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Trois questions à Gérard Sebag
Propos recueillis par Gaïdz Minassian - Le Monde
jeudi 11 novembre 2004
Il est pas beau cet article. Il ressemble à un conte qu’on lirait le soir aux enfants pour les endormir ... mais attention au cauchemar !
FL
Vous avez écrit en 1995 une biographie de Souha Arafat, intitulée "Enfant de Palestine", parue aux éditions Michel Lafon. Que représente Souha pour le "raïs" ?
Il l’a connue en mai 1989 à l’hôtel Crillon à Paris. Elle fait ses études à Paris et lui sert d’hôtesse.
C’est la belle-soeur d’Ibrahim Souss, le représentant de l’OLP en France, et la direction palestinienne cherchait une hôtesse parlant bien le français. Elle devient peu à peu sa maîtresse et, comme cela fait scandale dans l’entourage du président, il l’épouse. Je crois que, malgré la dureté de son personnage, il avait beaucoup d’affection pour elle. Il la considérait comme une jeune Palestinienne qu’il avait entraînée dans son mythe et dans son combat pour la Palestine. Mais Yasser Arafat était aussi un homme à femmes. Avant Souha, il avait un certain nombre de liaisons féminines.
Elle a toujours été contestée, car en fait peu de gens au niveau de la rue palestinienne ont compris ce mariage avec Yasser Arafat. Elle lui a apporté une ouverture sur un univers autre que la Palestine. Elle restait profondément chrétienne, même convertie à l’islam. C’est avec elle qu’il allait à Bethléem pour la nuit de Noë l. Y aller avec son enfant, Zawa, 9 ans, était aussi tout un symbole ! ! Elle essayait d’avoir une influence auprès de lui. De l’adoucir, d’avoir un certain nombre de sentiments familiaux. Il ne montrait jamais ses sentiments à son égard. Il rentrait toujours tard chez lui, vers 3-4 heures du matin. Il ne se confiait jamais à elle. C’est en cela qu’il était dur avec elle, il ne lui donnait pas d’argent pour vivre. Yasser Arafat était une serrure en matière d’argent. Il reprisait lui-même ses chaussettes. Il la considérait comme une simple militante, avec une certaine affection à son égard.
Pourquoi cette ancienne conseillère de Yasser Arafat s’en est-elle prise à deux hauts responsables palestiniens ?
C’est sa femme ! Il l’a épousée dans des conditions particulières. En exil en Tunisie, les compagnons d’Arafat étaient tendus, ils voyaient d’un mauvais oeil cette liaison, par pure jalousie. Yasser Arafat avait déclaré : "Je n’ai qu’une épouse, la Palestine." Et là , cette jeune femme devenait la femme du mythe Arafat. Les compagnons se sont donc sentis frustrés. Puis ils l’ont dénigrée par la suite.
Politiquement, elle a une relation véritablement charnelle et romantique avec cet homme, elle essaie de le protéger une dernière fois. Elle s’est souvent élevée contre ses compagnons. Elle n’a jamais voulu jouer un rôle politique. Elle n’avait peut-être pas de sens politique. On a donc là la réaction d’une "lionne" qui garde son mâle au dernier moment.
Aura-t-elle son mot à dire dans la succession du "raïs" ? Et que compte-t-elle faire à votre avis ?
Aujourd’hui, elle le préserve des hommes qui ne voient que l’héritage d’Arafat. Elle a quitté Gaza, car elle craignait pour la vie de sa fille. Je ne pense pas qu’elle jouera un rôle politique dans l’après-Arafat. Elle détient des secrets sur Arafat, multiples et variés, même si Yasser Arafat était un vieux tigre solitaire qui ne se confiait à personne, certainement pas à une femme, même la sienne. Homme de guerre, un peu fauve, il croyait à son flair et ne travaillait qu’avec son flair. Prêt à changer de route soudainement, de voiture, de direction, ainsi a-t-il pu éviter toute les tentatives d’assassinat à son encontre