Dès sa naissance, le nationalisme arabe moderne, a eu des fréquentations troubles. La résistance à l’influence anglaise et au développement du sionisme, considéré comme le nationalisme juif, s’est accompagnée d’une attirance et d’une collaboration effective avec le régime nazi. Le tournant décisif des années 1930 exacerbe ce phénomène. L’action du « Grand » Moufti de Jérusalem est très importante dans la constitution de l’idéologie islamiste moderne, axée à la fois sur la reconstitution de la ouma (nation arabe) par des moyens même violents et sur une recherche identitaire s’inspirant des origines de l’Islam, d’où la haine de l’Occident et d’Israë l. L’argent du pétrole a financé pendant deux générations cette haine et sa transformation en dogme de vie. Nourri de Marx et de Hitler, le Baath (et son succédané, le nassérisme) a été le creuset politique où a sombré une partie du Moyen Orient, l’entraînant dans la régression socio-économique et l’éloignant des réalités du monde moderne. Héros et champion d’un nationalisme arabo-musulman, Haj Amin al Husseini a jeté les bases d’un Islam délinquant et suicidaire (1)
On peut discerner une continuité entre l’idéologie nationale-socialiste et les activismes nationaliste arabe et islamiste. Le point de départ se situe dans les années 1920/30, pendant lesquelles le nationalisme arabe moderne prend son essor en s’inspirant des totalitarismes européens. Pendant la période qui suit la 1ère guerre mondiale, plusieurs facteurs peuvent expliquer ces affinités perverses : chute et disparition de l’empire ottoman, la « Sublime Porte » étant supposée représenter le califat de l’Islam et Istanboul, le centre de la nation musulmane ; alliance de « cette nation » avec l’Allemagne lors de la 1ère guerre mondiale et pas d’occupation de terre musulmane par l’Allemagne ; animosité des pays arabes vis à vis de la tutelle de l’Angleterre et de la France après l’effondrement de l’empire ottoman ; apparition du nationalisme juif et haut niveau de développement des implantations juives en Palestine.
Nationalisme arabe et national-socialisme des années 1930
Préoccupée par ses problèmes internes dus à la défaite et à la crise économique en cours, l’Allemagne des années 1930 ne porte qu’un intérêt limité aux questions du Proche-Orient, et laisse les mains libres à l’Italie dans cette région, conformément aux discussions secrètes qui ont accompagné la signature du Traité de l’Axe (24 octobre 1936). Dans les mois qui ont suivi, l’Italie adopta la cause arabe et, le 18 mars 1937, Mussolini reçut à Tripoli l’« Epée de l’Islam » (sayf al islam) et condamna l’impérialisme britannique et les implantations juives de Palestine. Un programme de propagande radiophonique antibritannique à l’usage du monde arabe fut émis à partir de Bari. Et au Yémen, l’Italie soutint Yahia, l’imam du Yémen tout en critiquant la politique des Anglais à Aden. Le mouvement nationaliste et paramilitaire égyptien « misr al fatat » (jeune Egypte) commença par s’inspirer des mouvements de jeunes de Mussolini. Toutefois, l’Italie ne réussit jamais à séduire les Arabes qui la suspectèrent de vouloir remplacer les Anglais et les Français dans la région, notamment après ses exactions en Libye.
L’Allemagne et le national-socialisme furent plus populaires. Dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, des messages de félicitation lui parvinrent des pays arabes. Les Frères Musulmans, en particulier, cherchèrent à l’islamiser ; on lui trouva des origines arabo-musulmanes, comme pour Jorg Haider aujourd’hui. Il fut rebaptisé Abou Ali - Mohammed Haidar (le Brave) en Egypte et ses sympathisants firent régulièrement un pèlerinage à Tanta, dans le delta du Nil, pour aller se recueillir dans la maison où serait née la mère du dictateur allemand. Mussolini était considéré comme un vrai musulman et il fut affublé du nom de Moses Nili (Moïse du Nil).
