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Le Hezbollah n’a pas gagné
Par Amir Taheri, Opinion, émanation du Wall Street Journal- Traduit par Albert Soued
Article mis en ligne le 27 août 2006

De plus en plus d’écrivains arabes lèvent le voile sur ce qui s’est réellement passé au Liban. « La plupart des médias occidentaux racontent une histoire en disant que le Hezbollah a gagné une grande victoire contre Israël et les Américains, qu’il a comblé le fossé entre les Sunnites et les Shiites et qu’il a renforcé les prétentions des mollahs à diriger le monde musulman. »

Les portraits de Hassan Nasrallah, ce jeune mollah qui règne sur la branche libanaise de ce vaste mouvement pan-shiite, ont couvert la une des magazines occidentaux, martelant le message que le fils de la révolution khomeiniste est le nouveau héros de la mythique « rue arabe ».

Probablement parce qu’il regarde trop la chaîne CNN, le guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei lui aussi a cru dans cette « divine victoire ». La semaine dernière, il a demandé aux 205 membres du Majlis islamique d’envoyer un message à Nasrallah, le félicitant « pour sa sage et clairvoyante conduite de la Oummah qui a donné la grande victoire au Liban ».

En contrôlant le flux des informations venant du Liban tout au long du conflit et avec l’aide venant de toutes les parties en désaccord avec la politique américaine, pour une raison ou une autre, le Hezbollah a peut-être gagné la bataille de l’information en Occident. Mais au Liban, au Moyen Orient et dans le monde musulman, le panorama est cependant assez différent.

Commençons par le Liban.

Aussitôt après que l’ordre de cesser le feu fut donné, le Hezbollah a organisé une série de feux d’artifice, accompagnés d’une distribution de fruits et de douceurs, afin de célébrer la victoire. Pourtant la plupart des Libanais ont trouvé cette fête indécente et sont restés à l’écart. La « défilé glorieux » le plus fourni a rassemblé quelques centaines de personnes au Sud de Beyrouth, dans le fief du Hezbollah. Au départ, celui-ci avait hésité entre une déclaration jubilante de la victoire et un deuil des martyrs. Cette dernière alternative est plus appropriée à la tradition shiite, centrée sur la commémoration du martyr de l’imam Hussein en 680. Certains membres du groupe souhaitaient jouer la carte du martyr, afin d’accuser Israël et les Etats-Unis de crimes de guerre. Ils savaient qu’il était plus facile pour un shiite, élevé dans une culture de « victime » éternelle, de pleurer une calamité même imaginaire, plutôt que de rire de joie dans une fête d’une victoire présumée. Sur le plan politique, le Hezbollah devait se déclarer victorieux pour une simple raison, il fallait qu’il justifie la mort et la désolation qu’il avait provoquées. Une revendication de la victoire était le seul rempart contre toute critique de sa stratégie de provoquer une guerre, sans consulter le gouvernement ni le peuple. Hassan Nasrallah s’est justifié dans ses apparitions à la télévision, appelant ceux qui le critiquaient à se taire, puisqu’il avait obtenu une grande victoire stratégique.

Cette tactique a fonctionné un jour ou deux. Mais les critiques n’ont pas cessé, et se sont amplifiées. Les chefs du mouvement du 14 mars, qui ont une majorité au Parlement Libanais et au gouvernement, ont demandé une enquête sur les circonstances qui ont mené à la guerre, une manière d’accuser le Hezbollah de l’avoir provoquée. Le 1er ministre Fouad Siniora a été clair en disant qu’il ne permettrait pas que le Hezbollah continue à se conduire comme un Etat dans l’Etat. Et même Michel Aoun, un chef chrétien iconoclaste et un allié tactique du Hezbollah, a demandé que cette milice soit démantelée.

