Je n’ai jamais été particulièrement physionomiste et avec l’âge, ça ne s’arrange pas. Cependant, en regardant la photographie ci-dessus de la « la Française, retraitée de 66 ans, tuée le 24 juin lors de la fusillade du Musée juif de Bruxelles » (1), je fus persuadé que j’avais déjà vu ce visage qui m’avait marqué, ce beau regard, ce visage encadré par ses beaux cheveux blancs.
J’eus la réponse le vendredi 30 juin en assistant au Mémorial de la Shoah, comme je le fais régulièrement lorsque je me trouve à Paris, à la Commémoration du 70ème anniversaire du départ du Convoi des Déportés n° 75 vers le néant, Commémoration avec la lecture des Noms organisée par l’Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France présidée par Serge Klarsfeld.
En effet, ce jour-là, S. Klarsfeld nous fit part de l’assassinat à Bruxelles de Dominique Sabrier qui, fidèlement, assistait aux différentes Commémorations du 70ème anniversaire des départs des Convois.
*
* *
Oui, chère Dominique, je savais que je connaissais ce visage paru dans la presse. Je savais que je te connaissais car je te saluais régulièrement pendant que je filmais les Cérémonies (2). Et tu me répondais toujours très aimablement. J’avais remarqué en toi ta droiture, ton intelligence, ta gentillesse, ta discrétion mais également quelque chose de triste en toi.
Recherchant
dans mes archives, je t’ai « retrouvée » lisant, le 2
septembre 2012,
de ta voix empreinte d’émotion et sanglotant, les noms des Déportés du
Convoi
n° 27 parti de Drancy pour Auschwitz le 2 septembre 1942. Je crois me
souvenir
que des membres de ta famille faisaient partie de ce Convoi.
Tu nous fis part ce jour-là d’un émouvant témoignage d’une petite fille, Grimberg, qui avait l’espoir de retrouver ses Parents déportés avant elle. Et en effet, elle les « retrouva »…………….dans « la fumée des cheminées d’Auschwitz » !
Tu terminas ta lecture en rendant un vibrant hommage à Serge et Beate Klarsfeld pour le gigantesque travail de recherches qui permet aujourd’hui que les Noms de nos Martyrs, les Noms des 76.000 Juifs déportés de France dont 11.4000 Enfants (3), ne soient pas tombés dans l’oubli, qui permet à tous nos « Morts sans sépulture » de ne pas être assassinés une seconde fois par l’oubli après l’avoir été physiquement, et dans quelles conditions, une première fois par des sauvages, des barbares ! Des sauvages, des barbares sortis de ce pays le plus civilisé, en plein milieu de l’Europe, en plein milieu du XXème siècle, un pays où régna pendant plusieurs années la « bête immonde », un pays dont je ne peux et ne veux écrire les noms de ses dirigeants de l’époque avec une majuscule car, pour moi, ce ne sont plus des noms propres !
Ce jour-là, le 2 septembre 2012, il m’en souvient encore que S. Klarsfeld me fit l’honneur de me demander de lire le Kaddish à la fin de la Cérémonie en l’absence du Rabbin Daniel Fahri, initiateur de la Lecture des Noms pour Yom HaShoah.
Ne te voyant pas depuis quelque temps et m’en inquiétant, il me fut dit que tu avais quitté la France du fait du climat antisémite qui y règne surtout depuis le massacre de Toulouse où, pour la première fois depuis la fin de la guerre, des Enfants, Gabriel, Arieh et Myriam, furent assassinés parce que Juifs. Ce climat antisémite qui y règne par l’importation en France, du fait des médias, du conflit du Proche-Orient, ce climat qui avance sous le couvert de l’hypocrite masque de l’antisionisme. Voilà ce qui arrive à force de diaboliser Israël, Israël qui est devenu le « Juif des nations ». Mais j’ignorais que c’était pour habiter la Belgique où tu connus la fin que nous savons !