En Syrie, Anton Sa’ada créa le « Parti Social-Nationaliste », fidèle copie de son modèle nazi, se proclamant le Führer de la nation syrienne. Il voyait dans le peuple syrien le véritable peuple supérieur . En Egypte, Ahmed Hussein fonda en octobre 1933 « Misr Al-Fatat » (Jeune Egypte), mouvement d’abord calqué sur les jeunesses de Mussolini, puis sur le mouvement nazi « Jung Deutschland ». Comme leurs homologues allemands, les militants saluaient le bras tendu, réunissaient des meetings de masse, organisaient des processions avec des torches… Les slogans en usage étaient : « un peuple, un parti, un chef », « l’Egypte par dessus tout ». Il fallait libérer l’Egypte du joug britannique, récupérer le Soudan et unifier le monde arabe. Leurs milices, les « chemises vertes », inspirées par les « chemises brunes » S.A., cherchaient à intimider les juifs Egyptiens, boycottaient leurs boutiques ou les attaquaient physiquement.
En 1928, admirateur d’Hitler et de Mussolini, Hassan el Banna fonda le groupe socio-religieux des « Frères Musulmans » sur la base de la doctrine suivante « l’Islam est dogme et culte, patrie et nationalité, religion et Etat, spiritualité et action, Coran et sabre ». Ce groupe réunit rapidement plus de deux millions de membres. Pendant la guerre, certains de ses membres s’enrôlèrent comme espions dans l’Afrika Korps de Rommel. Un jeune lieutenant, Anouar-El-Sadate, fut capturé et emprisonné dans ces circonstances. Un autre membre eut plus de chance et traversa la guerre sans encombre ; il s’appelait Gamal Abdel Nasser.
En Palestine, la politique britannique scandalisa les Arabes et les rapprocha des nazis. Prévoyant le partage du pays en trois zones (arabe, juive, britannique), le rapport Peel fut généralement considéré comme inacceptable. Le 1er juin 1937, un télégramme allemand issu du ministre des Affaires Etrangères, à destination des diplomates allemands de la région, condamna le projet : « l’Allemagne ne soutiendrait jamais la création d’un Etat juif dans la région (…). Il servirait à doter le judaïsme international - comme dans le cas de l’Etat du Vatican et du catholicisme - d’une base de pouvoir sanctionnée par le droit international ». Ce dernier point était la reprise d’une idée inscrite dans Mein Kampf. Le Moufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini (voir ci-dessous), rencontra le Consul général allemand le 15 juillet 1937 pour demander à l’Allemagne qu’elle annonce cette position dans sa diplomatie officielle. Le 17 juillet 1937, Hikmet Souleiman, Ministre des Affaires Etrangères irakien, demanda lui aussi le soutien allemand lors de la discussion du rapport Peel à la Société des Nations. Mais les Allemands furent réticents et un mémoire rédigé par le baron diplomate von Weizsäcker conseilla de ne pas donner suite aux réclamations arabes afin de ne pas froisser l’Angleterre - qu’Hitler voulait encore ménager.
D’autres pays étaient favorables aux Allemands. De 1913 à 1924, un obscur chef de tribu du centre de l’Arabie, le Najd, a lancé ses troupes, à la conquête de la péninsule arabique, devenant le roi Ibn al Saoud, avec l’assentiment des anglais (le colonel Lawrence) qui voulaient contrôler le pétrole de la péninsule. Pour cela ils ont créé une douzaine d’états arabes concurrents. Mais cette initiative se faisait au détriment du roi légitime du Hedjaz Hachémite qui reçut en consolation la Transjordanie et l’Irak. Le roi Ibn al Saoud n’était pas heureux de la cession du port d’Aqaba à la Transjordanie que les Anglais occupaient alors. Le rapprochement avec les Allemands se fit après le rapport Peel. En novembre 1937, le secrétaire du roi sollicita l’établissement de relations diplomatiques auprès de l’ambassadeur allemand en Irak, Fritz Grobba ; celui-ci fut accrédité en septembre 1938 auprès de la cour saoudienne. L’Arabie Saoudite demanda à l’Allemagne de l’aider à acquérir une indépendance totale. Elle demanda discrètement son soutien au Reich, son amitié et des armes en échange d’une neutralité bienveillante en cas de guerre.