Mr Nasrallah a accompagné sa revendication de victoire par une distribution de dollars, appelée « le flux vert » (1), dans le sud et en banlieue shiite de Beyrouth. Venant d’Iran, ces masses de dollars sont acheminées via la Syrie et distribuées à travers le réseau de militants. Toute famille prouvant que sa maison a été détruite reçoit 12 000$, une somme confortable par ces temps. Ce flux vert a été lancé pour calmer les critiques contre Nasrallah et ses maîtres à Téhéran. Mais l’astuce n’a pas l’air de marcher. « Si le Hezbollah a gagné une victoire, c’est une victoire à la Pyrrhus » dit Walid Abou Mershed, un important éditorialiste Libanais. « Ils ont fait payer cher le Liban et ils doivent en rendre compte »

Le Hezbollah est de même critiqué au sein de la communauté shiite qui représente 40% de la population. Sayed Ali al Amin, un vieux dignitaire du shiisme libanais a rompu un long silence pour accuser le Hezbollah d’avoir provoqué la guerre et il a appelé à sa démilitarisation. Dans une interview à al Nahar de Beyrouth, il a rejeté la revendication du Hezbollah comme représentant toute la communauté shiite. « Je ne crois pas savoir qu’il ait demandé à la communauté shiite ce qu’elle pensait d’une guerre. Le fait que les masses shiites se soient enfuies du sud est la preuve qu’elles rejetaient sa guerre. Cette communauté n’a jamais demandé à quiconque de faire la guerre en son nom ! »

Il y a des attaques encore plus acerbes. Mona Fayed, une universitaire éminente à Beyrouth a écrit un article publié dans al Nahar où elle demande « qui est shiite aujourd’hui au Liban ? », avec une réponse sarcastique « un shiite est celui qui reçoit des ordre de Téhéran, terrorise ses congénères pour qu’ils se taisent et mène son pays à la catastrophe sans consulter personne ». Un autre universitaire, Zoubayr Aboud écrit dans Elaph, un journal arabe en ligne très populaire « le Hezbollah est la pire des choses qui soit arrivée au Arabes depuis très longtemps ». Il accuse Mr Nasrallah de risquer l’existence du Liban, au service des ambitions régionales de l’Iran.

Avant de provoquer cette guerre, Mr Nasrallah était déjà critiqué non seulement par la communauté shiite, mais aussi par ses propres troupes. Certains dans l’aile politique ont exprimé leur défiance à l’égard d’une trop grande confiance dans l’aile militaire et l’appareil de sécurité. S’exprimant sous l’anonymat, ils décrivent Mr Nasrallah comme un Staline, précisant que la « Shoura », le conseil de direction du mouvement ne s’est jamais réuni depuis 5 ans ! Mr Nasrallah prenait toutes les décisions importantes, après les avoir contrôlées auprès de ses contacts Iraniens et Syriens. Il s’assurait, lors des visites officielles à Téhéran, qu’il était le seul à rencontrer le Guide Suprême Ali Khamenei.

Mr Nasrallah justifie sa conduite avec l’argument que trop de personnes participant aux décisions est la voie ouverte à l’infiltration des « sionistes ». Une fois qu’il avait obtenu le feu vert de l’Iran pour sa guerre, Mr Nasrallah n’a même pas informé ses 2 ministres au gouvernement, ni ses 12 députés au Parlement.

Mr Nasrallah a aussi été critiqué pour sa soumission à Ali Khamenei, appelant celui-ci la « Source d’émulation » (Marjaa al taqlid), la plus haute autorité théologique de la shia’h. De plus il baise la main de cet homme à chaque visite. Beaucoup de shiites libanais ont du ressentiment à l’égard d’une telle attitude, car Ali Khamenei, un puissant politicien mais un poids léger en théologie, n’est pas perçu comme une Source d’émulation, même en Iran. La grande majorité des shiites libanais considèrent le grand Ayatollah Ali Sistani, en Irak, ou Ayatollah Mohamed Hussein Fadhlallah à Beyrouth, comme leur source d’émulation.

