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Un nouveau veto américain en faveur d’Israël : est-ce une vraie victoire ?
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 19 février 2011
dernière modification le 20 février 2011

Le Liban a, donc, le 18 février, finalement, soumis au vote du Conseil de sécurité de l’ONU, au nom de l’Autorité palestinienne, un projet de résolution, annoncé depuis plusieurs semaines, et qui était parrainé par….130 pays.
Mais ce projet n’a pas été adopté, car il s’est heurté – comme cela était prévisible – au veto des Etats-Unis, alors que les 14 autres membres du Conseil (dont la France).votaient en sa faveur.

Ce texte affirmait que « toutes les activités israéliennes de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est, sont illégales et constituent un obstacle majeur à la réalisation de la paix sur la base d’une solution à deux Etats ». Par ailleurs, il condamnait « la poursuite des activités de colonisation par Israël, la puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et « toutes les autres mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du territoire, en violation du droit international humanitaire ». Et le texte demandait qu’Israël cesse « immédiatement et complètement » toutes ces activités.

Comme cela risquait d’être la première fois que le veto américain allait être exercé depuis l’accession au pouvoir du président Obama, celui-ci a, jusqu’au dernier moment, tenté de dissuader les Palestiniens de présenter leur texte, leur proposant, comme alternative, des « démarches diplomatiques ». Finalement, même un entretien téléphonique de cinquante minutes entre Barack Obama et Mahmoud Abbas n’a pas abouti.

Pourtant, les Américains proposaient, en remplacement de la résolution, une intensification de la pression exercée sur Israël afin qu’il cesse de construire dans les colonies ; une déclaration du Quartette ou du président Obama condamnant sévèrement la colonisation et l’appui à la proposition russe d’organiser un déplacement conjoint en Cisjordanie des membres du Conseil de sécurité, en signe de soutien à l’Autorité palestinienne.

Selon les informations parvenues à Jérusalem, les Américains seraient même allés jusqu’à proposer que lors de la réunion du Quartette au mois de mars soit publiée une déclaration sur la solution à apporter à certaines des questions fondamentales qui opposent Israël à l’Autorité palestinienne, tout en mettant l’accent sur le fait que les frontières de l’Etat palestinien seraient basées sur celles de 1967, ce à quoi s’oppose, bien évidemment, le gouvernement israélien.

Rien n’y a fait, mais la résolution n’a pas été adoptée, au grand dam des Palestiniens.

Mais, il n’est pas sûr que ce nouveau veto américain en faveur d’Israël (le quarantième et unième depuis 1972, dont 12 fois depuis 2004 – sur un total de 20 vetos américains) constitue plus qu’une « victoire à la Pyrrhus » (si au sens strict cette expression signifie une victoire durement acquise, elle a pris comme signification courante de « victoire de courte durée » ou « qui ne garantit pas un avenir », voire dont « la finalité n’est pas terrible »).

Car, déjà en 1997, à deux reprises, les Etats-Unis s’étaient opposés, par leur veto, à l’adoption à d’un projet de résolution condamnant, sur la base des mêmes motifs, la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Et pourtant Israël doit toujours faire face à une réprobation unanime, y compris de la part des Etats-Unis, contre le développement des constructions dans les Territoires, y compris à Jérusalem-Est.

Certes, le représentant d’Israël a, après le vote, exprimé sa satisfaction du rejet du texte, dans la mesure où « la solution passe par les seules négociations directes ».

Mais la représentante des Etats-Unis a entendu expliquer le vote de son pays.