Comme on le voit, les années 1930 sont marquées par l’émergence d’une collusion objective entre le monde arabe et l’Allemagne, même si cette dernière répugne à profiter de la situation par souci de ménager l’Angleterre. La volonté de revanche après la chute de l’empire ottoman, l’ampleur du sentiment pro-allemand et la haine du nationalisme juif en Palestine marquèrent d’une façon décisive les débuts du nationalisme arabe moderne.
Les alliances objectives de la seconde guerre mondiale.
La guerre approchant, l’Allemagne céda aux demandes saoudiennes. En juin 1939, Hitler et Ribbentrop assurèrent l’ambassadeur extraordinaire saoudien de leur soutien. Un crédit de six millions de Reichsmark fut attribué au gouvernement saoudien pour lui permettre d’acquérir une petite usine de munitions, de la DCA, des chars légers et 4000 fusils. Mais le programme fut annulé avec la guerre, et l’Arabie Saoudite rompit ses relations diplomatiques avec Berlin, sous la pression de l’Angleterre.
L’Irak fut également soumis aux mêmes pressions, et y céda d’autant plus facilement que le ministre des Affaires Etrangères, Nouri-Al-Said, était pro-britannique. Mais le Président du Conseil, Rashid Ali Al Gaylani, était favorable à l’Axe. Par l’entremise de son ministre de la justice, il entra en pourparlers avec l’Allemagne afin de s’assurer que l’Italie ne ferait pas d’autres conquêtes aux détriments des Alliés. Mais les Allemands ne veulaient pas contrarier le Duce et demeuraient neutres. Al Gaylani est chassé de son poste le 31 janvier 1941. Les premières victoires de l’Axe renforcent le sentiment pro-allemand et le 1er avril 1941 un coup d’Etat, fomenté par un groupe d’officiers nationalistes appelé le « carré d’or » et incité par Haj Amin al Husseini, détrône le régent pro-anglais Abdullah et remet Al Gaylani au pouvoir (oncle et père adoptif de Saddam Husssein, Khayrallah Toufah a participé au coup d’état). Les Anglais envahissent aussitôt l’Irak mais se heurtent à une vive résistance. Al Gaylani est soutenu par l’Amiral Darlan, homme fort du régime de Vichy, qui lui fournit quelques armes à partir de la Syrie sous mandat français. L’Italie envoie quelques escadrilles, tout comme l’Allemagne, mais pour cette dernière, il s’agissait surtout d’une opération de diversion. Hitler avait l’intention de conquérir cette région, mais seulement après l’achèvement de l’opération Barberousse contre l’Union Soviétique. Le régime Irakien ne put résister aux bataillons anglais déployés à partir de l’Inde, et le 29 mai Badgad fut capturée. Al Gaylani s’enfuit alors en Perse.
