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L’autre face de la relation spéciale entre Israël et la France
Par Gérard Huber, correspondant permanent à Paris © Metula News Agency
Article mis en ligne le 21 février 2004
dernière modification le 22 février 2004

Une cinquantaine de Professeurs entrent sur scène, habillés de la célèbre toge jaune, suivis d’autres qui portent les emblèmes de la connaissance. Enfin, un petit groupe de quatre.

Nous sommes dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Nous assistons à la remise des insignes de Docteur Honoris Causa au Président de l’Etat d’Israël, Moshé Katzav, le 17 février 2004.

Il est vrai qu’il nous a fallu un peu de temps pour nous rendre compte que la personne qui se trouve entre le ministre Luc Ferry, habillé d’un costume de ville, et le Professeur Jean-Robert Pitte, Président de l’Université Paris-Sorbonne, qui est revêtu de la toge, est le Président Katzav. Il a même fallu que celui-ci fasse quelque signe de la main, pour donner à comprendre que, oui, c’était bien lui et qu’il n’était pas la peine de regarder ailleurs, ni d’attendre quelqu’un d’autre.

Et la foule de sourire, et de rire. Comme si elle n’en croyait pas ses yeux. Un ange passe. On se frotte les yeux.

Il est vrai que cette représentation avait d’abord fait l’objet de mesures de sécurité exceptionnelles. Pas drôles du tout. Menaces de mort, menaces d’attentat. Il avait même fallu annuler des élections qui avaient été prévues ce jour-là, de longue date, par les étudiants. Pour accéder à la Sorbonne, c’était le parcours du combattant.

Mais là, à ce moment précis, tout était oublié. Pour quelques secondes. Place était faite à la stupéfaction. Ce petit homme, issu d’une famille pauvre, encore inconnu du peuple de France, était-il vraiment en train de recevoir les insignes de la célèbre Sorbonne ? Une vraie blague juive.

Le Recteur Maurice Quenet, Chancelier des Universités de Paris, ouvre les amitiés. Il rappelle l’unanimité de la décision du Conseil d’administration. Tout au long de son discours, il ne cesse de sourire, de jeter des regards affectueux au Président Katzav. Le ministre Ferry se veut proche, presque familial et annonce de nouvelles collaborations entre les universités israéliennes et françaises. Vient le discours de Pitte.

Après avoir rappelé que Katzav sera désormais en compagnie de Yehudi Menuhin, Jorge Luis Borges, et autre Bronislaw Geremek et que le mois prochain, ce sera le tour du Prince Hassan Bin Talal de Jordanie, descendant du prophète Mahomet, il identifie très habilement son histoire et celle du peuple juif, racontant l’une par le récit de l’autre. .

Descendant de l’émigration vers Babylone, il y a 26 siècles, « après la destruction du premier Temple de Jérusalem », puis d’ancêtres qui fondent en Perse « la petite Jérusalem » (Yazd), il revient avec sa famille sur la terre de ses pères en 1951.

D’une vie qui commence dans les camps de transit, en particulier marquée par le drame de l’inondation de 1951 à Kastina, et par la mort de son petit frère, jusqu’à son accession à la tête de l’Etat, en passant par ses nombreuses prises de responsabilité (délégué étudiant à l’Université Hébraïque de Jérusalem, maire, maintes fois ministres…), c’est alors le fil de la vie publique et privée de Katzav que Pitte déroule devant nous.

Katsav : une carrière commencée à pieds nus dans les mahabarot, les camps d’accueil des réfugiés


Mais il ne s’agit pas d’un éloge béat. L’esprit critique demeure. D’abord pour rappeler la souveraineté de la décision de La Sorbonne. « Certaines réactions mesquines ou indignes qui ont entouré cette décision ont permis à un magnifique élan de solidarité de s’exprimer au sein de l’Université. Je suis heureux d’en remercier ici devant vous toute la communauté de Paris-Sorbonne et du monde universitaire ». Message reçus 5 sur 5 par ces mêmes obscurantistes qui, il y a déjà plusieurs mois, avaient déjà tenté de délégitimer la coopération universitaire entre Israéliens et Français, en incitant au boycott.

(C’est, d’ailleurs, contre ce même obscurantisme que s’est dressée la décision de l’Institut de France (le même matin) de remettre au président Katzav un diplôme qui célébrait la coopération franco-israélienne en matière scientifique).

Ensuite, pour implorer le Président Katzav : « Même si vos offres de dialogue sont provisoirement repoussées, de grâce, ne renoncez jamais et faites reculer l’implacable logique de la loi du talion ».

Enfin, pour espérer, avec Elie Barnavi, autre Docteur Honoris Causa de Paris-Sorbonne, que « ce mur censé vous protéger se transforme un jour en pont et qu’enfin Israéliens et Palestiniens vivent en harmonie sur des territoires reconnus de tous et viables ».

A quoi Katzav répondra, après avoir exprimé son émotion et ses remerciements, que l’esprit d’Israël ignore la « loi du talion » (au demeurant, l’on sait que l’expression « loi du talion » est une traduction erronée du thème biblique) et n’est mû que par la logique de l’autodéfense.

Un moment, la dichotomie israélienne gauche / droite sera donc revenue se mêler aux relations d’honneur entre Israël et la France.

Comme si, en présence du Président de l’Etat d’Israël dont on sait qu’il appartient à la droite modérée, la France et ses Universités n’avaient jamais cessé d’être… le Lieu où se jouait aussi, au nom de la paix et de l’esprit critique, l’avenir… de la gauche israélienne.



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