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Le voile et le masque
Albert Capino
Article mis en ligne le 19 décembre 2003
dernière modification le 12 avril 2004

Nous voici donc au lendemain des mesures prises pour tenter de dépassionner et résoudre le « problème du foulard ».

Tout le monde y est allé de sa petite diatribe : politiques, philosophes, hommes de lettres, journalistes.

De cote mal taillée en demi-mesures, on aboutit à une espèce de magma fait pour contenter tout le monde et qui laisse la plupart sur leur faim...

2% d’intégristes ont réussi à faire trembler la République sur ses fondements, et cette dernière a réagi en laissant l’essentiel de côté : la place de l’enseignement dans la Société.

Car le problème posé par le foulard, la laïcité et la vocation première de l’école ne sont-ils pas liés ? Peu de monde semble concerné et se contenterait d’un maquillage de circonstance, permettant d’évacuer les problèmes de fond vers les « apparences ostensibles »...

Nous sommes face à un problème à multiples facettes. Nos amis Maghrébins laïcs l’ont bien relevé.

Au départ, les choses sont relativement simples. Une politique agressive expansionniste et conquérante instrumentalise une religion et ses aspects « ostensibles » pour tordre le cou aux principes laïques de la République. Mais les tentatives de déviation - verbales, médiatiques, techniques, formelles - sont venues perturber le propos et parasiter le débat.

L’État est gêné, feint de ne pas s’en apercevoir, nomme une commission et fait plancher des technocrates pour trouver une solution.

Un coup de fard et quelques beaux discours plus tard, où en est-on ?

À un projet voulant bannir les signes religieux « ostensibles » qui n’ont qu’un lointain rapport avec la manoeuvre politique dont il s’agit en réalité, un projet absurde d’instauration de jours fériés que personne n’a demandé et qui est finalement abandonné. Ils n’auraient fait qu’accentuer encore la dimension communautaire et n’auraient rien résolu des problèmes existants. Cette attitude témoigne surtout du manque de courage de leurs auteurs qui, de peur d’être taxés de racisme en dénonçant les méfaits de l’islamisme, se sont sentis obligés de faire cette proposition ridicule. Paradoxalement en voulant lutter contre un phénomène politique de fond anti-républicain, la seule réponse que la Commission Stasi ait apporté est de pure forme et d’ordre religieux !

Il est un débat essentiel, qui a été occulté par manque de courage de toutes les parties prenantes : c’est celui de l’école. C’est un lieu d’étude, des sciences, des lettres, de la vie et qui ne doit en aucun cas être un forum religieux, politique, syndical ou commercial. On se doit d’y rétablir impérativement sa vocation première qui est un savant mélange d’apprentissage de tout ce qui constitue les éléments laïcs et civiques du futur citoyen. Il faut absolument définir quelle école nous voulons pour notre Société de demain.

Cela a été totalement dévoyé depuis 35 ans, quand on a « interdit d’interdire » pour reprendre la formule d’alors.

Les parents ont depuis renoncé à inculquer les bases à leurs enfants et s’appuient sur les enseignants. Ces derniers estiment qu’il est de la responsabilité des parents d’inculquer les notions morales, civiques et plus généralement tout ce qui constitue les repères d’un enfant en pleine formation.

Résultat ? On a une majorité croissante de classes « difficiles », de plus en plus jeunes, qui se rebellent, se marginalisent, deviennent violents et sont un vivier de choix pour tous les radicalismes.

La Commission Stasi et les décisions prises par le Chef de l’État ne font qu’instaurer l’exception d’une infime minorité en règle.

Il nous faut, au contraire, redonner à l’enseignement sa place et sa vocation. Il doit être laïc, moderne, adapté à notre monde en perpétuelle évolution :

  • orienté vers une plus grande compréhension des phénomènes de société par la connaissance de l’histoire,
  • une meilleure anticipation des difficultés par une meilleure intégration - à l’opposé de l’adaptation du système aux particularités -
  • un enseignement des notions essentielles dans la vie en société : tolérance, connaissance de l’autre, repères moraux
  • exclusion de toute déviation politique, religieuse ou lucrative dans les établissements scolaires : ce n’est absolument pas le lieu où tenir des réunions de ce type, où faire passer des messages orientés de la sorte, ou encore favoriser des marchés ou des trafics.

Dès lors, le but de l’enseignement peut être atteint et reprend toute sa place dans la Société. À chacun de se déterminer en dehors de l’enceinte éducative sur ses orientations politiques, religieuses ou matérielles.

L’essentiel est d’enseigner aux jeunes générations ce qui leur permettra d’aller eux-mêmes à la pêche. Pas de les maintenir dans la frustration et l’ignorance en leur donnant du poisson.

C’est le contenu, la pédagogie, la matière, les voyages d’étude, la vision des autres et du monde qui sont importants. Il faut pour cela que les enseignants soient sincères et motivés et ça, ce n’est pas avec une circulaire mais avec une complète remise en question de l’état d’esprit dans lequel l’enseignement est dispensé qu’on l’obtiendra...

Pour Jésus, tout était bonté. Pour Marx, tout était capital.

« Pour Bernard Stasi, il va de soi que les signes politiques qui seraient prohibés seraient les signes »ostensibles« , selon la formule appliquée aux signes religieux(...) Pour le philosophe Henri Pena-Ruiz (...) »si quelqu’un vient avec un T-shirt arborant une grande faucille et un marteau, il doit l’enlever. En revanche, si c’est un simple badge, il peut le garder.« M. Pena-Ruiz ne considère pas qu’un keffieh soit un signe politique : »C’est autre chose, c’est une tenue« , juge-t-il. Il avoue que les membres de la commission Stasi n’ont »pas fait de dénombrement« des signes politiques admis ou exclus à l’école publique. »

Mais déjà, dès hier, sur France 2, une membre de la Commission Stasi faisant l’inventaire des objets ostensibles ou pas, indiquait que la plaquette de Tsahal autour du cou l’était tandis que le Keffieh, étant une « tenue », ne l’était pas. Comme quoi la rentrée 2004 est loin d’être déjà pacifiée par le discours lénifiant de Jacques Chirac.

Pour Einstein, tout était relatif... Et c’est lui qui avait raison !

Mais appliquer la théorie de la relativité à ce phénomène de société relève de la débilité où notre politique a - hélas - abouti, en refusant d’appeler les choses par leur nom et prendre des mesures nécessaires et courageuses...

Si je mets une chemise brune avec une culotte de cheval, des jambières et une large ceinture maintenue par une bandoulière en cuir, naturellement sans aucun « signe visible », M. Pena-Ruiz considèrera-t-il qu’il s’agit là d’une « tenue », ou bien un brassard à croix gammée est-il indispensable pour que le message devienne « ostensible » ?



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