En Syrie, les Forces Françaises Libres et les Anglais parvinrent à chasser les troupes de Vichy. Mais il ne faut pas perdre de vue que pendant les 18 mois d’occupation vichyste, les Allemands avaient construit 3 terrains d’aviation en prévision d’une future bataille qui devait prendre en tenailles le canal de Suez par le Nord (Canaris ) et par l’Ouest (Rommel) : à Damas, à Palmyre, et à Rayan au Liban. Par ailleurs le grec orthodoxe Michel Aflak, diplômé d’histoire à la Sorbonne, forme en 1941le « Comité Syrien d’aide à l’Irak libéré », noyau du futur parti « Baath », celui de la résurrection arabe qui luttera contre la présence française sur le sol arabe. Ce groupe d’intellectuels socialisants et nationalistes, comprenant notamment le sunnite Salah’edine el Bitar, ont jeté les bases du « Croissant fertile ». Cette entité devait regrouper l’Irak, la Syrie-Liban et la Palestine en vue de former ultérieurement une seule nation arabe et laïque, du Golfe persique jusqu’à l’Atlantique. Les idéaux de ce nouveau parti qui sera officiellement créé deux ans plus tard s’inspirent à la fois du socialisme de Marx et du nationalisme d’Hitler et ils ont fortement influencé le Nassérisme. À sa naissance, le Baath a été aidé financièrement par le moufti Haj Amin al Husseini. Il crée des sections régionales en Transjordanie (1948), au Liban (1949), puis en Irak (1951). En 1953,le Baath fusionne avec le Parti socialiste arabe de Akram Hourani et prend le nom de Baath arabe et socialiste. Son mot d’ordre devient : « unité, libération, socialisme » et il recrute auprès des élites intellectuelles frustrées d’emplois à leur niveau et auprès des militaires humiliés par les défaites successives face à Israë l.
Actif sur les scènes politiques syrienne et irakienne, le Baath semble concrétiser ses objectifs quand l’Egypte et la Syrie s’unissent, en 1958, sous le nom de République Arabe Unie. Pourtant, les membres du parti sont marginalisés au sein du pouvoir. Les masses, elles, se laissent séduire par le charisme de Gamal Abdel-Nasser. Le Baath n’a aucun tribun de la taille du président égyptien et il est obligé de noyauter les appareils de l’Etat. Le parti Baath prendra pourtant le pouvoir en Syrie dès 1953 puis en 1963 et en Irak en 1958 par un coup d’état militaire de Kassem. Depuis ces dates, le Baath a été le moteur du pouvoir dans ces deux pays devenus des dictatures sanguinaires et inflexibles, dirigées respectivement par les dynasties minoritaires des alaouites al Assad à Damas et des sunnites Hussein de Tikrit, à Bagdad.
Ce fut ensuite au tour de la Perse de tomber. Les Britanniques adressèrent au Shah Reza Pahlevi, qui avait déclaré la neutralité de son pays, un ultimatum lui enjoignant de livrer les navires et officiels de l’Axe se trouvant sur son territoire. Devant son refus, ils envahirent la Perse avec les Soviétiques, et le 17 septembre, les armées alliées entrèrent à Téhéran. Le Shah abdiqua en faveur de son fils et la résistance prit fin.
La Turquie flirta avec le 3ème Reich, en signant en mai 1941 un accord commercial et en juin 1941 un pacte d’amitié ; mais elle a gardé in fine une certaine neutralité qui lui a évité le renouvellement des déboires de la 1ère guerre mondiale. Pourtant Hitler lui avait offert de nombreux territoires (Syrie, Kurdistan…) contre son engagement formel à ses côtés.
De même, le 3ème Reich a facilement infiltré les partis nationalistes d’Afrique du Nord sous le régime de Vichy (2)
L’action du Moufti de Jérusalem, berceau de l’Islamisme
Le Moufti de Jérusalem, Haj Amin El Husseini, a eu une influence décisive dans l’infléchissement idéologique de l’Islam. Né en 1893 dans une riche et influente famille de Judée, il servit dans l’armée ottomane lors de la 1ère guerre mondiale. Il était réputé comme violent et fanatique. Il fomenta des troubles en Palestine après les accords Sykes Picot prévoyant un foyer juif. Il est condamné par les anglais à dix ans de travaux forcés ; mais il réussit à s’enfuir en Syrie. Cherchant à « apaiser » le climat politique, le nouveau gouverneur anglais (et juif) de la Palestine des années 1920, Herbert Samuel gracie Haj Amin al Husseini. Il le nomme même « Grand Moufti à vie » (ce qui était une innovation peu appréciée par les Arabes), puis Président du conseil suprême des communautés musulmanes. Ces deux titres lui confèrent en fait à la fois le pouvoir religieux et politique, sans qu’il en eut les compétences. En effet, sa formation à l’université d’al Azhar du Caire ne dura que quelques mois et il n’y put obtenir aucun diplôme. Et il ne devait ses nominations qu’à la situation privilégiée de sa famille à Jérusalem. Tout en affirmant qu’il cherchait à affermir l’ordre, il fomenta de meurtrières émeutes antisémites en 1929 (Hébron) et en 1936/39 (Jaffa), après avoir créé des milices armées.
