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Empêcher les abus en matière de compétence universelle
Irit Kohn | JCPA - Traduction : Marc Brzustowski
Article mis en ligne le 5 mars 2009
dernière modification le 6 mars 2009

Juste après la fin de la récente opération israélienne à Gaza, des organisations pro- palestiniennes françaises ont lancé des poursuites judiciaires contre le Président israélien, les ministres des affaires étrangères et de la défense. Des procureurs turcs ont déclaré en février 2009 qu’ils cherchaient la façon dont les dirigeants israéliens pourraient être poursuivis en justice pour crimes contre l’humanité, concernant l’offensive à Gaza, après que Mazlum-Der, une organisation des droits de l’homme d’obédience islamique, ait déposé plainte en Turquie. Au même moment, un juge espagnol examine actuellement le rôle des soldats israéliens et des responsables de la sécurité, dans un bombardement à Gaza en 2002, lors duquel Salah Shehada, un planificateur d’attentats-suicide important du Hamas et 14 autres personnes ont été tués.

  • La compétence universelle fait référence au pouvoir d’un Etat de légiférer, de se prononcer et de condamner tout individu pour des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un génocide commis hors de ses frontières, même quand ces crimes n’ont pas été commis contre ce pays ni ses citoyens, et même si l’accusé n’est pas non plus citoyen (de ce pays). L’idée est que quiconque ayant commis de tels crimes atroces, internationalement condamnés, ne pourra trouver refuge ou échapper à un jugement, où qu’il se trouve sur le globe.
  • Les organisations des droits de l’homme dans le monde entier ont contribué à l’instauration de la compétence universelle. Cela a contribué à l’introduction de la politique dans le processus de compétence universelle, comme on peut le voir dans beaucoup d’actions mises en œuvre par les ONG qui sont soutenues financièrement par des groupes d’intérêts particuliers et même des états au seul bénéfice de leur propre agenda. En 2005, le Général de Brigade Doron Almog a été prévenu qu’il ne devait pas quitter son avion à l’aéroport d’Eathrow de Londres, après qu’une Cour britannique ait lancé un mandat d’arrêt (contre lui).
  • Il est important de se rappeler que l’on ne met en oeuvre la compétence universelle et le Tribunal Pénal international que lorsqu’un pays ne veut ou ne peut se pourvoir en justice. Israël est encore une démocratie disposant d’un système judiciaire bien développé et n’a pas besoin d’une intervention extérieure pour conduire quelque investigation que ce soit.
  • En fait, la police militaire israélienne a rapporté qu’entre 2000 et 2007, le système judiciaire d’Israël a mené 272 enquêtes sur des déclenchements de tirs illégitimes, conduisant à 31 accusations et 17 inculpations ; 330 investigations concernant des dommages causés à la propriété, menant à 36 accusations et 36 condamnations ; 475 enquêtes sur violences, produisant 37 accusations et 34 condamnations ; et 128 enquêtes pour des crimes dans les territoires palestiniens, ayant pour résultat 20 accusations et 18 inculpations. Le cas de Salah Shehada, mentionné plus haut, a déjà été minutieusement examiné par la Cour Suprême, qui est largement respectée dans la communauté judiciaire internationale. Que pourrait bien ajouter un tribunal espagnol ?
  • Le Dr Henry Kissinger a écrit que nous étions témoins d’une tentative sans précédent de traduire les politiques internationales en procédures légales. La loi internationale n’a pas besoin que le pays qui poursuit en justice soit neutre ou politiquement impartial pour exercer sa juridiction dans un dossier donné. L’intention selon laquelle la compétence universelle a été créée peut bien être tour-à-fait digne et noble. C’est, cependant, sa forme actuelle d’exécution qui est problématique, c’est le moins que l’on puisse dire.

