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C’étaient des Juifs, après tout !
Ma réaction aux croix gammées tracées au Mémorial de la déportation à Drancy
Charles Etienne NEPHTALI
Article mis en ligne le 12 avril 2009

Pour mémoire et pour la Mémoire, M. Serge Klarsfeld et les Fils et Filles des Déportés Juifs de France, avec une ténacité sans faille et une constance qui forcent l’admiration, organisèrent entre le 27 mars 2002 et le 18 août 2004, 63 cérémonies à l’occasion des 60èmes anniversaires de départs des convois. Cérémonies auxquelles assistèrent principalement des descendants de Déportés, de rares rescapés, de très rares ascendants d’enfants engloutis dans la tourmente de la Shoah ainsi que quelques Militants de la Mémoire.

Et de m’interroger : qu’en sera-t-il dans quelques années ? Qui se souviendra qu’à quelques kilomètres de Paris exista ce lieu maudit où transitèrent plus de 80.000 personnes, bébés, enfants, vieillards, hommes, femmes dont presque tous furent gazés dès leur arrivée dans les camps de la mort, à Auschwitz en particulier, après un épouvantable et inhumain voyage de plusieurs jours entassés à plus de 1000 dans des wagons similaires à celui transformé en musée se trouvant sur place et qui hier, pendant Pessa’h, fut profané.

Comme il était poignant, au cours de ces cérémonies d’entendre les noms de tous les Déportés des convois concernés lus par des familiers de ces malheureuses victimes qui n’eurent comme tort que celui d’être Juives ! Comme il était poignant et insupportable d’entendre, lors de ces lectures, les âges allant de quelques jours, oui, de quelques jours à 80 ans et plus ! Comme il était poignant et insupportable de voir des personnes âgées n’arrivant même pas à sortir un mot de leur bouche et éclatant en sanglots en essayant d’évoquer le nom d’un proche disparu ! Qui peut rester insensible à tant de douleurs ? A tant de malheurs ? Et pourtant !

Et pourtant, oui, et pourtant, ce lieu fut profané l’autre nuit ! Et pourtant, oui, et pourtant, je ne puis m’empêcher de me remémorer cette lamentable anecdote.

En 1961, arrivant de mon Maroc natal, il me fut attribué une HLM à Bobigny, face à la gare de voyageurs d’où partirent tant de convois. Un dimanche, au hasard d’une promenade, j’arrivai, avec ma femme et mon fils âgé de deux ans, à Drancy distant de quelques kilomètres. Je reconnus de suite le bâtiment en U dont j’avais vu les photos sur un livre, « Drancy la Juive ». Sur ce bâtiment, une plaque de marbre, maculée d’encre (déjà), indiquant ce que fut ce lieu il y avait tout juste 17 ans.

Une dame âgée nous demanda si nous cherchions quelque chose. Lui répondant par la négative, je lui fis cependant part de l’émotion de me trouver en ces lieux. Elle nous conta avec force détails ce qui s’y était passé à partir de juillet 1942 : le carrousel des autobus amenant hommes, femmes et enfants, les cris, les pleurs, la police française (ce que jusque là j’ignorais). Elle n’arrêtait pas de ponctuer son récit de « c’était affreux, Monsieur, c’était horrible ». Lui demandant d’où elle tenait tous ces détails, elle me déclara qu’elle habitait dans un pavillon juste en face et que plusieurs voisins furent témoins de ces « scènes terribles, atroces ». Et à mes questions « Vous ne disiez rien ? Vous ne faisiez rien ? », elle ne me répondit que «  C’étaient des Juifs, après tout !  ».

«  Des Juifs, après tout !  ». Des gens normaux, comme vous et moi, d’honnêtes gens, vraisemblablement de bonnes mères et de bons pères de famille se comportèrent et raisonnèrent de la sorte, restant muets face à l’horreur, muets comme cette Cité qui porte le nom, quelle ironie ! « La Muette ».

Les mots de cette vieille dame, me demandant ensuite poliment de l’aider à traverser la rue, résument bien l’ambiance de l’époque parmi certaines gens. 65 ans après, face à cet acte ignoble que d’aucuns qualifieront de « judéophobe, d’antijudaïque » mais que je persisterais à nommer « antisémite », un individu traça l’autre nuit des croix gammées. Certaines gens, en réaction, firent de suite des comparaisons oiseuses avec les événements du Moyen-Orient, d’autres allant même jusqu’à rendre les Juifs responsables de leurs malheurs.

Moi, « l’écorché juif », militant de la Mémoire qui ne suis ni descendant, ni ascendant, ni collatéral d’une des innombrables victimes de cette barbarie, je me considère en deuil de six millions des miens dont un million et demi d’enfants et suis particulièrement révolté par ce qui vient de se passer au Mémorial de Drancy. J’espère qu’une manifestation silencieuse de protestation sera organisée dans les prochains jours. Dans cette éventualité, je me permettrais de demander, de supplier même, le plus grand nombre possible de personnes d’y assister afin d’exprimer leur indignation et d’honorer la Mémoire de tous ces «  Juifs, après tout  ».



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