Les attentats à la bombe de Londres ont peu à voir avec l’Irak - et tout à voir avec le projet de l’islamisme radical de faire de l’Islam la religion régnant sur le monde. Nous ignorons ce fait à nos propres risques
Ensemble, Tony Blair et George Bush ont été les forces motrices de la guerre en Irak. Aussi il a été à peine surprenant que l’obscure cellule d’al Qaïda basée en Europe qui a revendiqué la responsabilité des attaques spécialement liée à l’opération en Irak - et prévenu l’Italie et le Danemark de retirer leurs forces, ou d’être confrontés à la même menace terroriste. En conséquence, beaucoup interpréteront ces attentats à la bombe comme une réponse à la participation britannique en Irak - exactement comme beaucoup, y compris les dirigeants espagnols eux-mêmes, ont interprété les attentats à la bombe de Madrid l’an passé comme une réponse au rôle de ce pays dans la guerre d’Irak.
En fait, les attentats à la bombe du 7 juillet ont peu à voir avec l’attitude internationale de la Grande-Bretagne, ou sa politique au Moyen-Orient. Bien plutôt, les attaques ont tout à voir avec la position de l’Amérique comme puissance mondiale prééminente, celle qui s’oppose aux aspirations du radicalisme islamiste. Comme tels, les Etats-Unis et leurs alliés - Grande-Bretagne en tête parmi eux - sont une cible naturelle de leur agression. La guerre d’Oussama Ben Laden n’est pas en soi contre l’Amérique mais prend place comme manifestation du projet du radicalisme islamiste pour faire de l’Islam la religion régnant sur le monde.
Cette ambition islamique impérialiste n’a pas disparu avec l’empire ottoman à la fin de la première guerre mondiale. Jusqu’à aujourd’hui, les Musulmans et les Arabes languissent sans retenue de la restauration de l’Espagne musulmane (ou Andalousie comme elle était communément désignée), et considèrent leur expulsion du pays en 1492 comme une grave injustice historique - comme si les gouvernants musulmans de l’Espagne étaient ses propriétaires légitimes, et non pas des occupants coloniaux vivant à des milliers de kilomètres de leur foyer ancestral. Après le 11 septembre, Ben Laden nota spécifiquement " la tragédie de l’Andalousie ", alors qu’en mars 2004, ceux qui perpétrèrent les attentats à la bombe de Madrid mentionnèrent la revanche pour la perte de l’Espagne comme l’une " causes à la racine " de ces atrocités.
En effet, même des pays qui n’ont jamais été sous la loi impérialiste de l’Islam sont devenus des cibles légitimes. Comme la population musulmane de l’Europe a grossi rapidement à la fin du vingtième siècle à travers l’immigration, un taux de natalité élevé, et les conversions, des prophéties sur la domination de l’Islam en Occident sont devenues des lieux communs. A la fin des années 80, divers mouvements islamistes en France, notamment " L’union des Organisations Islamiques de France (UOIF) [en Français dans le texte, ndt], ont commencé de considérer le nombre croissant de Français musulmans comme le signe que le pays était devenu une partie du domaine de l’Islam. Ce message a reçu un écho dans l’ensemble du réseau des mosquées, des écoles, et des organisations charitables établies par les ’Frères musulmans’ à travers l’Europe dans les cinquante dernières années.
Même des universitaires islamiques fondamentalement modérés comme Zaki Badawi, longtemps directeur du Centre culturel Islamique de Londres, lieu de dialogue interconfessionnel, a reconnu la persistance d’un rêve impérialiste de l’Islam, quoique dans un langage beaucoup plus modéré. " L’Islam s’efforce de se répandre en Grande-Bretagne ", a-t-il déclaré. " l’Islam est une religion universelle. Il a pour objectif de porter son message à tous les coins de la terre. il espère qu’un jour toute l’humanité sera une communauté musulmane ".
Si ce message sonne familièrement, il le devrait : la vision universelle de la chrétienté est aussi d’une portée considérable. Mais au dix-huitième siècle, l’Europe chrétienne a perdu son messianisme religieux. Elle a perdu ses ambitions impérialistes au milieu du vingtième siècle. A l’opposé, des factions internes de l’Islam ont conservé leurs ambitions impérialistes jusqu’à aujourd’hui.
Cette vision n’est en aucune manière confinée à une frange obscurantiste et désillusionnée de l’Islam. Dans l’imaginaire historique de certains Musulmans, Ben Laden représente rien moins qu’une nouvelle incarnation de Saladin, le guerrier légendaire qui détruisit le royaume latin de Jérusalem en 1197. Selon cette optique, la guerre pour la maîtrise du monde est une quête traditionnelle, et en vérité vénérable, et elle est loin d’être terminée. Selon l’expression de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny, le père fondateur du régime ouvertement impérialiste en Iran :
" La révolution iranienne n’est pas exclusivement celle de l’Iran, parce que l’Islam n’appartient pas à un peuple en particulier... Nous exporterons notre révolution à travers le monde parce que c’est une révolution islamique. La lutte continuera jusqu’à ce que les appels " Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et Mohammed est le messager d’Allah " soient repris en écho à travers le monde entier ".
Dans ce grand dessein, la guerre d’Irak, ou pour ce qui concerne la question de la Palestine, n’est qu’un simple élément, et dont la centralité supposée représente une menace bien plus élevée aux yeux des Occidentaux que des Musulmans.
Il y a peu de chance pour que Tony Blair lâche du lest en Irak. Mais il pourrait bien s’efforcer, comme il l’a déjà fait, de s’insérer lui-même dans le processus de paix israélo-palestinien. Cela serait une recette assurée pour mener à la catastrophe. Les islamistes radicaux considèrent le conflit israélo-palestinien comme une simple partie d’une guerre sainte plus étendue pour établir le domaine de l’Islam. Si l’empressement de Blair à promouvoir la paix israélo-palestinienne, sans insister sur le démantèlement des réseaux terroristes comme il est stipulé par les accords d’Oslo et la ’carte routière’, était considéré comme la réponse aux attentats à la bombe de Londres, cela répercuterait le mauvais message : que le terrorisme paie.
En toute hypothèse, rien de cela ne répondra aux problèmes sous-jacents soulevés par les attaques du 7 juillet. Ce ne sera que quand les islamistes radicaux se réconcilieront avec la réalité d’un nationalisme d’état, et renonceront à leurs ambitions expansionnistes qu’Oussama ben Laden et autres aspirants Saladin perdront finalement leur élan et leur influence. Quand ce jour viendra, des Musulmans seront enfin capables d’attendre un avenir meilleur.
En guidant l’Amérique depuis le 11 septembre, le courage et l’inspiration du Premier Ministre britannique Winston Churchill ont à merveille entraîné le Président Bush. On doit seulement espérer que Tony Blair montrera aujourd’hui la même résolution. Il peut commencer en reconnaissant l’évidence : cette attaque avait de plus gros objets que la seule Irak.
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