Parrainage du Tribunal Pénal International (TPI)

Quelques jours après le fin de l’opération de trois semaines à Gaza qui a pris fin le 18 janvier 2009, plusieurs organisations pro-palestiniennes françaises ont lancé un procès contre le Président israélien, le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense. Le Statut de Rome, document fondateur du Tribunal Pénal International de la Haye, était cité en tant que fondement légal à cette action.

Les organisations ont demandé que la France, qui présidait le Conseil de Sécurité de l’ONU au moment de l’ouverture du dossier, initie une discussion autour de cette action au sein du Conseil, espérant qu’une résolution du Conseil soumettrait le cas au Tribunal Pénal International.

Le Tribunal Pénal International n’a encore seulement autorité que sur les nationaux issus de pays ayant signé et ratifié le Statut de Rome. Israël n’a pas ratifié le statut et ses citoyens n’y sont donc pas assujettis. L’article 13 (b) des statuts du tribunal établit la juridiction de la cour sur les cas qui lui sont référés par le Conseil de Sécurité en accord avec le chapitre 7 de la Charte de l’ONU. Cet article a été le fondement juridique de l’autorité de la cour sur les crimes commis au Darfour soudanais. Dans ce cas, tous les membres du Conseil de Sécurité ont voté en faveur du référencement du cas devant la cour, incluant les Etats-Unis, qui n’est pas non plus partie prenante dans le Statut de Rome.

Le Tribunal Pénal International a commencé à travailler en juillet 2002. Depuis sa mise en place, il tient lieu de tribunal permanent, disposant d’une autorité supplémentaire à l’autorité des états pour poursuivre les individus pour crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Un autre crime mentionné dans son mandat, dont la définition est encore sous délibération, est celui « d’agression ».

Depuis qu’il s’est avéré impossible de trouver un accord sur le problème du terrorisme, ce sujet n’est pas compris dans les attributions de cette cour. Beaucoup de pays et d’organisations perçoivent l’usage de la terreur au cours d’une guerre d’auto-détermination comme un acte légitime de guerre.

Le besoin de créer un tribunal pénal international a été reconnu au sortir de la seconde guerre mondiale et du génocide des Juifs d’Europe. Suivant les tribunaux ad hoc de Nuremberg et de Tokyo, le peuple juif et l’Etat d’Israël, à part entière dans la communauté internationale, ont reconnu le besoin d’une cour internationale permanente pour régler le phénomène récurrent de génocide et d’autres crimes aussi graves.

Israël a été très actif durant le comité préparatoire du tribunal pénal international. L’ancien procureur général israélien, le juge Eli Rubinstein, a fait un discours à la conférence de Rome, où il affirmait qu’Israël était très favorable aux procès contre les criminels de guerre responsables de génocide et de crimes contre l’humanité. Cependant, ajoutait Rubinstein, l’inclusion de corpus politiques dans le processus de décision était extrêmement problématique, et depuis qu’Israël est victime d’assauts terroristes incessants, il espérait que la communauté internationale reconnaîtrait le terrorisme comme un crime international et se concentrerait sur les méthodes pratiques et effectives de coopération à mettre en oeuvre pour envoyer les terroristes internationaux en justice. A ce jour, la cour doit encore instituer de telles mesures.

 

Le problème d’Israël à l’égard du TPI.

Que s’est-il passé? Pourquoi Israël s’est-il abstenu de ratifier le statut ? Un article du statut, qui consolide le processus de politisation de la cour, est la première raison de la décision israélienne : il s’agit de l’article qui concerne le transfert de populations.

L’article 8 (b) 8, la section définissant les crimes de guerre dans le statut de Rome, stipule : “le transfert, direct ou indirect, par la puissance occupante de groupes de sa propre population civile sur le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert de toute ou parties de la population d’un territoire occupé à l’intérieur ou hors de ce territoire.”

Cet article a été copié presque mot pour mot à partir de la version de 1977 du premier protocole de la convention de Genève de 1949.

