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yoshua ben yossef..alias jesus
Article mis en ligne le 28 décembre 2003

Au mémorial d’Auschwitz-Birkenau : trois voix, un message Extraits de La Tribune de Genève du 21 décembre 2003

Le 26 novembre 2003, 170 personnes, principalement des enseignants, mais aussi quelques pasteurs et prêtres de Lausanne, Genève et Fribourg, ont pris part àun voyage organisé par la CICAD (coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme) sur un des lieux les plus symboliques de la Shoah. Durant cet émouvant parcours du souvenir, un recueillement Å“cuménique a été célébré devant le Mémorial de Birkenau, faisant le lien entre hier et aujourd’hui, dans une perspective de paix.

Allocution du Grand Rabbin Izhak Dayan

Je viens de Salonique (Grèce), dont la population était à60% de confession israélite : depuis 1942 jusqu’àla fin de la seconde guerre mondiale, 96% de la population juive (56000 personnes) ont été décimés dans les camps de concentration nazis.

J’ai occupé la fonction de Grand Rabbin de Salonique et de délégué auprès du Grand Rabbinat européen pour la région balkanique, pendant sept ans et demi. Tout au long de mon service rabbinique, j’ai pu avoir de longs entretiens avec les rescapés juifs ; ils m’ont décrit leurs conditions inhumaines d’incarcération, leurs conditions effroyables de vie et l’organisation satanique et inimaginable des bourreaux nazis. J’ai alors pris conscience de la grandeur de la catastrophe qui s’est abattue sur le peuple juif et du malheur qui a frappé la nation juive. Aujourd’hui, lors de notre visite àAuschwitz-Birkenau, je découvre le degré de bestialité auquel l’être humain est capable de descendre. La haine gratuite du Juif animait leur cÅ“ur, anéantissait et annihilait leurs qualités morales.

Dans les Pirkè Avot, (Maximes des Pères) nos sages nous enseignent : « haviv adam shenivra betsélem » ce qui signifie : « aimé par D.ieu est l’être humain, car il a été créé àson image ». Cet amour envers tout être humain, déclaré par cette phrase, a été exprimé indépendamment de toute appartenance àtelle ou telle religion, indépendamment de la couleur de peau ou du sexe de la personne. Porter atteinte àla dignité humaine équivaut àassombrir l’image de D.ieu, commune àtoute les religions monothéistes.

Tel est le message que l’ensemble des humains de bonne volonté devrait propager àl’aube du XXe siècle et tout au long des générations àvenir, pour la paix dans une entente cordiale.

Allocution du Pasteur Bernard Buunk

Comment prendre la parole dans ce lieu qui défie le ciel ?

Les Eglises de toutes confessions sont responsables d’avoir développé une doctrine chrétienne antijuive, et mis hors-jeu le destin historique du judaïsme en le reléguant en marge de l’histoire et àl’ombre de la croix. Cette doctrine a eu des conséquences physiques dont nous voyons ici les traces effroyables.

La Shoah a provoqué un choc qui a contribué àreformuler nos doctrines et àchanger nos attitudes àl’égard des Juifs.

Aujourd’hui, des groupes de rencontre réunissant Juifs et Chrétiens favorisent l’élimination de toute affirmation antijuive dans les doctrines chrétiennes. D’autre part, les chrétiens engagés dans un tel dialogue s’enrichissent des valeurs spirituelles de la Torah et de la tradition juive.

En tant que représentant de l’Eglise réformée, j’ai le privilège de vous annoncer que les Eglises issues de la Réforme, réunies dans le cadre de la communion ecclésiale de Leuenberg ont publié un rapport en juin 2001 intitulé « Eglise et Israë l »Â : « Les Eglises reconnaissent et déplorent, eu égard àl’histoire de vingt siècles d’animosité chrétienne vis-à-vis des Juifs, leur coresponsabilité et leur culpabilité àl’égard du peuple d’Israë l. Elles reconnaissent leurs interprétations fautives de certaines affirmations et traditions bibliques. Devant Dieu et devant les hommes, elles confessent leur faute et implorent le pardon de Dieu ».

Que cette visite d’aujourd’hui contribue àdévelopper et àintensifier notre solidarité avec Israë l et àcombattre toute forme de racisme, d’antisémitisme et d’antijudaïsme chrétien.

Allocution de l’abbé Alain René Arbez

Ce mémorial de Birkenau nous rappelle qu’ici s’est pratiquée l’industrie de la mort àune échelle gigantesque. D’innombrables disparus, tous ces enfants, ces femmes, ces vieillards, ces êtres humains, avec un visage, un nom, une identité, provenant de divers pays européens ; tous appartenaient àune famille, àune nationalité, mais surtout, ils avaient le tort d’appartenir àun peuple, le peuple juif, cible principale du régime hitlérien et de ses alliés.

Cette folie meurtrière d’hier nous concerne tous aujourd’hui car les mêmes démons peuvent àtout moment se remettre en action, sous un masque ou un autre.

Depuis l’après-guerre, l’Eglise catholique a exprimé officiellement sa repentance, son désir de recréer des relations fraternelles avec le peuple de l’alliance, auquel elle se reconnaît liée par une profonde parenté spirituelle.

L’antijudaïsme chrétien martelant sa haine au cours des siècles n’est pas pour rien dans ce qui s’est passé dans ces lieux. Mais il existe beaucoup de formes d’antisémitisme, dans des milieux religieux comme dans des milieux laïques.

La violence qui s’est abattue ici, dans ce qui fut appelé « la solution finale », doit être analysée, identifiée, pour pouvoir être combattue aujourd’hui : elle peut encore se camoufler sous d’autres habillages idéologiques, en particulier dans le conflit du Proche-Orient. En ce début du XXIe siècle, trop de voix clament encore, et en diverses langues, qu’elles veulent la disparition des Juifs et de leur pays, Israë l, accusé de tous les maux de la terre.

Espérons que les chrétiens et les humanistes éclairés seront nombreux àse souvenir, afin d’exiger une vraie justice au Proche-Orient, dans une approche équitable et non unilatérale ; cela suppose d’abord la fin des propos antisémites, le droit réciproque àl’existence pour tous, certes, mais dans le respect de l’histoire de cette Terre sainte.

Cet enjeu nous implique tous, car les valeurs qu’il y a àdéfendre, de part et d’autre, sont àla base de notre conception de l’être humain et de nos sociétés démocratiques.