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Par Viviane Miles © Metula News Agency
Article mis en ligne le 3 novembre 2005
dernière modification le 4 novembre 2005

Air France : des explications peu convaincantes...

J’apprenais récemment que l’accès à plusieurs journaux israéliens avait été censuré sur le réseau Internet disponible dans les salons de repos d’Air France, à Roissy et à Rome-Fiumicino. Non seulement les sites Internet du Jerusalem Post, de Maariv et du Yedioth Aharonot, pour ne citer que ces quotidiens, étaient-ils rendus inaccessibles, mais le résultat de la recherche affichait le message suivant, assez désagréable : « L’accès à ce site n’est pas autorisé à cause de son contenu agressif ou de ses opinions pro-terroristes, révisionistes ou pro-discrimination ». Impossible de savoir depuis combien de temps cette mesure existait à Air France avant qu’un lecteur ne la découvre et que, choqué, il en informe le quotidien de Jérusalem.

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Cet incident a rapidement été réparé, comme l’indique une dépêche du Jerusalem Post, puisque Air France a rétabli l’accès à ces sites dans les heures qui ont suivi la réception de l’information.

 

La péripétie était ainsi destinée à tomber dans les oubliettes des faits divers insignifiants, mais à la Mena, comme vous l’avez peut-être constaté, on a l’habitude d’aller au fond des choses. J’ai donc mené ma petite enquête pour en savoir davantage, ce qui m’a tout naturellement amené à interpeller le porte-parole de la compagnie aérienne française.

 

Air France, dont je ne mets absolument pas en doute la bonne foi dans cette affaire, parle d’une erreur dont elle n’est pas responsable, expliquant que la gestion de son accès à Internet est déléguée à un fournisseur de services extérieur, la société Olfeo. Que celle-ci crée des filtrages par catégories de sujets basés sur les centres d’intérêts spécifiques aux entreprises qui font appel à ses services. La compagnie aérienne a donc sélectionné un certain nombre de catégories à exclure, dont celle définie sous la rubrique « agressif, terrorisme, révisionnisme, discrimination ». Choix judicieux et compréhensible s’il en est : lorsque l’occurrence de mots-clés comme terrorisme ou révisionnisme dépasse une certaine fréquence, les sites sont automatiquement bloqués et les usagers reçoivent le message que j’ai mentionné plus haut. Ceci expliquerait pourquoi les sites du Jerusalem Post et de ses confrères de la presse israélienne ont été censurés : ils comprennent certains des termes du filtrage.

 

A première vue, cette explication est tout à fait plausible. Selon le porte-parole d’Air France, il ne faut pas voir à cela une intention malveillante de qui que ce soit. Une malheureuse erreur technique, en somme, qui ne justifie pas de sanction contre Olfeo et qui n’empêchera pas la continuation de la collaboration entre le transporteur national et son fournisseur d’accès.

 

Mais, quelques minutes après avoir conféré avec les représentants d’Air France, repensant à leur explication, je me suis dit « Viviane, il y a un os ! » : les journaux israéliens ne sont pas les seuls à aborder quotidiennement les sujets-critères de l’exclusion. J’ai d’ailleurs immédiatement parcouru les sites Web de quelques grands quotidiens français et étrangers, ce qui a conforté mon doute : les termes interdits y sont tout autant utilisés que dans la presse israélienne...

 

Reste qu’à Air France et chez Olfeo, sur la base technique des mêmes critères les media israéliens se voyaient décerner l’A.O.C. pro-terroristes et les autres pas ! Faute d’une explication de la part de la compagnie aérienne qui tienne un peu mieux la route, il m’est difficile de ne pas considérer celle-ci comme un prétexte qui cache mal une explication moins anodine.