Cet article insiste clairement sur les transferts forcés de populations. Ses intentions sont même encore plus évidentes lorsqu’on se rappelle qu’il a été consigné en réponse à la relocalisation forcée de populations en Europe durant la Seconde Guerre Mondiale (c’est-à-dire à propos du transfert d’Allemands vers l’ancienne Tchécoslovaquie).

Dans le statut de Rome, cet article élargit jusqu’à l’absurde le programme de repeuplement forcé des Nazis, qui était raisonnablement défini en tant que crime de guerre sous la Convention de Genève. Le statut définit désormais tout mouvement volontaire de population, qu’il soit direct ou indirect, quel qu’en soit les moyens, comme un crime similaire sous le statut de Rome. Mais quel est le lien entre cette distorsion et l’intention originale du statut de Rome, qui était d’établir un tribunal pour répondre aux débordements horribles et intolérables contre l’humanité ? Ici l’intention était de conduire à la reconnaissance internationale des implantations israéliennes dans la bande occidentale de Cisjordanie (Judée-Samarie) comme constituant un crime des plus sévères qui aurait ainsi pu être soumis à la cour.

Rappelons-nous qu’en général, les violations de la loi internationale ne sont pas, ipso facto, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des génocides. Il existe beaucoup de violations de la loi internationale qui ne sont pas considérées comme équivalentes à ces crimes. De plus, étendre la définition des « transferts de population » dans le statut de Rome bien au-delà de celle du premier Protocole de Genève, tout en créant une argutie légale spécifique pour traiter des implantations israéliennes, abaisse sérieusement le statut sur lequel la cour a été fondée. Les sources israéliennes se sont plaintes du fait que la terminologie de cet article, inspirée et influencée par les nations arabes, cible spécifiquement l’Etat d’Israël, et par conséquent n’est liée en aucun cas à la sévérité et au contenu des autres actes flagrants désignés par le statut en tant que crimes de guerre.

Il est intéressant de remarquer que jamais les tribunaux ad hoc pour le Rwanda ou la Yougoslavie n’ont donné lieu à des ajustements visant à élargir dans leurs documents constitutifs la définition au-delà de celle de la 4è Convention de Genève, selon laquelle seule la déportation ou le transfert illégal de personnes protégées sont considérés comme des violations graves de la convention.

Au bout du compte, l’introduction de cet article dans le statut de Rome et l’imbrication entre le TPI et l’ONU ne laissaient aucun autre choix à Israël que de s’abstenir de se joindre au statut et, par conséquent, le TPI n’a pas autorité sur ses citoyens.

La Cour Pénale Internationale n’est pas la seule voie pour la poursuite de ces crimes. Il y a eu des tribunaux spéciaux de l’ONU par lesquels des individus accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été poursuivis. Cela inclut les tribunaux établis par le Conseil de Sécurité de l’ONU pour juger les crimes commis dans l’ancienne Yougoslavie, au Sierra Leone et au Cambodge. Récemment, une cour a été établie au Liban concernant le meurtre de l’ancien premier ministre Hariri.

Des Etats particuliers cherchent à exercer une compétence universelle.

On peut encore trouver une autre manière de poursuivre des suspects pour des violations abominables de la loi internationale dans certains états qui ont adopté des lois impliquant la « compétence internationale ». Comme on l’a noté, le statut de Rome a établi le premier engagement des états à exercer leur juridiction et à poursuivre les individus suspects d’être responsables de tels crimes face à des tribunaux nationaux. L’insistance, ici, porte sur la responsabilité d’un état d’envoyer en justice quiconque est responsable de tels crimes, à travers une législation adaptée, une compétence universelle étendue et une coopération internationale renforcée.

La compétence universelle réfère au pouvoir d’un état de légiférer, de se prononcer et de condamner tout individu pour des crimes commis hors de ses frontières, même si ces crimes n’ont pas été commis contre ce pays ni ses citoyens, et même si l’accusé n’est pas citoyen. L’idée est que quiconque commet de tels crimes atroces, internationalement condamnés, ne pourra trouver refuge ni se dérober à son jugement nulle part sur le globe.

