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Israël-Palestine : quel rôle pour la France ?
par Nissim Zvili - Le Monde
Article mis en ligne le 18 août 2005

La tension est grande en Israël et dans les territoires palestiniens avec la mise en œuvre du plan de désengagement. C’est dans ce contexte, malgré des événements qui requièrent chaque jour sa présence, que le premier ministre israélien a répondu positivement à l’invitation du président français. Pourquoi être venu à ce moment ? Pourquoi cette rencontre était-elle si importante ?

Ces dernières années ont vu une amélioration substantielle des relations entre la France et Israël. La rencontre entre Jacques Chirac et Ariel Sharon est venue parachever ce rapprochement. Les deux dirigeants se sont vus physiquement ; ils ont remplacé le dialogue de sourds par le dialogue tout court. Les chefs français et israélien de l’exécutif se sont parlé, les yeux dans les yeux.

Sur le fond, même si les positions se sont considérablement rapprochées, il demeure des différences de vues. Mais Israël ne demandera jamais à la France d’endosser systématiquement ses décisions et d’acquiescer à ses choix. Il n’a jamais été question d’être d’accord sur tout. Prendre en considération la parole et la réalité de l’autre, comme cela a commencé de se passer, est pour le moment ce qui compte.

Le conflit israélo-arabe est lourd, persistant et compliqué. Plusieurs dimensions y sont imbriquées. Le processus qui en viendra à bout n’a rien d’une recette miracle ; les peuples israélien et palestinien devront entreprendre un chemin long et semé de concessions de part et d’autre. En se parlant, en s’écoutant avec cette volonté de se comprendre, le président français et le premier ministre israélien ont levé bien des incompréhensions.

La France a entendu et réalisé ce que représentait la dimension sécuritaire pour Israël. Pas un caprice paranoïaque, mais un élément central du processus pouvant mener à deux Etats. Jacques Chirac a pris toute la mesure du courage politique et de la détermination d’Ariel Sharon à mettre en oeuvre le plan de désengagement de la bande de Gaza et du nord de la Samarie. De son côté, Israël a cessé de traiter avec un certain mépris le rôle que veut jouer la France dans la région. Ariel Sharon a reconnu à la France une grande importance, ce pays étant un des seuls, au niveau européen, à véritablement vouloir s’investir dans les relations internationales, au Proche-Orient notamment.

La reprise du dialogue et la confiance retrouvée entre la France et Israël sont des étapes indispensables pour que la volonté française d’aider à une résolution du conflit israélo-palestinien devienne effective. Comment, sinon, envisager le rôle d’un tiers s’il n’a pas la confiance des deux parties ? Se rapprocher d’Israël, tenter d’appréhender sa problématique est donc aussi une façon de comprendre les blocages israélo-palestiniens.

Cette embellie dans les relations franco-israéliennes est basée aussi sur des intérêts communs : nos deux pays sont en phase sur des sujets phares comme l’indépendance du Liban, la menace nucléaire iranienne et la lutte internationale contre le terrorisme. Désormais, la France soutient aussi pleinement le plan de retrait israélien. En Israël et dans les territoires palestiniens, nous allons passer des semaines difficiles, et ce soutien permettra aux Israéliens comme aux Palestiniens d’assurer la réussite du plan.

La France a un rôle important à jouer dans l’accompagnement de ce processus et de ce qui en découlera. Maintenant qu’il y a deux partenaires engagés pour la paix, la France peut les aider à avancer dans la direction qu’ils ont choisie. Elle peut les accompagner dans un processus qui sera long, selon leur rythme à eux, un rythme qui tient compte de chaque partie et de tous les facteurs en présence. Une analyse fine de la situation permettra de consolider les efforts entrepris sans pousser l’une ou l’autre partie à aller dans une direction qui n’est pas la sienne. L’accompagnement, comme on prend deux amis par l’épaule pour les aider à avancer, voilà la clé d’une aide efficace.

La visite d’Ariel Sharon vient également sceller une difficile période dans les relations franco-israéliennes. Ces relations ont toujours été fortes, y compris quand elles étaient mauvaises. Pas de demi-mesures : on s’observe, on se scrute, on travaille ensemble sur quantité de projets et on se brouille sur d’autres. Beaucoup de points méritent encore que nous poursuivions ces échanges - au niveau politique, mais aussi à l’échelle de la société civile et des médias - pour dissiper complètement une vision souvent manichéenne du conflit israélo-palestinien qui demeure sourde à toute la dimension israélienne et empêche de comprendre - donc d’aider efficacement.

Car la bonne volonté peut aussi être prise en otage au profit d’une terrible simplification. Redonner de la profondeur et de la complexité est primordial pour la réalité des choses elles-mêmes. C’est encore plus important pour paver le chemin de la coexistence pacifique. On ne bâtit pas la paix en s’asseyant sur les souffrances d’une des deux parties.

Les Israéliens ont donc salué la reprise du dialogue entre nos deux sociétés, favorisant une approche plus saine et plus équilibrée. Tout le monde est conscient que l’évolution de l’actualité au Proche-Orient a été un facteur déterminant dans ce revirement. Comme disait Ariel Sharon à un journaliste, de retour en Israël : « Jacques Chirac n’a pas changé, je n’ai pas changé, c’est la réalité qui a changé. » Quand bien même il n’est pas question de changer en tout point, se parler de nouveau, retrouver la chaleur d’une amitié franco-israélienne et avancer ensemble pour que ce monde abrite plus de paix que de guerres, que demander de plus ?


Nissim Zvili est ambassadeur d’Israël en France.



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