 

Autre point de l’incident dérangeant pour la clientèle israélienne et israélite ainsi que pour les média israéliens concernés par cette censure, outre la condamnation de l’accès lui-même, le classement injustifié desdits media dans la catégorie des terroristes et des révisionnistes. A ma question de savoir si des excuses officielles leur avaient été adressées, le porte-parole d’Air France s’est montré évasif, invoquant la difficulté d’identifier les lecteurs qui ont été confrontés à cette censure. Il aurait cependant été facile de diffuser des excuses sur le site officiel de la compagnie et par le biais des communications postales que tous les voyageurs réguliers d’Air France reçoivent régulièrement à leur domicile. A ma connaissance, rien de cela n’a pas été fait.

 

L’absence d’expression de regrets publics de la part d’Air France dans cette affaire est malheureuse ; ne serait-ce que parce que cet incident  s’inscrit dans la lignée d’autres épisodes, plus déplaisants les uns que les autres, qui ont émaillé les relations entre la compagnie nationale française et sa clientèle israélienne et israélite. Ces péripéties inamicales qui ont fait, par exemple, que les équipages français qui atterrissaient le soir en Israël repartaient, à grands frais pour la compagnie, avec leur appareil, passer la nuit sur l’île voisine de Chypre. Ils revenaient au matin embarquer leurs passagers sur le tarmac de Ben Gourion. Cela s’inscrivait dans le cadre de mesures sécuritaires prises à Paris, ce bien que l’aéroport de Tel Aviv soit l’un des mieux sécurisés qui soient et que l’on n’y a jamais observé de mise en danger des usagers ou des avions.

 

A cette époque, après l’assassinat-collectif palestinien du Dolphinarium, les équipages d’Air France desservant Israël étaient formés de volontaires, comme cela est pratiqué pour les destinations à haut risque. Semblables mesures n’étaient certes pas de nature à favoriser le tourisme en Israël − pays où il est dangereux pour des professionnels du voyage de passer la nuit − et ces dispositions, prises au moment où Israël avait le plus besoin d’oxygène, avaient déjà laissé chez certains une impression désagréable.

 

J’ai également rappelé au porte-parole d’Air France l’épisode déplaisant, survenu il y a environ trois ans, du pilote qui avait annoncé à ses passagers que son avion se posait en « Israël-Palestine ». Les passagers l’avaient fort mal pris. Air France m’a assuré avoir appliqué des mesures disciplinaires à l’encontre de ce pilote, mais elle s’est refusée à m’en fournir les détails. Et j’ai l’impression − comment le dire ? − que le commandant de bord sanctionné tient toujours le manche à Air France et que son plan de carrière n’a pas été foncièrement affecté par sa tentative de politiser le métier de pilote.

 

Aux plans commercial et actuel, Air France table ces derniers temps sur la clientèle israélienne de transit pour des destinations qui ne sont pas encore desservies depuis Israël. Lorsque j’ai demandé au porte-parole si les liaisons aériennes France-Israël sont financièrement profitables à la compagnie française, il a refusé, poliment mais catégoriquement, de me répondre, ce que je trouve regrettable et discutable pour une société publique.

 

J’ai enfin demandé à Air France si elle comptait faire quelque chose de concret pour rétablir des relations harmonieuses et de confiance avec sa clientèle israélienne et israélite. Je pense, par exemple, à l’introduction de films sur le Paris-Tel-Aviv (comme cela est fait par El Al) qui dure tout de même quatre heures trente ou à l’amélioration du contenu spartiate des plateaux-repas. Le porte-parole a effectivement évoqué des projets allant dans le sens de ma question mais il s’est montré incapable de me fournir le moindre élément concret à ce sujet.

 

Terminons sur une note optimiste : à entendre les propos d’usagers réguliers de la ligne Paris-Tel-Aviv, il semblerait effectivement que le service se soit récemment amélioré et qu’Air France cherche à adopter des méthodes plus souriantes pour attirer, ou récupérer, ses voyageurs déçus. Si ces mesures venaient à se concrétiser, ce serait assurément la meilleure manière pour le transporteur de tourner la page et de démontrer que ses passagers à destination et en provenance de l’Etat hébreu sont traités selon les mêmes critères que les autres. Nous n’en demandons pas plus de notre société nationale de transport aérien.

 

 



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