Mme Susan Rice a déclaré que l’opposition des États-Unis à ce projet de résolution ne devrait pas être mal comprise, en rappelant que son pays n’était « pas en faveur des colonies de peuplement, bien au contraire ». Elle a estimé que « les activités de construction menées par Israël dans les territoires occupés depuis 1967 érodaient les espoirs de paix et sapaient la confiance entre les parties ». Les États-Unis insistent sur la « nécessité de régler de manière urgente le conflit israélo-palestinien et de créer une fois pour toute un État palestinien, indépendant, démocratique et viable »,. Mais la seule façon d’y arriver, a-t-elle ajouté, est d’engager des négociations directes entre les parties. Or, elle craignait qu’un tel texte ne risque de les inciter à ne pas revenir à la table des négociations. Et s’agissant des « colonies illégales de peuplement », la représentante des États-Unis a estimé qu’il n’était pas sage que le Conseil de sécurité essaye de régler les questions fondamentales, qui divisent les Palestiniens et les Israéliens.

Pour notre part, nous regrettons que les Etats-Unis, emboîtent le pas de ceux qui soutiennent l’illégalité des « colonies de peuplement ».

Car, nous avons, fréquemment, souligné, ici-même, qu’en l’état actuel de la situation, aucune disposition de droit international général ou humanitaire ne s’oppose à de telles « colonies ».

Mais, si nous nous permettons de déplorer, cependant, leur développement c’est précisément parce qu’à terme, l’importance de ces implantations entraînerait, nécessairement, une dénaturation de la situation démographique, dans des « territoires disputés » (déjà 10% de la population israélienne se trouve au delà de la « Ligne verte »).

Effectivement, comme l’a encore, pratiquement, souligné la représentante américaine le développement des constructions israéliennes sert de justification aux Palestiniens pour refuser la reprise des négociations.

Par ailleurs, pratiquement, un accroissement de la présence juive au-delà de la « Ligne verte » ne peut que rendre plus difficile la mise en œuvre des solutions, qui seront adoptées, tôt ou tard.

Nous ne répéterons jamais assez qu’en droit international contemporain, tout ce qui n’est pas illégal n’est pas nécessairement admis.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la situation des anciennes possessions ottomanes n’est pas entièrement réglée plus de 90 ans après la fin de la première guerre mondiale.

Et c’est précisément ce à quoi devraient tendre les négociations israélo-palestiniennes.

Le développement des constructions dans les Territoires ne peut, effectivement, que compliquer la situation.

Nous ne pensons pas qu’Israël puisse, indéfiniment, compter sur un appui américain – ce qui ne justifie en rien un antiaméricanisme primaire – au travers des attaques dirigées contre le président Obama.

Les Etats-Unis, qui, jusqu’à présent, ont, heureusement, adopté une attitude ferme, mais prudente, devant la « vent de fronde », qui agite le Moyen Orient, ne pourront pas rester inactifs devant les initiatives répétées des autorités israéliennes, que ce soit au plan national ou local.

Heureusement, comme l’a souligné André Glucksman, dans Le Monde, daté du 19 février, le déroulement des événements tant en Tunisie qu’en Egypte, montre bien, contrairement à ce que prétendent certains, que « le conflit avec Israël n’est pas central ».

Le gouvernement israélien sait parfaitement que les Etats-Unis disposent de moyens de pression, par le biais de leur aide militaire, pour imposer une attitude raisonnable, d’autant plus que la question, même des constructions dictées par l’accroissement démographique normal, ne présente aucun caractère d’urgence.

La politique du fait accompli ne peut mener nulle part, dans la mesure où le droit international contemporain reconnaît, certes, le droit des peuples à disposer d’eux mêmes (d’où la légitimité de l’Etat d’Israël) mais des considérations historiques ne peuvent, à elles seules, fonder des revendications territoriales, eu égard à la « variabilité », dans le temps, de l’étendue géographique des royaumes juifs.

Une fois encore, les Etats-Unis, sont venus au secours d’Israël, mais – et c’est sans doute ce qui irrite certains – il n’est pas sûr que cela dure indéfiniment.

Les Etats-Unis ne courront certainement pas le risque de s’aliéner la sympathie de nouveaux régimes en voie vers la démocratie en soutenant, systématiquement, des comportements peu opportuns, même de la part d’amis de longue date.



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