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Le dérapage verbal de Raymond Barre
Par David Ruzié, professeur émérite des universités
Article mis en ligne le 5 mars 2007

Comme cela a été signalé, ici même », le site du CRIF a permis à ceux qui ne l’avaient pas entendu sur l’antenne de France-Culture de prendre connaissance, avec atterrement, des déclarations de l’ancien Premier ministre Raymond Barre

En se limitant à ce qu’il a dit à propos de Maurice Papon, de l’attentat de la rue des Rosiers et de Bruno Gollnish, on ne peut qu’être consterné qu’un grand universitaire ait pu, ainsi, à froid, persévérer dans l’erreur.

A l’instar d’un de ses successeurs à Matignon, il est « apparu » « droit dans ses bottes », drapé dans son orgueil.

Tout d’abord, Raymond Barre pense pouvoir s’exonérer de la faute qu’il a commise en choisissant, en 1978, comme ministre Maurice Papon, en rappelant que le général de Gaulle l’avait maintenu comme préfet, à la Libération.

Cela fait penser à l’aveuglement ou l’ignorance des grandes puissances occidentales (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne) lors du choix de Kurt WALDHEIM, au passé plus que trouble, durant la même période, comme Secrétaire général des Nations Unies, de 1972 à 1981.

Comme si l’erreur commise par certains pouvait excuser le comportement d’autres. Il faut savoir assumer ses propres responsabilités.

Mais, il y a plus grave, lorsque l’ancien Premier ministre en arrive à magnifier, en quelque sorte, le comportement de Maurice PAPON.

Il ose écrire : « quand on a des responsabilités essentielles dans un département.....on ne démissionne pas ».

Or, les nombreux travaux d’historiens, parus depuis de nombreuses années, ont clairement fait apparaître que l’existence du régime de Vichy, loin de servir la France a, au contraire, était néfaste aux intérêts de notre pays (et nous ne parlons, évidemment, pas, du sort des Juifs).

Jamais les autorités d’occupation n’auraient pu, à elles seules, sans l’aide d’une administration docile, mettre la France en « coupe réglée » économiquement et y mener à bien la tentative d’application de la solution finale (sans parler des « facilités » accordées par Vichy pour la mise en œuvre de certaines politiques, qu’il s’agisse de la « Relève » ou du S.T.O.).

Loin de « limiter la casse », comme Raymond Barre le dit, la plupart des fonctionnaires, du style de Maurice PAPON, ont, au contraire, agi à l’encontre des intérêts de leur pays.

En l’absence d’un ordre du secrétaire général de la préfecture de région de la Gironde, il n’est pas certain que les quelques 2 000 Juifs que Maurice Papon a envoyés à la mort auraient pu être arrêtés.

D’une manière générale, la superficie et la population de la France n’auraient pas permis à l’Allemagne, comme elle l’a fait pour d’autre pays européens, d’y faire régner la loi nazie, de la manière aussi efficace qu’elle a pu le faire avec l’aide du gouvernement de Vichy.

Et lorsque l’ancien Premier ministre demande de penser au « nombre de fonctionnaires qui étaient en place qui ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu’a été la persécution des Juifs », il exagère quelque peu leur action et s’il est vrai (et c’est tout à l’honneur de notre pays) que la France « est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé » cela a été dû à la réaction spontanée de modestes Français, qui n’écoutaient que leur cœur.

Ce n’est pas le lieu d’entrer en matière sur la façon dont une épuration a été ou non entreprise dans l’administration française à la Libération, Mais, on ne peut laisser passer l’affirmation selon laquelle « c’est parce que le général de GAULLE a maintenu ceux qui étaient en place quand il le pouvait et ceux qui s’étaient trop manifestés dans les voies de la collaboration, il les a envoyés en Allemagne ».

Ce n’est pas parce qu’effectivement, « le personnel qui est allé gérer la partie de l’Allemagne occupée par la France est composé en grande partie de fonctionnaires de grande qualité qu’il aurait peut-être été nécessaire d’éliminer sur le plan national mais qui devaient continuer à servir le pays au plan international », qu’il fallait, pour autant excuser, lorsque les preuves de leur forfait ont été mises au jour, le comportement de ceux qui, comme Maurice PAPON, avaient du sang sur les mains.

Nous laisserons à l’auteur de ces propos, la responsabilité de l’opprobre qu’il jette sur une grande partie du personnel français en Allemagne.

Et on ne peut être que consterné d’apprendre qu’un ancien candidat à la présidence de la République ose dire qu’il ne voulait pas porter « un jugement moral sur l’attitude que l’on devait avoir à l’égard des déportations de Juifs ou non ».

En tout cas, contrairement à ce Raymond Barre a dit, Maurice PAPON n’est pas devenu un « bouc émissaire ». Il était l’exemple type de la trahison à ses idéaux d’un homme qui, avant la guerre, adhérait à des valeurs qu’il a effectivement bafouées durant l’Occupation, même s’il a pu se prévaloir de certains actes de résistance, qui lui ont valu l’indulgence d’un jury d’honneur.

Et lorsqu’il a été démasqué, au lieu de reconnaître, honnêtement, qu’il s’était trompé et qu’il regrettait ce qu’il avait fait (c’était le moins qu’on pouvait attendre de lui, 40 ans après les événements), il s’est enferré dans sa « fierté » qui était une insulte aux parents des victimes, dont il avait la mort sur la conscience.

En second lieu, on ne saurait laisser passer, sans protester, la critique de l’ancien Premier ministre face à la réaction de la majorité de la communauté juive, soutenue par bon nombre d’autres Français, à la suite de sa formule pour le moins malencontreuse, sinon scandaleuse, des « Français innocents », victimes de l’attentat de la rue Copernic.

Raymond Barre considère qu’on l’a accusé à tort d’être antisémite, mais, en 2007, à deux reprises, dans son interview, il évoque l’existence d’un « lobby juif le plus lié à la gauche ». et qualifie la réaction à ses propos de l’époque d’ « opération indigne »,

Le notion même d’un « lobby juif » est, dans la culture française, empreinte d’antisémitisme et on attend de Raymond Barre des explications sur l’utilisation de cette expression nauséabonde.

Enfin, l’ancien Premier ministre entend confirme son soutien à Bruno Gollnish, qu’il qualifie, notons le en passant, de « collègue à Caen », ce qui n’est évidemment pas possible vu leur âge respectif leur parcours universitaire.

Il invoque le fait que l’intéressé aurait été un bon conseiller municipal, à Lyon, à l’époque où lui-même en état maire.

La belle affaire......

Toutes choses égales, par ailleurs, (comme disent les économistes, comme Raymond Barre), le comportement de Bruno GOLLNISH est comparable (nous ne disons pas assimilable) à celui de Maurice PAPON, durant l’Occupation.

Des qualités manifestées par ailleurs, n’exonèrent pas de toute responsabilité dans la commission de délits avérés, voire de crimes (dans le cas de Maurice PAPON).

Ainsi, les récentes déclarations de Raymond Barre, rapprochées de son soutien au boycott d’Israël, à l’époque où il était à Matignon, justifient amplement, rétrospectivement, le rejet de sa candidature à l’Elysée, par une fraction importante du corps électoral, en 1988.



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