrait, en réalité, se débarrasser d’une importante minorité arabe.

Que des Arabes israéliens envisagent de rejoindre le nouvel Etat palestinien est vraisemblable et parfaitement fondé au regard du droit international, ce qui ne serait pas le cas d’une mesure collective décidée par une majorité démographique.



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