Monsieur le Président,
Dans le journal du dimanche 26 octobre 2003 les journalistes d’Arte ont utilisé à deux reprises un processus de « désignation ethnique » qui malheureusement, se comprend comme une dénonciation inconsciente.

Je m’explique :

Dans le premier cas, un sujet sur l’attentat de Bagdad, le commentaire désigne M. Paul Wolfowitz comme je cite « d’origine juive polonaise » et suit de lui un portrait de faucon de l’administration Bush.

Cette formulation suggère au spectateur qu’il y a un lien entre le « caractère juif polonais » de M. Wolfowitz et son attitude guerrière.

En effet, le journaliste classe M. Wolfowitz, citoyen américain, dans une sous-catégorie signifiante de juif polonais, qui par condensation, juif polonais+américain, permet d’obtenir la formule magique = foudre de guerre, autrement dit de façon synthétique vous avez tout compris : en terme de méta-langage, l’utilisation de la présupposition « juif- polonais » permet de déduire « le militarisme américain ».

On peut parier que l’éventuelle origine disons, wallone, irlandaise, bretonne, indienne, bavaroise ou autrichienne…d’un officiel du Pentagone n’aurait pas été mentionnée sauf dans un film de Kubrick en pleine guerre froide. Mais c’est une autre comédie, qui elle était fondée.

Curieusement, dans le même journal, il y a un deuxième cas. Celui de Monsieur Richard Meier, interviewé à propos de la construction de sa nouvelle église dans la banlieue de Rome, qualifié par le journaliste, dans le chapeau qui précède son interview, je cite : d’architecte « de confession juive ».

Etrange télescopage entre l’architecture contemporaine, l’Eglise de Rome et les Juifs. Voilà une autre désignation semi-inconsciente de la part du journaliste qui pose question.

En effet pourquoi désigner Richard Meier comme de « confession juive ». C’est complètement hors sujet et glisse dangereusement vers la sphère privée. M. Meier ne s’est pas exprimé en tant qu’homme de foi juive et n’exprime aucun motif qui touche au judaïsme.

La conception de cette église ne relève que de l’ architecture. Comment sa « confession » éventuelle ou supposée s’exprime-t-elle dans sa création ? Pas de réponse. Pourquoi alors dans cet infini hors sujet, qui n’est que l’inconscient du journaliste, éprouve-t-on le besoin insistant de nous désigner « la confession » de Monsieur Meier d’un doigt ... ?

Quel serait le motif « semi-inconscient » de ce processus de désignation ? Cela relève de l’interprétation et pourtant je m’en inquiète. Le doigt ainsi pointé est menaçant. Celui que l’on désigne et nomme, on le sort du rang. On le montre, on le démontre, on crée des causalités où il n’y en a pas, on donne des réponses à des questions qui ne se sont pas posées.

Je m’en inquiète.

Je m’inquiète du fait que Arte, chaîne franco-allemande, puisse se laisser entraîner à désigner ainsi « des juifs » et à proférer des catégories qui laisseraient entendre, tel le nouveau-vieux discours d’un premier ministre malais, qu’ils sont partout, au Pentagone et au Vatican, et par délégation, les maîtres du monde.

Je suis sûr, Monsieur le Président, que vous saurez rappeler à ceux de vos collaborateurs qui parfois pêchent par « totale ou semi-inconscience » qu’ils se doivent d’être attentifs aux mots qu’ils utilisent et aux résonances semi-inconscientes de leurs pouvoirs car de chaque côté du Rhin, dans un passé pas si lointain, hier comme aujourd’hui, une bête immonde sommeille.

Faisons en sorte, Monsieur le Président, que jamais elle ne se réveille.

Confiant dans votre action, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs.