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La frilosité de l’Union européenne
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 12 juillet 2009

Une information diffusée, par ailleurs, sur ce site, sous le titre « Biens juifs : Bruxelles se dérobe », nous apprend que la Commission européenne a décliné une proposition du gouvernement tchèque, dans les derniers jours de sa présidence de l’Union, qui voulait associer la Commission à un « mémorandum » prévoyant un engagement financier des Vingt-Sept, afin de soutenir les initiatives internationales en faveur de la restitution des biens volés aux Juifs, par les nazis.

Le motif du refus bruxellois aurait été l’absence de fonds disponibles.

De fait, la Commission s’est contentée d’apporter son « appui moral et politique » à la conférence sur le sort des biens des victimes de l’Holocauste organisée à Prague, à la fin de juin, et qui s’est conclue par l’adoption de la « déclaration de Terezin » (nom de la ville proche de la capitale tchèque, qui eut, son heure de gloire funeste, lorsque les nazis transformèrent en ghetto, la ville de « Therezienstadt »).

Cette Conférence sur « Les avoirs de l’époque de la Shoah » (Holocaust Era Assets Conference), qui a rassemblé, à Prague, 46 Etats et de nombreuses ONG juives a constitué le pendant de la Conférence tenue en 1998, à Washington, qui, elle, n’avait envisagé que le sort des œuvres d’art, volées et non restituées et avait posé le principe de la restitution ou de l’indemnisation de ces objets.

Or, cette fois, la Conférence, est allée plus loin, tout en reprenant la question des œuvres d’art, toujours en suspens.

Car, même en France, un certain nombre d’œuvres figurent, encore, dans les collections des musées nationaux français sous l’appellation « « M.N.R » - Musées nationaux récupération – témoignant de l’ignorance de la propriété de ces œuvres, récupérées en Allemagne et en Autriche, à la fin de la guerre.

Et, en 2008, une exposition consacrée à certains tableaux (« A qui appartiennent ces tableaux ? ») a même été organisée à Paris et à Jérusalem.

Mais, cette année la Conférence de Prague a, aussi, envisagé, cette fois-ci, le sort des propriétés privées et communautaires (appartenant aux Communautés juives), confisquées par les nazis et qui, en Europe centrale et de l’Est, ont été conservées par les gouvernements, à l’époque communiste.

Or, la restitution ou l’indemnisation des biens, ainsi volés aux Juifs, s’est heurtée à de sérieuses difficultés dans un certain nombre de ces pays, dont l’économie était en transition, après la chute de l’Empire communiste.

Car, au lendemain de l’avènement de la démocratie (la vraie, pas la supercherie de la « démocratie populaire »), des gouvernements ont souvent vendu ces biens à des particuliers, pour se procurer des ressources budgétaires.

Et, à l’heure actuelle, une éventuelle indemnisation, à la charge des Etats, au profit des ayants droit, souvent identifiés, ou identifiables, est rendue très difficile, voire impossible, du fait de la crise économique, qui les affecte (comme c’est le cas pour tous les pays d’ailleurs).

Si certains de ces pays, comme la République tchèque, par exemple, ont tenu à honorer leur responsabilité, il n’en est pas de même d’un certain nombre d’autres, parmi lesquels la Pologne et les pays baltes, par exemple.

D’où l’idée de faire payer l’Union européenne…….

En réalité, on est en droit de se demander, à quel titre, l’Union européenne devrait assumer une telle charge financière, alors qu’un certain nombre de pays de l’Europe de l’Ouest (Allemagne, Autriche, Belgique, France, par exemple)) ont déjà entrepris, voire achevé, d’assumer financièrement, les conséquences de leur responsabilité morale dans la spoliation des Juifs, sous l’Occupation.

Sans vouloir décerner, en la matière, des félicitations particulières à la France, qui, ne l’oublions, pas a, sous le gouvernement de Vichy, activement collaboré, non seulement, aux persécutions physiques, mais aussi à la spoliation des biens Juifs, il faut, toutefois, objectivement reconnaître, que la législation ayant rétabli la légalité républicaine, dès l’automne 1944 puis l’octroi de dommages de guerre (du moins aux Juifs français ou ayant servi dans l’armée française ou dans la Résistance) avaient permis aux survivants de récupérer ou d’être – au moins partiellement - indemnisés, à la fin des années 40.

A cela étaient venues s’ajouter, dans les années 60, au bénéfice des ayants droits des victimes de spoliations – quelle que soit leur nationalité à l’époque de l’Occupation – les mesures de « Wiedergutmachung » ou Loi Brüg (environ 30 000 dossiers) adoptées par l’Allemagne fédérale.

