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Les colombes ont du plomb dans l’aile
Isabelle Hachey | La Presse
Article mis en ligne le 22 septembre 2008
dernière modification le 20 septembre 2008

Abraham B. Yehoshua est un monument en Israël. Monstre sacré de la littérature, il est aussi un pacifiste de la première heure. Dans les années 60, il faisait partie des rares Israéliens qui réclamaient déjà la création d’un État palestinien, passant pour des utopistes, ou pire, auprès de leurs compatriotes.

Rencontré dans son appartement lumineux d’Haïfa, une ville côtière du nord d’Israël, M. Yehoshua a mesuré pour La Presse le chemin parcouru depuis quatre décennies. Et, surtout, les obstacles qu’il reste à franchir.

Le constat est brutal. « Le camp de la paix est endormi, parce que nous savons que c’est impossible de faire la paix », dit l’écrivain avec résignation. La descente aux enfers a commencé avec le déclenchement de la seconde intifada, en 2000. La violence des attentats terroristes a plongé la gauche dans une amère désillusion. « Un millier d’Israéliens ont été tués en quatre ans, surtout des civils. C’était terrible. »

En 2005, le démantèlement des colonies et le retrait militaire de la bande de Gaza ont redonné espoir aux pacifistes. « Pour nous, c’était une grande victoire », dit M. Yehoshua. Sauf que les choses ont mal tourné. « Le Hamas a pris le pouvoir à Gaza et a continué à tirer des roquettes sur Israël. Alors, on s’est dit : si on se retire de la Cisjordanie, on va recevoir des missiles à Tel-Aviv et Jérusalem. »

De toute façon, le gouvernement israélien serait incapable de démanteler les colonies de Cisjordanie sans déclencher un bain de sang, croit l’écrivain. « Lors du retrait de Gaza, on a pu empêcher les Israéliens de venir en aide aux colons. En Cisjordanie, vu l’étendue du territoire, ce serait impossible. Les Israéliens s’y rendraient par milliers pour empêcher le démantèlement. Il y aurait une guerre civile. »

Bref, c’est l’impasse. « La situation est bizarre, dit M. Yehoshua. Le camp de la paix n’a plus à convaincre personne, puisque tout le monde est convaincu. Même le premier ministre Ehoud Olmert, issu de la droite dure, affirme maintenant que sans État palestinien, Israël est foutu ! Le problème, c’est que personne ne semble en mesure de parvenir à un accord. Nous sommes trop faibles pour démanteler les colonies, et les Palestiniens sont trop faibles pour garantir la fin des violences. »

Des rangs décimés

L’échec de la politique de la main tendue a décimé les rangs pacifistes, constate Tamar Hermann, directrice du Centre Tami Steinmetz pour la recherche sur la paix à l’Université de Tel-Aviv. « Il n’y a plus de mouvement de paix en Israël. Après la seconde intifada, les militants se sont complètement démobilisés. »

Même La Paix Maintenant, le premier mouvement pacifiste israélien, n’est guère plus qu’une « agence de presse donnant des informations sur les colonies », selon Dror Etkes, ex-dirigeant de l’organisme. « Ses fondateurs sont dans la soixantaine. Leurs enfants n’ont pas suivi. Ce n’est plus un mouvement. »

Selon lui, la désillusion des Israéliens envers les pourparlers de paix n’est pas l’unique cause du déclin de la gauche. Les grands courants qui balaient la planète n’ont pas épargné l’État hébreu. « La jeune génération est moins intéressée aux enjeux politiques. Le ciment idéologique qui tenait la société est moins solide ; les gens sont plus individualistes, plus matérialistes. »

Un constat partagé par M. Yehoshua. « Le théâtre et la littérature abordent parfois les malheurs des Palestiniens, mais ce n’est pas un sujet brûlant pour les jeunes. Ils sont fatigués. Et évidemment, ils veulent faire une bonne vie. Mes propres enfants ne veulent pas en parler. Je les comprends. Je suis un vieux militant mais moi aussi, je suis fatigué. »



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