Après
ton
assassinat ce sinistre 24 mai, j’appris par la presse que tu t’étais
installée
à Bruxelles depuis 2 mois, que tu avais vécu en Israël, en kibbutz, que
tu
étais éditrice et traductrice et que tu mettais bénévolement tes
connaissances
au service du Musée juif de Bruxelles. J’appris également que tu avais
fait des
études sur les dinosaures,
les poissons, les batraciens, les plantes et les oiseaux et que tu
parlais
plusieurs langues.
Ces éléments venaient en
partie corroborer l’impression que j’avais de toi en te voyant
régulièrement au
Mémorial de la Shoah lors des différentes Cérémonies de la Mémoire.
Là-Haut, chère Dominique, tu auras « retrouvé » nos 6 millions de Frères et Sœurs, dont 1 million et demi d’Enfants, assassinés pendant la Shoah. Tu auras « retrouvé » toutes ces victimes innocentes de l’antisémitisme, toutes ces victimes innocentes également, assassinées par des arabes que de gens appellent palestiniens » parce que israéliennes (4). Oui, tu auras « retrouvé » Shalevet, Daniéla (cette gamine de 5 ans qui, entendant des coups de feu, crut, toute tremblante, trouver refuge et protection sous son lit, en serrant contre elle son nounours), Noam de la Yeshiva du Merkaz Harav, Aviva (9 mois), Oria, Lirane, Chiraz, Tamara, Matan et sa sœur Noam (que leur Maman tenta en vain de protéger avec son corps), la famille Fogel, enfin ces centaines d’Israélien(ne)s, qualifié(e)s par nos médias, quelle honte, de « colons ». Oui, tu auras également « retrouvé » les victimes juives assassinées en France dont, entre autres Sébastien, Ilan, Gabriel, Arieh et Myriam.
Là-Haut, chère Dominique, tu auras « appris » que ton ignoble assassin, assassin également d’un couple d’Israéliens en vacances en Belgique, Emmanuel et Mira, laissant 2 jeunes orphelines, ainsi que d’un jeune homme de 20 ans qui comme toi travaillait au Musée, avait été arrêté. Tout à fait par hasard, disent certains. Il était en possession d’armes et de munitions afin, peut être, de commettre d’autres forfaits.
Là-Haut, chère Dominique, tu auras « appris » que quelques heures après ton assassinat, 2 jeunes Juifs avaient été agressés en France.
De là-Haut, chère Dominique, tu pourras voir tout ce qui se passe contre les Juifs, ce qui te décida de quitter la France pour la Belgique où tu espérais trouver un « havre de paix ». La mort malheureusement t’y attendait.
J’arrête
là ma
longue lettre en cette veille de Chavouot,
lettre que tu ne liras bien sûr pas. Je souhaite,
chère Dominique, que tu reposes en Paix
au milieu de
toutes les victimes innocentes de l’antisémitisme et de l’antisionisme.
AMEN !
Adieu chère Dominique
Charles Etienne
NEPHTALI
Le 3
juin 2014
(1)
Je
reprends les termes de
certains médias qui employèrent « tuée »
au lieu de « assassinée »
même si au final le résultat est malheureusement le même et « fusillade »
au lieu de « tuerie » ou
« massacre ». En effet,
« fusillade »
implique un échange de coups de feu, ce qui ne fut pas du tout le
cas !
(2)
Je
filme toutes ces
Cérémonies organisées par les FFDJF et fais don des enregistrements au
Mémorial
de la Shoah comme ce fut le cas le 27 janvier 2013 au Mémorial de
Drancy où je
remis toutes mes cassettes depuis mars 2012 à l’occasion du 70ème
anniversaire de l’année 1942 marquant le début des déportations.
(3)
MEMORIAL
DE LA DEPORTATION
DES JUIFS DE FRANCE 2012 – Serge Klarsfeld
(4)
C’est
pour mettre un terme à
tous ces attentats que le Gouvernement israélien décida d’édifier une clôture de sécurité et non un mur de
séparation comme se plaisent
sans vergogne à dire et écrire certains politiques et journalistes.