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Interview du Grand ayatollah Montazeri : « Le Conseil des Gardiens manipule les lois ; il trahit la Révolution »
MEMRI
Article mis en ligne le 6 février 2004
dernière modification le 7 février 2004

Le Grand ayatollah Hossein Ali Montazeri, plus haute instance religieuse en Iran, qui a mené la Révolution islamique avec l’ayatollah Ruholla Khomeyni il y a 25 ans, a dernièrement accordé une interview au quotidien italien Il Corriere della Sera. Il y exprime ses idées sur le conflit qui oppose réformateurs et conservateurs en Iran, Majlis (parlement iranien) et Conseil des Gardiens. Ce dernier a récemment refusé 3600 des 8157 candidatures aux élections du 20 février.

L’ayatollah Montazeri, père fondateur de la première constitution iranienne après la Révolution, a été désigné par Khomeyni comme son successeur. Il a toutefois été marginalisé et assigné à domicile de 1997 à 2003 pour avoir critiqué l’actuel Guide suprême Ali Khamenei . Actuellement en liberté, il réside dans la ville sainte (chiite) de Qom . « En face de la grille de sa résidence », relate Paolo Conti , l’interviewer, « de nombreux fidèles font la queue pour entendre ses interprétations coraniques. Mais plusieurs de ses assistants avertissent les visiteurs étrangers : ’Si Montazeri est libre ? A dire vrai, par ici de nombreux appartements sont occupés par des membres des services secrets qui surveillent ses moindres faits et gestes.’ » Extraits de l’entretien : (1)

" Question : Que pensez-vous de l’actuel conflit entre les institutions politiques et religieuses en Iran ?

Ayatollah Montazeri : Au début de la Révolution islamique, nous avons dit, en référence aux élections, que le ministre de l’Intérieur et le Shah avaient coutume de choisir les candidats, mais que dorénavant les élections devraient être véritablement libres. Nous avons eu l’idée d’un Conseil des Gardiens chargé de surveiller le ministère de l’Intérieur et de s’assurer qu’il se sélectionnerait pas les candidats (…) Puis la Constitution a été révisée, ce à quoi je me suis opposé. Ils l’ont manipulée et ont inversé les choses (…), ce qui était contraire à nos intentions. Ainsi aujourd’hui, au lieu d’élections libres, nous avons une sélection. Tout cela est illégal et anticonstitutionnel.

Question : L’esprit de la Révolution a donc été trahi ?

Montazeri : Ces façons affectent l’image de l’Iran, créent des inquiétudes au niveau international, et tout cela à cause des agissements illégaux d’un petit nombre de personnes. Ce sont les experts des villes concernées qui devraient évaluer les candidats ; ce sont eux les mieux informés.

Question : Vous avez critiqué la multiplication de tribunaux spécialisés qui étouffent le système judiciaire iranien.

Montazeri : Ils ne sont pas mentionnés par la Constitution, qui charge le Ministère de la Justice des affaires judiciaires. Tout cela déçoit la population, qui finit par être dégoûtée du système. Khomeyni voulait que ces tribunaux spécialisés fonctionnent pour une courte durée. Ils étaient censés disparaître. Après sa mort, ils ont été remis en place. Les verdicts de ces tribunaux sont illégaux. De tels abus avaient cours avant la Révolution, qui est intervenue pour y mettre un terme. Au lieu de quoi, la situation continue comme avant. Et la population n’est pas libre.

Question : Que pensez-vous de la fermeture des journaux réformateurs ?

Montazeri : Aujourd’hui en Iran, il n’existe pas de liberté de presse. Ils ont fermé plus d’une centaine de publications ; des personnes honnêtes et érudites ont été privées de leurs emplois. Les journaux sont réduits à l’autocensure. Par exemple, ils n’ont pas le droit d’écrire d’articles sur moi. S’ils le font, ils [les directeurs] sont immédiatement convoqués. C’est la répression, comme avant la Révolution (…)

Question : Vous avez dit : ’Sans changement de direction, c’est l’Etat islamique lui-même qui sera mis en danger. Croyez-vous que le système puisse s’effondrer ?’

Montazeri : Le consensus populaire est la base de tout. La république islamique doit impliquer un gouvernement populaire. Si les gens sont déçus, ils ne croiront plus à la Révolution et à l’islam. De ce système émane une forte agressivité, alors que le Coran ne cesse de mentionner un Dieu d’amour, de clémence et de miséricorde. La fureur et la violence engendreront le rejet (…)

Question : Vous n’avez pas une bonne opinion de Khatami. Pourquoi ?

Montazeri : Il parle beaucoup, mais il ne fait pas grand chose. Voyez par exemple le sit-in des membres du parlement pour protester contre le refus de candidatures par le Conseil des Gardiens. Khatami aurait dû l’organiser voilà déjà trois ans, au moment où les Gardiens eux-mêmes avaient rejeté la loi électorale. Khatami a adopté une tactique de calme : il évite de fâcher ’les autres’. Mais de quelles réformes s’agissait-il ? Elles devaient remplir les promesses faites au début de la Révolution. Rien de spécial.

Question : Vous vous êtes aussi interrogé sur la fonction d’Ali Khamenei (…)

Montazeri : Le Guide [suprême, Khamenei] devrait se contenter de donner des instructions, d’être un guide ! Au lieu de quoi, il se place au-dessus des lois qui ne sont plus entre les mains du Majlis. Le nouvel article 110 de la Constitution lui donne les pleins pouvoir - employant le terme ’absolu’ -, y compris le contrôle de la police et de l’armée, sans qu’il n’ait à rendre de comptes à qui que ce soit. Je suis contre cela (…) C’est l’une de raisons pour lesquelles ils m’ont évincé. Face à cela, le président a toutes les responsabilités mais aucun pouvoir. C’est le problème.

Question : Quel jugement portez-vous sur la répression des protestations étudiantes ?

Montazeri : Ils ont agressé ces jeunes. Ils les ont jetés à terre et roués de coups (…) Ils n’auraient pas dû faire une chose pareille ! Au sujet des jeunes gens, notre religion nous instruit d’être ’de bons pères, bons et cléments’. Dans nos prières nous disons : ’Ô Prophète, tu es bon et agréable envers tous. Si tu étais cruel et agressif, tous t’abandonneraient.’ C’est une leçon pour ceux qui gouvernent. Et pourtant (…), les Gardiens ont rejeté trois fois une loi du Majlis pour abolir la censure. Le fait qu’ils l’aient rejeté signifie qu’ils lui préfèrent la torture.

Question : Vous vous êtes également élevé ces derniers temps contre l’interdiction de serrer la main d’une personne de sexe opposé.

Montazeri : Ce n’est pas interdit [dans l’islam]. J’ai tout expliqué dans un article d’opinion, à la demande de musulmans vivant en Europe. L’islam insiste sur la nécessité de respecter son interlocuteur. Si la femme ne considère pas ce geste comme susceptible de porter atteinte à son honneur, alors il devrait être permis. Il convient surtout de serrer la main des non-musulmanes, chez qui l’absence de poignée de main pourrait être interprétée comme une marque d’impolitesse. Dans le cas des femmes [musulmanes], si ce geste est signe de mauvais conduite, alors non, il n’est pas permis. "

(1) Il Corriere della Sera (Italie), le 30 janvier 2004

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