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A propos d’un Etat palestinien
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 17 octobre 2007

« Plus le temps passe, plus la probabilité d’un Etat palestinien s’éloigne », telle est la conclusion sentencieuse, par laquelle Michel Bôle-Richard, correspondant du journal Le Monde en Israël, conclut son « analyse » sur l’ « Etat palestinien improbable », dans le numéro daté du 18 octobre 2007.

Certes le journaliste ne manque pas de rappeler le souhait formulé par le président Bush, il y a cinq ans et une nouvelle fois répété, le 24 septembre dernier, sans pour autant relevé que ce souhait a été relayé, à plusieurs reprises, lors de son récent voyage au Moyen Orient, par la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice.

Mais, au lieu d’évoquer les prises de position, dans le même sens, adoptées même par Ariel Sharon, en février 2002 ou plus récemment par Ehoud Olmert, tant au cours de son voyage aux Etats-Unis en juin dernier, ou ces derniers jours, lors de ses entretiens avec Condoleezza Rice, sans parler des déclarations du nouveau président de l’Etat d’Israël, Shimon Pérès, après son élection (v. Le Figaro du 23 juillet dernier), notre Cassandre préfère mettre l’accent sur les obstacles mis, selon lui, par les Israéliens à cette réalisation.

Or, il est évident que cette réalisation ne peut se faire du jour au lendemain. N’oublions pas, à quelques semaines du 60ème anniversaire de la résolution des Nations Unies sur la Palestine, qu’en 1947, le monde arabo-palestinien, en rejetant le plan de partage, ne voulait pas plus d’un Etat arabe que d’un Etat juif.

En admettant qu’à une époque où la Lune s’est révélée accessible à l’homme en trois jours, il n’est peut-être pas besoin de siècles pour que naisse un sentiment d’appartenance nationale, mais quand même.....

Toujours est-il que jusqu’en 1967, aucune revendication nationale palestinienne n’avait encore été présentée sur le plan politique (le slogan de l’OLP et de son chef de l’époque, Ahmed Choukeiry, de « rejeter les Juifs à la mer » ne constituait pas à lui seul une base de revendication d’un Etat pour les musulmans).

On ne peut toutefois pas nier que depuis le franchissement de la « Ligne verte », simple ligne de cessez-le-feu, devenue pour les besoins de la cause, une « frontière, est née, ostensiblement, la revendication d’un Etat palestinien, au détriment, de l’Etat d’Israël et ce au moins jusqu’en 1993 voire, même, encore, à l’heure actuelle, pour le Hamas, qui, ne l’oublions pas a été plébiscité par la majorité du corps électoral palestinien en 2006.

Ariel Sharon évoquait, déjà, un « long processus » avant la création d’un Etat palestinien.

Car, il faut bien reconnaître que la naissance d’un Etat ne peut résulter d’un processus de « génération spontanée ».

Rappelons-nous que la proclamation, le 15 novembre 1988, du Conseil national de l’OLP, réuni à Alger, d’un Etat palestinien est restée sans lendemain, car cette entité était dépourvue - et est encore dépourvue - de la plupart des éléments constitutifs d’un Etat, au sens du droit international.

Une résolution 43/177 du 15 décembre 1988 reconnaissait que l’Assemblée générale de l’ONU était « consciente de la proclamation de l’Etat palestinien par le Conseil national palestinien dans la ligne de la résolution 181(II) », autrement dit que cette proclamation pouvait être rattachée à la décision de partage de la Palestine.

Mais, cette résolution venait après une autre (43/176), adoptée le même jour, rappelant la nécessité d ‘ « accords garantissant la sécurité de tous les Etats de la Région, y compris ceux qui sont nommés dans la résolution 181(II) du 29 novembre 1947 », autrement dit l’ « Etat juif » et l’Etat arabe ».

Cette condition impliquait, donc, la détermination de « frontières sûres et reconnues », selon la résolution 242(1967) du Conseil de sécurité, adoptée au lendemain de la guerre de Six jours, détermination qui n’a toujours pas eu lieu.

Et l’Autorité (sic) palestinienne va quelque peu vite en besogne, même si elle peut s’appuyer sur un « avis » (bien mal motivé) émis la Cour internationale de justice en 2004, en soutenant qu’il suffit de revenir aux « frontières de 1967 ».