A la suite du rapport Peel, il rencontra le 15 juillet 1937 le Consul Général allemand à Jérusalem pour demander que le Reich déclare publiquement son opposition à ce rapport. L’Allemagne ne réagissant pas, préférant laisser toute liberté aux Anglais, puis aux Italiens après le début de la guerre. En 1940, le Moufti demande aux puissances de l’Axe de reconnaître le droit arabe sur toute la Palestine et de trouver une solution aux « éléments Juifs » qui s’y trouvent, selon la même ligne que celle adoptée pour résoudre la question juive en Europe. Le 20 janvier 1941, il écrit une lettre personnelle à Hitler pour lui annoncer que le monde arabe pouvait commencer la guerre contre l’Angleterre à condition d’avoir certaines garanties et une aide économique et militaire. Le 6 avril, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Weizsäcker, écrivit que les Allemands aideraient financièrement et militairement les Arabes s’ils se dressaient contre l’Angleterre et si l’on trouvait une route sà »re pour acheminer le ravitaillement.
Après l’échec d’Irak et la victoire alliée de 1942 à El Alamein, il devenait évident que le projet serait difficile à réaliser. Le Moufti se réfugie alors à Berlin où il s’autoproclame « premier ministre » d’un gouvernement panarabe dont le ministre des affaires étrangères était le chef irakien exilé, Al Gaylani, et le ministre de la guerre, Fawzi El Kaujki. Il était payé l’équivalent de $10.000 par mois, sur des fonds secrets de la SS provenant de la confiscation des biens des juifs. Par de nombreuses émissions de radio, le Moufti tente de galvaniser ses nombreux disciples, en leur demandant de ne pas perdre espoir en dépit de l’échec de Rommel à El Alamein. Rappelons que par sa victoire sur Rommel en octobre 1942, Montgomery avait sauvé de la mort les Juifs du Moyen Orient.
« Levez-vous, ô fils d’Arabie, combattez pour vos droits sacrés ! Massacrez les Juifs partout où vous les trouvez ; leur sang répandu plaît à Allah, notre histoire et notre religion. Cela sauvera notre honneur ». Par ces appels au crime, Husseini tente de provoquer une rébellion généralisée dans le monde arabe. Un commando germano-arabe est parachuté en Palestine fin 1944, ayant comme objectif d’empoisonner des puits de Tel Aviv, mais sans succès.
Le Moufti a eu aussi une certaine influence dans la réalisation du génocide juif. Il a visité avec son fidèle ami Adolf Eichmann les chambres à gaz d’Auschwitz. Fin 1942, Eichmann ordonna que 10.000 enfants juifs soient envoyés de Pologne à Theresienstadt. La Croix Rouge offrit de les échanger contre des civils allemands. Husseini eut vent de ce projet et protesta auprès de Himmler, l’avertissant que les jeunes Juifs d’aujourd’hui pouvaient devenir de grands gaillards assoiffés de vengeance. L’échange fut annulé. Il fit échouer par ailleurs toute tentative de compromis relatif au sort des juifs de Hongrie à la fin de la guerre. Il organisa aussi pour Himmler des milices bosniaques musulmanes et SS, qui eurent un succès mitigé contre les Serbes infidèles. Dans ses Mémoires, il rapporte un entretien avec Hitler, révélant ses objectifs : « la condition fondamentale que nous avions posée aux Allemands pour notre coopération était d’avoir les mains libres dans l’éradication de tous les Juifs, jusqu’au dernier, dans la Palestine et le Monde Arabe. J’ai demandé à Hitler (allusion à la rencontre du 28 novembre 1941) qu’il me donne son engagement explicite pour nous permettre de résoudre le problème juif d’une façon conforme à nos aspirations nationales et raciales et correspondant aux méthodes scientifiques inventées par l’Allemagne dans son traitement des juifs. J’eus la réponse suivante : »les Juifs sont à vous« ».
