David Ouellette
vendredi 16 avril 2004
Ce 13 avril dernier, le Congrès islamique du Canada (CIC) a publié un rapport intitulé « Election 2004. Towards Informed and Committed Voting » dans lequel sont évalués les 301 parlementaires fédéraux en fonction de 20 questions de politique nationale et internationale définies et formulées par le CIC.
Dans son introduction au rapport de 34 pages, le CIC précise que l’évaluation des députés est adressée à tous les Canadiens et non seulement aux musulmans. L’objectif ? Permettre à chaque électeur de chosir le candidat le plus compétent et quelle campagne électorale financer.
Parmi les 20 questions servant de critères d’évaluation, retenons celles-ci, qui ont en commun de correspondre davantage aux exigences du lobby islamique canadien qu’aux besoins ou soucis de l’électeur canadien moyen, quoi qu’en dise le CIC :
En somme, le CIC a évalué 301 députés fédéraux en fonction de leur hostilité tant à la politique étrangère américaine qu’aux Etats-Unis eux-mêmes, de leur position sur le conflit israélo-arabe, de la promotion des relations commerciales avec le monde islamique au détriment des relations canado-américaines, de l’affaiblissement de la loi antiterroriste et d’une présence accrue du religieux dans la sphère publique.
Suite à une analyse des déclarations publiques, des objectifs de campagne électorale et des votes parlementaires de chacun des 301 députés, le CIC leur a attribué pour chacune des 20 questions l’une des notes suivantes :
A : position en accord ave le point de vue du CIC
F : position à l’opposé du point de vue du CIC
B : position partiellement en accord avec le point de vue du CIC
C’est ainsi que le Ministre de la Justice canadien, Irwin Cotler, connu pour avoir représenté des prisonniers de conscience tels que Nelson Mandela et Nathan Sharansky, mais aussi pour son appui aux efforts contre-terroristes du gouvernement israélien, se voit attribuer la note moyenne de F, tandis que le premier ministre du même gouvernement libéral (centre-gauche), Paul Martin, pourtant en faveur d’un rapprochement politique avec les Etats-Unis suite aux tensions survenues entre les deux pays à cause du refus canadien de se joindre à la coalition en Irak, obtient une moyenne de A.
La grande majorité des députés du gouvernement libéral obtiennent une moyenne de A ou de B, ce qui permet de conclure que le CIC souhaite que le « vote musulman » appuie la réélection du Parti libéral au pouvoir. Par contre, 68 des 71 députés de l’opposition officielle, le Parti conservateur (centre-droit), réputée pour son appui aux mesures antiterroristes américaines et au droit d’autodéfense d’Israël, récoltent un F. Il est vrai que le Président du CIC, Mohammed El-Masry, a publiquement exprimé la crainte de voir se transformer le Parti conservateur en « Parti neocon », un terme codé utilisé par les adversaires de l’administration du Président Bush pour désigner la prétendue « cabale juive » qui règnerait sur la Maison Blanche et le Pentagone.
À l’autre extrémité du spectre politique, les députés du parti Néo-démocrate (gauche), parti violemment opposé à la politique étrangère américaine, récoltent tous des A, ce qui laisse présager que le CIC souhaiterait voir les néo-démocrates remplacer le Parti conservateur dans le rôle d’opposition parlementaire officielle.
En outre, le CIC a identifié 101 districts électoraux canadiens dans lesquels un « vote musulman » homogène pourrait faire basculer l’élection en faveur d’un ou l’autre des candidats. 55 de ceux-ci seraient en Ontario et 21 au Québec, les deux provinces les plus populeuses du Canada.
En cette année d’élections fédérales, l’establishment islamique du Canada a pris conscience de la puissance potentielle d’un vote islamique communautariste. Reste à voir si le CIC saura mobiliser les électeurs musulmans du Canada en ce sens et si ce précédent n’ouvrira pas la porte à une ethnicisation du vote dans ce pays d’immigration.