La définition de ces crimes est le résultat d’un processus historique. Le traité constitutif des procès de Nuremberg, par exemple, a établi les principes au regard des crimes de guerre nazis et désigné ces individus accusés de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis durant la Seconde Guerre Mondiale en spécifiant qu’ils seraient poursuivis devant une cour militaire internationale réunissant tous les pays signataires du traité (les USA, l’URSS, l’Angleterre et la France) qui se tiendrait à Nuremberg. On décida plus tard que ces criminels pouvaient être poursuivis par les systèmes de justice nationaux de tous les pays partie prenante de l’instauration de la cour internationale. Le traité fut ratifié par 19 pays supplémentaires et ses principes ont été adoptés à l’unanimité par l’assemblée générale des Nations-Unies en 1946. Par conséquent, il a été décidé que les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont des crimes dans tous les états et que tous les états pouvaient poursuivre des individus qui se rendaient responsables de les avoir commis. Il en résulta que les criminels de guerre nazis furent poursuivis dans plusieurs pays.

Dans un autre exemple, les lois de la guerre ont été étendues par la convention de Genève de 1949, et ont tracé la ligne de démarquation entre le « droit » et le « non-droit » en temps de guerre. Elles définissent également ce que sont les violations bénignes et flagrantes. Elles confient à chaque état particulier la responsabilité de localiser et de poursuivre ce qui les violent, même si le crime a été commis hors de sa juridiction et n’était pas dirigé contre lui ni ses citoyens. La description des violations flagrantes a élargi la définition de crimes de guerre au-delà de leur définition à Nuremberg et les a soumis à la compétence universelle.

Il est important de noter que les organisations des droits de l’homme du monde entier ont contribué à l’instauration de la compétence universelle, comme ce fut le cas, par exemple, dans les actions lancées contre l’ancien premier ministre Ariel Sharon et d’autres dans le cas du massacre des Palestiniens par les milices chrétiennes à Sabra et Chatila au Liban. Cela a contribué à l’introduction des politiques dans le processus de compétence universelle, comme on peut le voir dans de nombreuses actions lancées par les ONG, qui sont financièrement soutenues par des groupes d’intérêts particuliers et même des états au bénéfice de leur propre agenda.

Dans un exemple plus récent, des procureurs turcs ont déclaré en janvier 2009 qu’ils examinaient la possibilité de poursuivre des dirigeants israéliens pour crimes contre l’humanité durant l’offensive israélienne sur Gaza, après que Mazlum-Der, une organisation des droits de l’homme d’obédience islamique, ait déposé une plainte officielle en Turquie. Le groupe a demandé à ce que les responsables israéliens soient mis en détention s’ils entraient en Turquie.

De plus, un juge espagnol est actuellement en train d’examiner le rôle des soldats israéliens et des responsables sécuritaires dans le cadre d’un bombardement à Gaza en 2002 lors duquel un planificateur d’attentat suicide important du Hamas, Salah Shehada et 14 autre personnes ont été tués. En 2005, le Général de Brigade Doron Almog a été sommé de ne pas quitter son avion à l’aéroport d’Eathrow à Londres, après qu’un tribunal britannique ait lancé un mandat d’arrêt (contre lui).

Le dossier qui a ouvert les vannes aux poursuites sous compétence universelle dans les dernières années a été celui du général chilien Pinochet. En 1998, l’Angleterre recevait une requête de la part d’un juge en Espagne pour extrader Augusto Pinochet pour qu’il puisse être jugé lors d’un procès devant une cour espagnole pour des crimes commis contre des Espagnols sur le territoire du Chili. Les parties civiles qui soutenaient la compétence universelle croyaient que l’arrestation de Pinochet constituait un tournant. Les critiques concernant le dossier ont argué qu’il était fallacieux d’utiliser le principe de compétence universelle comme outil pour régler des polémiques politiques.