Après la guerre, Husseini fut déclaré criminel de guerre. Après un bref passage en France, il se réfugia en Egypte et rejoignit un réseau d’espionnage, de sabotage, et de propagande antisémite dans lequel participait de nombreux nazis. Son influence décrut avec la défaite des armées arabes en 1948, mais il conserva un immense prestige dans le monde arabe, comme en témoignent les manifestations de sympathie à sa mort, en 1974. Lorsque la Yougoslavie demanda son extradition, la Ligue Arabe refusa de le livrer. Évincé comme Moufti de Jérusalem par le roi Abdallah de Jordanie qui avait annexé la Cisjordanie en 1948, Husseini le fait assassiner en 1950, un vendredi à la sortie de la mosquée d’Al Aqsa. Haj Amin Al Husseini est devenu dans le monde arabe le héros de l’Islam conquérant, anti-occidental et anti-juif. Pourtant sa seule contribution positive à l’Islam a été la collecte de fonds pour restaurer le dôme du Rocher et le faire recouvrir d’une pellicule d’or…et la plus négative pour un démocrate a été la pratique constante de la désinformation, devenue l’expression ordinaire de tout pouvoir arabe.
On notera aussi que lors de son exil au Caire dans les années 50, Haj al Amin al Husseini a eu une grande influence idéologique sur deux étudiants, Yasser Arafat ( de son vrai nom Abdel Rahman al Raouf Arafat al Qoud Al Husseini) et Saddam Hussein. N’oublions pas non plus que les leaders palestiniens Yasser Arafat, président de l’Autorité palestinienne est le petit cousin du Haj et Faiçal Al Husseini, représentant de l’OLP à Jérusalem, mort d’une crise cardiaque au Koweit, est son petit neveu. De même l’actuel Moufti de Jérusalem nommé par Arafat, cheikh Iqrima Sabri fait partie de la famille Husseini. Rappelons également une des dernières interviews (juin 2001) de Fayçal Husseini avant sa mort : « nous acceptons comme tactique la création de deux états en Palestine, mais notre stratégie à long terme reste la Palestine arabe du Jourdain à la mer ».
(1) Les mouvements islamistes sunnites qui ont vu le jour depuis la fin de la guerre sont nombreux. On citera le GIA en Algérie, Jihad islamique, Gaméa’h Islamyah en Egypte, H’amas, Jihad islamique en Cisjordanie et Gaza, al Qaéda, nébuleuse sans frontière… Le H’ezbollah du Liban est un mouvement islamiste shii’te affilié à l’Iran et à la Syrie alaouite, faisant partie de la shia’h.
(2) Algérie : CARNA, comité d’action révolutionnaire nord-africain de Yassine Abdel Rahmane, en contact avec le consul allemand Pfeifer. Maroc : l’Abwehr finance les mouvements nationalistes d’Abdel Khaleq Torrès (Parti national des réformes) et de Brahim el Ouazzani (Istiqlal) Tunisie : Rudolf Rahn et le commandant Beisner soutiennent le mouvement de jeunesse destourienne de Farid Bourguiba.
Lire à ce sujet « Le croissant et la croix gammée » ou les secrets de l’alliance entre l’Islam et le nazisme d’Hitler à nos jours, de Roger Faligot et Rémi Kaufer aux éd Albin Michel (1990)