On ne répétera jamais assez que la méthode Coué ne trouve pas à s’appliquer en droit international et qu’il ne suffit pas de répéter, à l’envi, que la Ligne verte constitue une telle frontière, pour que cela soit le cas.

Tant le texte même de l’accord d’armistice israélo-jordanien de 1949 que les déclaration subséquentes, faites par les autorités jordaniennes, notamment, en 1967, nient une telle qualification à une simple ligne de démarcation des forces militaires en présence.

Donc, s’il est vrai que l’on doit admettre, qu’à l’heure actuelle, il y a une population qui aspire à se constituer en entité étatique, il lui manque toujours l’autre élément essentiel que constitue la délimitation d’un territoire, (pour autant que le troisième élément -l’existence de pouvoirs publics exerçant effectivement leur autorité - existe, ce qui est loin d’être le cas, à en juger par la situation dans la Bande de Gaza).

Et, sans nous considérer comme le porte-parole du gouvernement israélien, nous estimons que celui-ci est fondé à mettre l’accent avant toute reconnaissance d’un Etat palestinien, sur des considérations de sécurité, ce qui implique, au préalable, et cela ne peut se faire du jour au lendemain, la délimitation de son territoire.

Comme l’écrivait le grand internationaliste français du XXème siècle Charles Rousseau, la délimitation d’un territoire est une « opération importante ». Elle est à la fois un facteur de paix....., un signe d’indépendance.....et un élément de sécurité... » (souligné par nous - Droit international public, Tome III, 1977, Sirey, n°163, p. 235).

C’est donc, à juste titre, que la Secrétaire d’Etat américaine, tout en réaffirmant, l’attachement des Etats-Unis à la création d’un Etat palestinien a écarté tout calendrier précis.

Le tout est de se mettre d’accord, en premier lieu, sur la reconnaissance du droit à l’existence de l’Etat d’Israël, ce qui implique l’abandon de la prétention palestinienne à un « droit de retour » effectif, qui conduirait, nous l’avons déjà souligné, ici même, à la disparition de l’Etat d’Israël.

Tant que la partie palestinienne n’acceptera pas, au préalable l’idée, qu’à l’exception du retour « physique » consenti, dans certains cas, par Israël, une indemnisation au lieu et place d’un retour effectif (sous réserve de tenir compte, également, des Juifs contraints de quitter les pays arabes), constituera la règle, il ne peut être question de passer à l’examen de la seconde question, celle de la délimitation de « frontières sûres ».

Ce qui implique, alors, l’acceptation, par la partie palestinienne, de l’idée d’échange de territoires, ce qui semble admis du côté israélien, mais ne l’est pas encore du côté palestinien.

Voilà des préalables raisonnables à une conférence internationale, qui n’a aucune raison d’être présentée, selon le fait le journaliste du Monde , comme un « écran de fumée ».

Sur ces deux points les Israéliens ont déjà fait des concessions : initialement, aucun retour « physique » n’avait été envisagé, pas plus qu’un échange de territoires, sans compter que, sur Jérusalem, le principe d’une concession est déjà admis, du moins chez les Israéliens raisonnables.

Il est évident que les Israéliens ne peuvent accepter n’importe quoi, ce que Michel Bôle-Richard est obligé d’admettre, lorsqu’il écrit qu’un « Etat palestinien viable et continu.....risque prochainement de devenir une fiction, à moins que les Israéliens soient prêts à d’immenses sacrifices. Ce qui semble loin d’être le cas » (souligné par nous).

Mais contrairement au journaliste du Monde , nous ne pensons pas que la situation actuelle soit pire qu’auparavant, du fait des Israéliens.

On a nettement l’impression que Mahmoud Abbas, en difficulté dans son camp, du fait de sa rivalité avec le Hamas, cherche - aux frais d’Israël - à « redorer son blason » en plaçant la barre très haut.

On en prendra pour preuve la déclaration d’un de ses conseillers, exigeant que l’ancienne Jérusalem-Est - y compris le Mur occidental - relève de la souveraineté palestinienne.

« Etat palestinien : oui, pourquoi pas, mais pas à n’importe quel prix ».



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