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Un « 14 Mars » palestinien
par Michel TOUMA | L’Orient-Le jour
Article mis en ligne le 27 janvier 2009

Certains Palestiniens, à l’instar d’ailleurs de certains Libanais, ont la mémoire un peu trop courte. Ils ont vite fait d’oublier que l’autonomie de la décision nationale palestinienne a été de longues années durant au cœur du combat tenace mené par Yasser Arafat. Ils ont vite fait d’oublier que le chef historique de l’OLP a donné le ton et précisé l’objectif de son combat lorsque, à la tribune des Nations unies, il s’est adressé au monde entier en soulignant qu’il brandissait d’une main le fusil et de l’autre main le rameau d’olivier.

Ils ont malheureusement oublié que ce souci de préserver, contre vents et marées, son autonomie de décision a valu à Yasser Arafat d’être à plusieurs reprises en conflit – parfois armé, comme ce fut le cas au Liban au début des années 80 – avec le régime syrien.

Il ne serait sans doute pas superflu que nombre de Palestiniens se rafraîchissent la mémoire au sujet de ces réalités historiques pour faire preuve de discernement et porter un jugement serein sur les événements qui ont secoué – et qui continuent d’ébranler – la bande de Gaza. Les propos tenus au cours des dernières semaines par plusieurs dirigeants de l’OLP et du Fateh, dont notamment Mahmoud Abbas, Yasser Abed Rabbo et Mohammad Dahlane, s’inscrivent parfaitement dans la continuité de la ligne directrice tracée par Yasser Arafat. Ces déclarations, plus particulièrement celles de Yasser Abed Rabbo, ont mis le doigt sur la plaie, sans détours ni complaisance, et surtout loin de la langue de bois, au sujet de la nature du conflit endémique qui oppose depuis plusieurs années l’Autorité palestinienne au Hamas.

Comme dans le cas de la crise libanaise actuelle, la scène palestinienne est, aujourd’hui plus que jamais, le théâtre d’un bras de fer entre deux projets politiques fondamentalement différents, deux projets de société, deux visions du monde, deux approches radicalement opposées de l’action politique.
L’OLP est engagée dans d’âpres (et ingrates) négociations avec Israël afin de concrétiser, dans le sillage des audacieux accords d’Oslo, le projet de formation d’un État palestinien indépendant.

Tel est présentement l’objectif prioritaire du gouvernement de Mahmoud Abbas. Dans une de ses interviews aux chaînes satellitaires arabes lors de la guerre de Gaza, Yasser Abed Rabbo s’est livré à une courageuse autocritique concernant les méthodes d’action passées, soulignant qu’il est grand temps que l’Autorité palestinienne fasse preuve de pragmatisme, de rationalisme, de réalisme politique, pour arracher à Israël l’édification de l’État palestinien prévue dans le cadre des accords d’Oslo. Pour le dirigeant palestinien, cette voie suivie par l’OLP constitue une certaine forme de résistance qui pourrait en définitive réaliser, bien plus qu’une lutte armée sans horizons et aveuglément jusqu’au-boutiste, les aspirations légitimes du peuple palestinien.

Et en tout état de cause, l’équipe de Mahmoud Abbas refuse que les territoires palestiniens, plus précisément la bande de Gaza, deviennent un champ de manœuvre aux mains de puissances régionales, au service des intérêts géopolitiques de ces puissances et au détriment du projet national palestinien.

L’allusion ici à la République islamique iranienne – parrain du Hamas – ou aussi au régime syrien est évidente. Yasser Abed Rabbo a même repris à cet égard l’un des leitmotive du 14 Mars en soulignant qu’il fallait déterminer quelle autorité devrait détenir la décision de guerre et de paix. Et comme pour peaufiner la similitude avec le cas libanais sur ce plan, il a établi une stupéfiante comparaison entre les propos tenus par Hassan Nasrallah au lendemain de la guerre de juillet 2006 et une interview de Khaled Mechaal qui a souligné au début des événements de Gaza, comme l’avait fait le leader du Hezbollah en 2006, qu’il ne « s’attendait pas à une telle riposte israélienne » !

Mais la similitude ne se limite pas au seul discours médiatique. À l’instar du Hezbollah, le Hamas prône l’option de la résistance populaire tous azimuts et s’emploie à imposer la mise en place d’une société guerrière engagée dans un combat sans horizons, sans fin, irrationnel, contre Israël, les États-Unis, l’Occident, les pays arabes modérés et même les Nations unies, au profit des ambitions de puissances régionales pour qui la cause palestinienne n’est perçue que sous l’angle d’un projet idéologique qui ne connaît pas de frontières. À l’instar du Hezbollah, le Hamas s’est fait l’instrument privilégié de Téhéran pour tenter de paver la voie à un tel projet transnational. Et tout comme le Hezbollah, le Hamas ne lésine pas sur les moyens pour empêcher l’émergence d’un État, d’un pouvoir, qui ferait obstacle à ses desseins. La similitude est frappante : à la suite de la guerre de juillet 2006, après l’arrêt des combats avec Israël, le Hezbollah a retourné ses armes vers l’intérieur, accusant ses détracteurs de trahison. Et à Gaza, à peine l’armée israélienne avait-elle retiré ses troupes que le Hamas se livrait à une chasse aux sorcières contre les partisans du Fateh, accusés eux aussi de trahison.

Un même adversaire donc : l’axe irano-syrien qui cherche à imposer son diktat, son projet guerrier jusqu’au-boutiste, aux deux scènes libanaise et palestinienne. Un même combat : rejeter la tutelle, préserver l’autonomie et la liberté de décision nationale, mettre en place un État, un pouvoir central, qui accorderait la priorité absolue aux seuls intérêts bien compris des populations autochtones, loin des ambitions hégémoniques des puissances régionales. D’une certaine manière, et toute proportion gardée, les Palestiniens ont eux aussi, aujourd’hui, leur 14 Mars. Rien d’étonnant que l’on retrouve ainsi le même discours, le même positionnement, les mêmes objectifs nationaux, la même vision de la chose publique dans chacun des deux camps. Et rien d’étonnant que le Hezbollah et le Hamas soient en définitive les deux faces d’une même médaille… iranienne.



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