L’instauration contemporaine de la compétence universelle est très controversée parmi les experts juridiques internationaux. Aucun débat public au sujet de sa propre instauration ou de son application n’a jamais eu lieu et il en résulte qu’il n’y a pas de règles universellement acceptées.

Chaque état exerce l’autorité en matière de compétence universelle selon ses propres lois internes, qui sont loin de constituer une connaissance internationale partagée. Il n’y a pas plus de définitions unitaires des crimes ni de certitude concernant le type de défense dont l’accusé doit se prémunir. Les statuts de limitation diffèrent d’un pays à l’autre. De plus, les juges des tribunaux locaux ne sont pas toujours versés dans la connaissance des lois internationales. Ainsi, tous ces facteurs sont de possibles obstacles à l’application de la compétence universelle.

Cette situation change lorsque la juridiction est exercée par des organisations internationales. Les tribunaux internationaux, tels que le TPI, exercent selon les règles autorisées par tous les pays parties prenantes de leurs traités fondateurs. En outre, quand le conseil de sécurité de l’ONU désigne une cour ad hoc, il agit à l’intérieur du cadre des conventions internationales et statuts destinés à cette intention par l’ONU, parfois même en pleine coopération avec les pays impliqués. Dans les deux cas, les crimes sont clairement définis, comme le sont les règles d’administration de la preuve, les dispositions de protection légale, et ainsi de suite. On doit aussi garder à l’esprit que les juges affectés à ces tribunaux représentent habituellement un large spectre d’opinions judiciaires et que quelques-uns d’entre eux sont des experts en lois internationales.

Pas besoin d’intervention extérieure dans les dossiers sous juridiction israélienne

Il est important de se rappeler que la compétence universelle et le Tribunal pénal International s’appliquent quand un pays ne mène pas ou ne peut pas mener de poursuite. A mon grand regret, depuis que des officiers de l’armée israélienne ont été l’objet de compétence universelle dans différents pays, il apparaît que quelques-uns incluent Israël dans la catégorie des pays qui ne lancerait pas ou ne pourrait pas lancer d’action contre de tels crimes.

Ici, la réponse est claire. Israël est une démocratie disposant d’un système judiciaire bien développé, comme les statistiques ci-dessous le prouvent. Le système judiciaire militaire est séparé des tribunaux civils, avec la capacité de faire appel aux décisions arrêtées dans un tribunal de moindre importance. La Cour Suprême, siégeant en tant que haute cour de Justice, reçoit des plaintes contre les tribunaux militaires et contre la discrétion des poursuites concernant l’armée.

La police militaire israélienne a rapporté qu’entre 2000 et 2007, le système judiciaire d’Israël a mené 272 enquêtes sur des tirs illégitimes d’armes à feu, conduisant à 31 accusations et 17 inculpations ; 330 investigations concernant des dommages causés à la propriété, menant à 36 accusations et 36 condamnations ; 475 enquêtes sur violences, produisant 37 accusations et 34 condamnations ; et 128 enquêtes pour des crimes dans les territoires palestiniens, entraînant 20 accusations et 18 inculpations. Le cas de Salah Shehada, mentionné plus haut, a déjà été minutieusement examiné par la Cour Suprême, qui est largement respectée dans la communauté judiciaire internationale. Que pourrait bien ajouter un tribunal espagnol ?

En 2008, il y a eu une forte augmentation dans le nombre de plaintes, enquêtes et condamnations. Cela peut être dû à l’établissement en octobre 2007, d’une nouvelle unité – le groupe d’avocats militaires pour les affaires opérationnelles. Cette unité gère deux types d’affaires : les plaintes impliquant des Palestiniens et les accidents lors d’entraînements.

Rappelons-nous que durant la guerre du Liban de 1982, une commission d’enquête israélienne comprenant deux membres de la Cour Suprême de Justice et un officier de haut rang de l’armée ont été chargés d’enquêter sur les exactions à Sabra et Chatila, pendant que le Liban pardonnait à tous ceux ayant une responsabilité dans les crimes alors commis. Le résultat de cette commission se traduisit par l’éviction du ministre de la défense d’alors, Sharon. Malgré cela, la Belgique décida de tenter de poursuivre Sharon. Est-ce que cela ne porte pas le sceau de l’influence politique ?