Mais il restait, encore, beaucoup à faire.

Et il fallut attendre la reconnaissance officielle par le président Jacques Chirac, en juillet 1995, de la responsabilité de la France dans les persécutions antisémites et leurs conséquences sur les biens des Juifs, pour que des mesures complémentaires d’indemnisation soient décidées.

Ainsi, depuis septembre 1999, fonctionne une Commission pour l’indemnisation des spoliations résultant des législations antisémites en vigueur sous l’Occupation (CIVS).

A la différence des mécanismes mis en place dans d’autres pays, non seulement, il n’y a pas, à l’heure actuelle, de date-limite de dépôt des dossiers, ni de plafond aux indemnités. La qualité d’ayant droit étant appréciée selon les règles du droit commun, ce sont, pratiquement, les règles successorales, qui s’appliquent et l’indemnisation n’est donc pas limitée à la descendance en ligne directe.

Jusqu’à présent, la Commission a déjà examiné plus de 23 000 requêtes et un montant de plus de 420 millions d’euros a déjà été alloué, indépendamment des quelques centaines de millions de francs de dotation à la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

Dans ces conditions, on ne verrait donc pas pour quelle raison la France devrait, en tant que contributeur au budget de l’Union européenne, assumer une charge financière supplémentaire.

Mais, cela ne signifie pas pour autant que l’Union européenne n’a pas un rôle à jouer dans ce domaine, même si ce n’est pas sur le plan financier.

En effet, on ne peut que regretter que la Commission, alors qu’elle en aurait le pouvoir, n’a pas initié un rapprochement des législations dans le domaine de la restitution ou de l’indemnisation des biens spoliés aux Juifs, en prenant appui sur les législation existant dans ce domaine dans plusieurs pays.

Un tel rapprochement, faisant partie de l’ « acquis communautaire » aurait, alors, dû être accepté par tout nouveau candidat à l’entrée dans l’Union européenne.

Ainsi, la Pologne et les pays baltes, par exemple, auraient été liés juridiquement, ou auraient dû, il y a quelques années, renoncer à leur demande d’adhésion.

Tandis qu’à l’heure actuelle, ces pays ont simplement accepté les principes posés par la Déclaration de Terezin, dépourvue de toute force contraignante.

Ce n’est, malheureusement, pas la première fois qu’on constate une frilosité de l’Union européenne, dans des domaines considérés, à tort, comme sensibles.

Ainsi en est-il en matière de lutte anti-boycott, où il est vrai que même en France la législation existante, pourtant, est loin d’être appliquée, mais précisément une directive ou une décision-cadre aurait non seulement un effet d’entraînement pour tous les autres membres, mais de plus cette norme communautaire, obligatoire quant à ses objectifs, forcerait les autorités françaises à se montrer plus vigilantes dans ce domaine.

De même, jusqu’à présent, la Commission européenne n’a pas non plus pris l’initiative d’initier une « charte des victimes des actes de terrorisme ».

Elle se borne à verser des subventions – ce qui n’obère pas le budget communautaire – aux associations nationales, qui, dans divers domaines, viennent en aide à ces victimes.

Or, il existe bien, depuis 2004, une directive communautaire, qui a obligé tous les Etats membres à se doter d’une législation visant à indemniser les victimes d’actes de violence.

Mais, il existe une différence importante entre les législations nationales, qui indemnisent, déjà, les victimes des actes de terrorisme (ex : Espagne, France, Italie) et les législations qui, conformément à la norme communautaire, n’indemnisent que les victimes d’actes de violence.

Ainsi, un Français sera pris en charge sur le plan national, quel que soit le lieu dans le monde où il a été victime d’un acte de terrorisme, alors qu’un Britannique, victime d’un acte de terrorisme, survenu en dehors du territoire national ne le sera pas, dans son pays, seuls les actes de violence survenus sur le territoire britannique étant pris en compte.

Sans doute attend-t-on trop de l’Union européenne, mais sa « frilosité », dans certains domaines, tranche avec son impudence, voire son arrogance, lorsqu’elle prétend intervenir dans le conflit du Moyen-Orient.

Depuis, par exemple, la reconnaissance de l’OLP par le Conseil européen, en juin 1980, on pourrait multiplier les exemples de prises de position déplacées, pour ne pas dire outrecuidantes, de tel ou tel responsable européen, y compris, encore il y a quelques jours, à propos de la présence israélienne en Cisjordanie….



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