Certains Libanais shiites se posent des questions quant à la stratégie de Nasrallah qui s’oppose au « projet pour la paix » du 1er ministre Siniora, soutenant plutôt le « projet du défi » iranien. La coalition menée par Mr Siniora veut construire un Liban de paix au milieu d’un Moyen Orient turbulent. Ceux qui le critiquent l’accusent de vouloir créer un « grand Monaco ». Le « projet du défi » de Nasrallah a pour but de transformer le Liban en un satellite de l’Iran, à la lisière d’un conflit de civilisation entre l’Islam, mené par l’Iran et les infidèles, menés par l’Amérique. « Le choix est entre la plage et le bunker » dit un érudit Libanais Nadim Shehadeh. Il est évident qu’une majorité de Libanais shiites préfèrerait la plage.

Il fut un temps où les shiites représentaient une classe de pauvres paysans méridionaux et de gens demeurés de Beyrouth. Cependant, au cours des 30 dernières années l’image a changé. L’argent expédié par les émigrés Libanais shiites en Afrique Occidentale où ils dominent le commerce du diamant, et aux Etats-Unis, en particulier dans le Michigan, a aidé à créer une classe moyenne prospère, plus intéressée à bien vivre plutôt qu’à se sacrifier en martyr de l’imam Hussein. La nouvelle bourgeoisie shiite rêve d’une place importante dans le courant politique Libanais et espère, grâce à la démographie, y occuper une position dominante. Et ce rêve ne peut se réaliser que si la shiah libanaise cesse d’être l’instrument de la politique iranienne.

La liste des noms de gens qui n’ont jamais approuvé le Hezbollah ou qui ont rompu avec lui après son allégeance à l’Iran est tellement grande, qu’on peut la lire comme un Who’s Who de la shiah Libanaise. En plus de la famille al Amin, vous trouvez les al Asa’d, les Osseiran, les al Khalil, les Hamadah, les Mourtadhah, les Sharafeddin, les Fadhlallah, les Moussawi, les Shamsouddin, les Ata’llah ?

Loin de représenter le consensus national au Liban, le Hezbollah n’est qu’un groupe sectaire appuyé par une milice armée, entraînée et contrôlée par l’Iran. Selon les propos de Hossein Shariatmadari, éditeur du quotidien iranien Kayhan « Le Hezbollah est l’Iran au Liban ». Or en 2004, aux élections municipales, le Hezbollah n’a gagné le vote que de 40% de shiites, le reste allant à son rival le mouvement Amal (espoir) et à des candidats indépendants. Aux élections générales de l’an dernier, le Hezbollah n’a obtenu que 12 sièges sur les 27 alloués aux shiites dans une assemblée Nationale de 128 sièges, en dépit des alliances faites avec des partis chrétiens et druzes, et de l’énorme soutien financier de l’Iran pour acheter des voix.

La position du Hezbollah est encore moins enviable dans le monde arabe où il est perçu comme un instrument iranien plutôt que l’avant garde de la Nahdha, ou l’éveil, comme le disent les médias occidentaux. Il est évident que le Hezbollah est puissant par l’armement, l’argent et le soutien de l’Iran, de la Syrie et de l’International Inc qui hait l’Amérique. Mais la liste d’éminents écrivains arabes, à la fois shiite et sunnite, qui décrivent le Hezbollah tel qu’il est, c’est à dire un cheval de Troie khomeyniste, est trop longue pour cet article. Ils commencent à lever le voile pour révéler ce qui s’est passé au Liban. Le Hezbollah a perdu plus de 500 combattants et pratiquement tous ses missiles de moyenne portée. Il ne peut prétendre à clamer une victoire. « Le Hezbollah a gagné la guerre de la propagande parce qu’en Occident, beaucoup de gens voulaient qu’il gagne pour damer le pion aux Etats-Unis » dit le journaliste égyptien Ali al Ibrahim. « Mais les Arabes sont devenus assez sages pour faire la différence entre une victoire sur le terrain et une victoire à la télévision »


Note de la traduction

(1) al sayl al akhdar ˆ il se confirme de plus en plus que ces coupures venant d’une planche à billets iranienne soient des contrefaçons.



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