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« Israël n’a pas le droit de contester la compétence de la CIJ »
Al-Ahram, hebdomadaire égyptien
Article mis en ligne le 11 février 2004

Spécialiste palestinien en droit international et proche du président de l’Autorité d’autonomie Yasser Arafat, Kamal Qobaa analyse les arguments juridiques que présenteront les Palestiniens devant la CIJ sur l’affaire du mur de sécurité érigé par Israël en Cisjordanie.

- Al-Ahram Hebdo : Quels sont les arguments juridiques que présentera l’Autorité palestinienne devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire de la construction par Israël du mur de séparation en Cisjordanie ?

Kamal Qobaa : Le côté palestinien a formé un groupe d’experts juridiques connus pour leur compétence et habilité, dont certains sont de nationalité étrangère. Ce groupe est présidé par Nasser Al-Qédwa, représentant permanent de la Palestine aux Nations-Unies. Ces experts sont soutenus par d’autres commissions, technique, juridique et autres.

Les arguments juridiques présentés par les Palestiniens devraient comporter plusieurs principes et fondements. En premier lieu, l’Autorité doit mettre en avant le fait que le mur est construit sur des territoires palestiniens occupés. D’après les accords de La Haye de 1899 et de 1907, les autorités d’occupation n’ont pas le droit de modifier ni la structure géographique ni démographique, ni même topographique de la région occupée.

Le mur, tel qu’il paraît dans les photos d’illustration incluses dans le dossier palestinien, implique inévitablement une destruction des paysages palestiniens dans les lieux qu’il traverse d’un point de vue géographique et démographique. Il provoque ainsi des déséquilibres dans la structure démographique des deux côtés du mur et laisse présager des dangers imminents tels que l’exode des habitants palestiniens.

Deuxièmement, ce mur touche aux aspects économiques, notamment l’eau, et plus particulièrement les eaux souterraines. Si nous examinons plus minutieusement le tracé du mur et les régions qu’il traverse, nous remarquerons qu’il est question pour les Israéliens de s’emparer des nappes phréatiques de la Cisjordanie, notamment celle de l’ouest.

D’ailleurs, il est important de signaler dans ce contexte qu’Israël vole plus de 80 % des capacités de la Cisjordanie. Le reste du mur longe également des régions de nature hydraulique. Cette question des ressources hydrauliques a été abordée à maintes reprises par les instances internationales, et plusieurs résolutions internationales ont souligné les droits de souveraineté du peuple palestinien sur ses ressources en eau, notamment les eaux souterraines.

Troisième point, le mur représente une violation flagrante des principes régissant les territoires occupés du point de vue politique. Car il est interdit aux autorités d’occupation d’entreprendre des mesures de manière à changer sa configuration à même d’influencer l’avenir politique de ces territoires. Ce mur de séparation détruit le droit du peuple palestinien à l’autodétermination car il provoquera des divisions et des déséquilibres démographiques et topographiques. Ce qui signifie que le droit palestinien à l’autodétermination devient loin de toute portée.

Enfin, le mur constitue tout simplement une violation flagrante de tous les droits des Palestiniens et leur souveraineté sur leurs ressources naturelles. C’est une menace pour leur avenir.

- Israël dit que la construction du mur est une question politique et non juridique, et qu’elle doit être réglée dans le cadre de négociations politiques. Il conteste donc le droit de la CIJ de statuer sur cette affaire ... ?

Kamal Qobaa : Israël essaie toujours de cantonner le conflit avec les Palestiniens dans des cadres politiques afin de pouvoir imposer sa tactique en négociations avec les Palestiniens dans l'objectif de vider leur cause fondamentale de son contenu.

Le conflit à la base est d’ordre juridique et il a été considéré comme tel par plusieurs organisations internationales depuis la résolution de partage de l’Assemblée générale de l’Onu en 1947. La tactique d’Israël prétendant que l’affaire du mur est d’ordre politique est une tentative de profiter de sa domination et de l’hégémonie des Etats-Unis et du lobby sioniste pour imposer sa vision et ses intérêts. Israël tente également d’ôter aux Palestiniens l’arme juridique. D’où sa tentative pour transformer le conflit en une discussion politique sans aucun fondement ni base juridique à l’échelle internationale.

- Mais les Etats-Unis, l’Union Européenne (UE) et la Russie semblent soutenir le point de vue israélien puisqu’ils se sont opposés à ce que la CIJ se saisisse de l’affaire du mur de séparation ...

Kamal Qobaa : La CIJ est un organe qui fait partie du système des Nations-Unies créé après la seconde guerre mondiale. Il existe tout un chapitre dans la charte de l’Onu précisant les prérogatives de la Cour de justice. Si nous revenons à la charte de l’Onu, on pourrait lire textuellement que l’Assemblée générale de l’Onu a le droit de demander à la Cour des avis consultatifs concernant les questions qu’elle discute.

Par conséquent, aucun Etat ne détient le droit d’objection, parce que l’avis que l’Assemblée générale demande sur le dossier est consultatif et non obligatoire ou exécutoire.

Il ne s’agit donc pas d’arbitrer un conflit entre protagonistes.

Pour ce qui est de l’arbitrage, il faut qu’il y ait un accord entre les Etats concernés qui accepteraient le verdict de la Cour d’arbitrage.

Concernant le dossier du mur, l’Assemblée générale a demandé un avis consultatif et personne n’a le droit de rejeter une telle requête. Tout le tapage médiatique israélien actuel contre la saisine de la Cour internationale de justice est un moyen d’arrêter tout le processus de peur d’un avis défavorable. Signalons dans ce contexte les tentatives israéliennes d’écarter le juge égyptien, membre de la CIJ, Nabil Al-Arabi, dont l’intégrité et la compétence sont reconnues à l’échelle internationale.

Les Etats n’ont aucunement le droit d’objecter l’examen d’un dossier quelconque par la CIJ. Et je crois que tous les points de vue présentés par l’UE sous pression de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, du lobby sioniste, des Etats-Unis et de la Russie qui nous ont particulièrement surpris ne paralyseront jamais les démarches de la Cour. Nous voulons un avis consultatif de la CIJ pour le remettre à l’Assemblée générale de l’Onu et par la suite porter l’affaire du mur devant le Conseil de sécurité. Nous savons que trois Etats, parmi les cinq membres permanents du Conseil, useront de leur droit de veto si cette affaire est portée devant l’exécutif onusien. Malgré tout, une résolution de l’Assemblée générale et l’avis de la Cour auront un impact moral et médiatique bénéfique.

- Si la CIJ donne raison à l’Autorité palestinienne, le groupe arabe a-t-il le droit juridiquement parlant de demander l’expulsion d’Israël de l’Assemblée générale de l’Onu ?

Kamal Qobaa : Oui, je le crois. Dans le passé, il y a eu plusieurs projets de résolution pour ne pas accréditer le représentant d’Israël auprès de l’Assemblée générale. Aujourd’hui, je crois que du point de vue juridique, il existe suffisamment d’arguments pour expulser Israël et suspendre sa représentation non seulement à l’Assemblée générale, mais aussi dans d’autres organisations internationales. Mais il faut d’abord que la communauté internationale soit sincère dans ses engagements devant l’Assemblée générale. Ce qui est difficile à concrétiser vu que plusieurs Etats sont soumis à la domination des Etats-Unis.


http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...



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