L’exploitation politique de la compétence universelle

Un aspect particulièrement problématique à ce sujet est l’exploitation politique de la compétence universelle. Le Dr Henry Kissinger a écrit en 2001 que dans le cours de moins de 10 années, nous avons été témoin d’un mouvement sans précédent pour transformer les politiques internationales en procédures judiciaires, un argument mentionné avec une fréquence croissante.

Quand la poursuite est à l’initiative d’un pays qui n’est pas pleinement en lien avec l’affaire, il y a toujours la possibilité très réelle que cela soit entrepris pour des raisons politiques. La loi internationale ne requiert pas que le pays qui poursuit soit neutre ou politiquement impartial afin d’exercer sa juridiction dans un dossier donné.

On peut trouver un exemple de ce problème dans les tentatives de poursuivre l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon pour ses actions au Liban. Lorsque le procès a été instruit en Belgique, qui permet une très large définition du principe de compétence universelle, le Ministère de la Justice d’Israël commença à recevoir de nombreuses lettres décrivant les actions de la Belgique au Congo.

De nombreux pays sont susceptibles de trouver des squelettes dans le placard de leur propre passé, qui puissent être qualifiés en tant que crimes relevant de la compétence universelle. Des pays aux passés aussi obscurs sont-ils réellement qualifiés pour servir en tant que représentants de la communauté internationale et pour se prononcer sur des crimes pour lesquels ils peuvent eux-mêmes être jugés coupables ?

Il est intéressant de remarquer comment certaines nations africaines perçoivent la compétence universelle. Récemment, Rose Kabuye, directrice générale du protocole d’Etat au Rwanda, a été arrêté en Allemagne en application d’une demande d’extradition de la France. C’est un exemple disant pourquoi certaines nations africaines font référence à la compétence universelle, comme étant une forme d’impérialisme judiciaire occidental : parce qu’elles ne constatent pas de dossiers envoyés par une nation occidentale contre une autre nation occidentale. Pouvez-vous envisager un état européen engageant une action contre des généraux et politiciens américains pour des crimes de guerre en Irak? La Belgique l’a envisagé, mais en a été dissuadé par les menaces américaines de déménager les quartiers généraux de l’OTAN hors de Bruxelles.

Il ne fait pas de doute que la volonté d’un pays d’arrêter et de poursuivre est affectée par sa relation avec le pays où les crimes ont été commis et par sa force militaire et économique. Par exemple, la virulente critique, par l’ancien premier ministre britannique, Margaret Thatcher, de l’arrestation de Pinochet était influencée par l’aide qu’il avait offert à la Grande-Bretagne durant la guerre des Malouines.

De nombreux pays font attention à limiter leur vision de la compétence universelle à une demande où, soit le suspect soit la victime se trouve dans leur territoire de juridiction avant qu’un tel processus ne commence. L’intention selon laquelle la compétence universelle fut créée peut bien être tout-à-fait digne et noble. Cependant, son application effective reste problématique, c’est le moins que l’on puisse dire.

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Irit Kohn, Esq., a rejoint le Ministère de la Justice israélien en 1989 et, entre 1995 et 2005, a été directeur de son Département des affaires internationales. A cette place, elle a été impliqué dan l’un des tous premiers cas engageant la compétence universelle, en tant que chef de l’équipe juridique défendant Ariel Sharon en Belgique en 2001. En 2004, elle a été élue vice-présidente de l’Association Internationale des Magistrats et Juristes Juifs. Ce points de vue de Jerusalem est basé en partie sur sa présentation le 26 novembre 2008, lors d’une conférence à Londres sur le thème : « empêcher les abus de compétence universelle ».

© JCPA 

 

 



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