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Le piège Barghouti
Bertrand Ramas Muhlbach
Article mis en ligne le 17 août 2009

Ce 10 août 2009, Marwan Barghouti qui purge en Israël 5 peines de prison à perpétuité pour son implication dans le meurtre de 5 personnes (outre 40 ans de prison pour une tentative de meurtre), a été élu au comité central du Fatah, autrement dit son instance dirigeante. Afin de lui permettre d’exercer ses fonctions dans des conditions normales, le mouvement palestinien s’est alors immédiatement rapproché d’Israël pour demander sa libération, ce qui n’a pas manqué de provoquer un certain embarras au sein de la classe politique israélienne.

Les Ministre travaillistes du Commerce et de l’Industrie (Benyamin Ben Eliezer) et chargé des minorités (Avishaï Braverman) tout comme le député Kadima Guideon Ezra, se sont dits favorables à cette libération, persuadés que la personnalité et le charisme du terroriste palestinien favoriseront la relance du processus de paix au sein de la classe modérée des palestiniens. De leur côté, la ministre Likoud de la culture et des sports Limor Livnat, le député Ihoud Leoumi Michael Ben Ari ou encore l’ancien chef du Shin Bet (le service de sécurité intérieure) et député Avi Dichter, se sont montrés farouchement opposés à cette libération.

Selon les partisans de cette libération, ce geste aurait un impact puissant au sein des palestiniens, tel un réveil psychologique pour en finir une bonne fois avec cette lassitude qu’a installé l’enlisement du conflit dans les deux camps. Israël montrerait ainsi sa bonne volonté et poserait une nouvelle pierre pour édifier cette paix à laquelle chaque israélien aspire profondément, pendant que les palestiniens emplis de confiance, réaliseraient la stérilité de leurs actes qui sèment tristesse et désolation...

En réalité, bien que formulée depuis de nombreuses années, il n’est pas certain que la demande visant à libérer Marwan Barghouti serve la cause de la paix et crée les conditions d’une dynamique nouvelle ou une base solide de l’entente future avec les palestiniens et ce, pour de multiples raisons.
Tout d’abord, il convient de rappeler que les élections de ce 10 août 2009 n’ont concerné que le renouvellement d’une équipe au sein d’un parti politique et non une formation gouvernementale. En d’autres termes, ces élections avaient, en dépit de leur médiatisation, un caractère interne, d’ordre privé, n’engageant nullement la population palestinienne.

Par ailleurs et dans ce cadre, Marwan Barghouti a été élu en qualité de responsable d’un parti qui reste de surcroît, minoritaire chez les palestiniens. Il ne saurait donc avoir d’influences sur une population qui a rejeté massivement la politique de ce parti. Le Fatah est d’ailleurs tellement conscient du fossé qu’il a installé avec la rue palestinienne qu’il a profité des élections pour recentrer les différentes mouvances du parti autour de l’objectif commun qui est la lutte armée contre Israël (ou pudiquement, l’union derrière le principe de la résistance légitime contre l’occupation sioniste).
Compte tenu de ce qu’aucun palestinien (pas même Mahmud Abbas) n’a exprimé à l’issue des résultats la volonté de réamorcer le processus de réconciliation avec les juifs, il est à craindre que la libération de Barghouti soit parfaitement contreproductive en ce qu’elle conforterait les palestiniens dans la nécessité de poursuivre le combat jusqu’à la victoire finale.

Pour ce qu’il en est des dispositions d’esprit de Marwan Barghouti, il convient de rappeler qu’il dénie toute légitimité à l’Etat d’Israël comme illustré par son refus de se défendre lors du procès ayant débouché sur sa condamnation du 20 mai 2004.

L’ancien chef de la branche armée du Fatah (Tanzim-Fatah) avait alors utilisé le procès pour en faire une tribune dans laquelle il a fait la promotion de ses thèses en se définissant lui-même comme un résistant à l’occupation. Aussi, le seul droit qu’il soutenait n’était pas celui de se défendre dans l’enceinte d’un Tribunal (qui n’a aucune légitimité), mais celui de celui de défendre sa cause « d’opprimé en l’absence d’aide extérieure ». Dans ce contexte, la libération anticipée de cette personne cautionnerait la thèse palestinienne de l’illégalité d’Israël et démontrerait également qu’Israël n’accorde aucun crédit à ses propres décisions de justice, quand bien même la sanction infligée est une quintuple condamnation à perpétuité.

La version de Marwan Barghouti est en fait classique. Il se considère comme le membre d’un peuple chassé en 1948 par des juifs arrivés dans cet endroit du monde en véritables colons qui ont dépossédé les palestiniens de leurs biens et de leur terre, alors qu’ils y vivaient paisiblement. Il exige donc un droit au retour (imaginaire) en Palestine pour l’ensemble des palestiniens, puisque cette terre serait leur propriété collective. A défaut, il invoque le droit de se défendre dans le cadre d’une forme de légitime défense qui serait internationalement reconnue.

La théorie soutenue par Marwan Barghouti (comme par l’ensemble des palestiniens) n’est pas juste mais les palestiniens n’arrivent pas (actuellement) à sortir de ce mensonge dans lequel les ont enfermés leurs dirigeants. Ils ne comprennent pas non plus que le sens même de « palestinien » exprime « le combat » contre Israël et qu’ils disparaîtront si Israël n’est plus à leur côté. Aussi, leur conception de l’Etat Palestinien est à l’image de la conception de la religion qu’ils embrassent et qui ne tolère pas de coexistence possible avec les autres, sans rapport de domination.

Bien évidemment, les palestiniens comprendront bien un jour qu’il n’est d’autre choix pour eux que de coexister aux côtés des juifs même s’ils n’y sont actuellement pas prêts, endormis par des principes religieux qui incitent à la guerre et assurent que les résultats s’obtiennent par une victoire au combat.

Pour l’heure, ils commencent timidement à percevoir l’impossibilité de se débarrasser de l’entité sioniste, ce qui provoque chez eux un comportement particulier : les palestiniens s’entretuent. Comme les palestiniens affiliés au Hamas ont un fondement religieux pour chasser les juifs alors que les palestiniens du Fatah ont un fondement laïc pour y parvenir, leur échec dans cette entreprise se traduit par un retournement des armes contre eux mêmes.

Dans ce contexte, il n’est peut être pas nécessaire pour Israël de renier ses principes fondamentaux mais au contraire qu’il passe de la politique de la concession unilatérale (qui consiste à donner sans retour dans l’espoir d’un sursaut du bénéficiaire), à la politique de la transaction qui emporte des concessions réciproques, c’est-à-dire où chacune des parties en présence accepte de faire un pas en direction de l’autre pour en terminer intelligemment.

Dans ce cadre, la libération de Marwan Barghouti devrait s’accompagner d’excuses aux familles des victimes, d’un dédommagement à hauteur du préjudice subi, d’une reconnaissance de la validité de la décision infligée tout comme de la légitimité du Tribunal qui a rendu la sentence, d’une reconnaissance officielle de l’Etat d’Israël, et d’un engagement sur le principe d’une renonciation à toute activité armée. A défaut le piège Barghouti se refermera sur l’Etat juif.



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