Gérard Huber
mardi 22 juillet 2008
À l’époque où j’ai contre-expertisé toutes les enquêtes qui avaient été faites sur l’authenticité de l’assassinat de Mohamed Al Dura capté en direct par un caméraman de France 2, j’ai noté que, sur la page Internet « Les Noms de Martyrs des Martyrs d’Al Aqsa », on pouvait lire : Mohammed Jamal El - Dorra : tirs à balles réelles dans la poitrine et le ventre ». Telle était l’indication donnée par le Centre d’Information National Palestinien (http://www.pnic.gov.ps/arabic/quds/...).
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Si l’accès en est aujourd’hui quasiment impossible, les Archives demeurent. Cette explication de la mort de l’enfant est d’autant plus importante qu’elle entre en contradiction avec les déclarations faites par le père, Jamal Al Dura. Selon lui, son fils aurait été atteint d’abord au genou, puis dans le dos. Ce ne serait d’ailleurs que dans l’ambulance, et après s’être remis d’un évanouissement dû au fait qu’il aurait été atteint de plusieurs balles, dont la première à l’épaule, qu’il aurait découvert que son fils était mort (in WHY, Al-Ahram Weekly On-line, 5-11 October 2000, issue No 502, published in Cairo).
Mais je ne vais pas refaire ici Contre-expertise d’une mise en scène. Je veux seulement constater ceci :
1. Nul n’est en mesure de reconstituer de manière exacte et détaillée ce qui s’est passé le 30 septembre 2000, au Carrefour de Netzarim, dans la Bande de Gaza, et surtout pas Talal Abu Rahma et Charles Enderlin, pour la raison que le premier a démenti son témoignage et que le second ne se trouvait pas sur place. Quant au père, ses premières déclarations sont contredites par un document officiel de l’Autorité palestinienne
2. Il paraîtrait que Jamal Al Dura serait prêt à ce que le corps de son fils soit exhumé pour prouver que l’enfant a bien été tué. Si cela est vrai, cette démarche qui a une haute portée affective et symbolique qu’il faut respecter à sa juste mesure ne pourrait se faire que dans un cadre qui respecterait toutes les dimensions judiciaires, éthiques et déontologiques.
3. En démocratie, il est légitime que l’opinion publique soit interpellée par des personnes, des groupes de personnes ou des institutions qui veulent faire valoir leurs convictions, dans un sens ou dans l’autre, mais l’opinion publique ne peut pas être réduite à une girouette qui se plie au sens des vents dominants.
4. Une démocratie digne de ce nom se doit de produire les outils ad hoc qui permettront tout à la fois de faire la lumière sur l’assassinat ou le non-assassinat de Mohamed Al Dura, en direct, ce jour-là, à ce moment-là, ainsi que sur les conditions de réalisation du reportage de France 2, et, à l’opinion publique, de prendre part à la découverte de la vérité.
C’est pourquoi, il n’y a pas d’autres issues que la Commission d’enquête internationale, à laquelle j’ai appelé, depuis le premier jour, et dont j’ai, récemment, demandé au Président de la République, Nicolas Sarkozy, de prendre l’initiative. Selon moi, cette Commission devrait être placée sous la responsabilité d’une Commission parlementaire française dirigée par un député et un sénateur et composée au moins du Président du CSA, d’un membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, d’un expert en balistique de l’armée française, d’un représentant de la Knesset israélienne, d’un représentant du parlement palestinien, d’un médecin légiste de l’OMS, d’un représentant de l’Union européenne, d’un représentant de l’ONU, d’un représentant de la Fédération Internationale des Journalistes, et d’un représentant d’une Organisation humanitaire internationale reconnue par tous. Cette Commission devrait prioritairement auditer tous les témoins de l’événement. Ce sera très difficile, car, depuis le début, le politique et le militaire se mêlent avec le médiatique, mais pas impossible, car rien n’est impossible à la démocratie.
J’ajoute que la portée de cette Commission d’enquête va bien au-delà de la question de la vérité sur les images capturées par France 2. Sa seule réalisation ouvrirait la voie à un mémorial des enfants israéliens et palestiniens tués pendant cette guerre interminable qui, si elle continue de la sorte, aura bientôt cent ans. Quoi qu’on dise, la vie des enfants est aussi précieuse chez les Palestiniens que chez les Israéliens.
Les excès qui consistent, pour les uns, à les utiliser comme martyrs, et, pour les autres, à prendre le risque qu’ils soient tués, lors d’assauts, d’attentats ou de tirs de roquette, ne sont incontestablement pas de même nature, dans le premier cas, il s’agit de barbarie, dans le second de guerre, mais rien n’empêche d’imaginer qu’un jour, Palestiniens et Israéliens se mettront ensemble pour dire la vérité sur les conditions dans lesquelles leurs enfants sont morts.
Cela aura peut-être lieu dans cinquante ans, mais il n’est pas sûr que les premiers travaux en ce sens ne puissent pas être lancés par les pédiatres, les psychologues, les psychanalystes, les éducateurs et les médecins plus tôt, comme une condition sine qua non du rétablissement de la confiance.
Si l’on veut désespérer de la paix, il n’y a qu’à tourner le dos à ces résolutions !