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Yaron Gamburg, porte-parole et conseiller de presse de l’ambassade d’Israël : de Zhitomir à Paris
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 22 août 2012

Faire un tour d’horizon avec Yaron Gamburg, porte-parole de l’ambassade d’Israël à Paris est à la fois passionnant et préoccupant. Passionnant du fait de son parcours si riche qui explique une finesse d’analyse peu courante et un décryptage remarquable des complexités de la situation actuelle, non seulement proche-orientale, mais aussi mondiale. Préoccupant aussi, en un moment crucial, alors que le menace existentielle iranienne se précise pour Israël, mais aussi pour le monde.

Une enfance en Ukraine

Né en Ukraine, à Zhitomir, ville non loin de Kiev qui fut à 40% juive avant la guerre, Yaron Gamburg a fait son alyah à l’âge de dix-huit ans. Il avait grandi avec, en toile de fond, la Shoah à la quelle sa famille échappa en fuyant vers l’Est au Kazakhstan, avant de revenir dans une ville où la population juive avait fortement diminué, où les synagogues avaient été détruites. Trop jeune pour avoir vraiment connu l’antisémitisme local d’après guerre, à la fois institutionnel et venant de la population, il savait néanmoins que sa mère n’avait pu faire des études de médecine, comme elle le souhaitait, ou que pour célébrer Pessah son grand-père devait aller à Moscou pour y acheter des Matsot, celles-ci étant introuvables localement.Certes, dit-il, l’Union soviétique n’a pas détruit synagogues ou bâtiments juifs, comme le firent les nazis, mais il y avait un antisémitisme d’État, l’Union soviétique s’en prenant d’ailleurs à toutes les religions.

Pourtant, cet antisémitisme institutionnel était un paradoxe - ce mot revient souvent lorsqu’il parle de ces contrées - étant donné que le premier gouvernement soviétique comptait nombre de Juifs. Autre paradoxe : aujourd’hui, alors que l’Union soviétique a laissé la place à la Russie, les Pays Baltes, le Caucase, l’Azerbaïdjan ou la Géorgie, ces pays ont des relations très proches avec Israël. Notamment les deux derniers où l’on pratique un Islam modéré. Et même si la Russie soutient les Palestiniens, l’antisémitisme d’État a disparu. Sur la complexité des relations troubles avec les Juifs, Yaron Gamburg cite l’ouvrage de Solzhenitsyn « 200 ans ensemble » consacré à l’histoire des Juifs de Russie de1795 à 1995.

Quant à l’antisémitisme que l’on constate au sein des populations de ces régions, Yaron Gamburg répond qu’il y a aussi « de l’antisémitisme en France et dans d’autres pays d’Europe pour des raisons culturelles, sociologiques et parfois politiques... »

La scène moscovite du début du XXIème siècle

Compte tenu de cette histoire personnelle, on imagine combien furent forts certains moments qu’il vécut à Moscou où il eut son premier poste diplomatique de chargé des relations avec la presse, entre 2.000 et 2.003. Ce qui fit le cas lors de la visite officielle de Nathan Chtaransky, cet ancien Refuznik, qui passa des années en prison et au Goulag avant d’être relâché et de s’établir en Israël pour y devenir deux fois ministre. Il se souvient que le Kremlin appela alors l’ambassade d’Israël pour inviter le ministre israélien à rencontrer le Président russe, visite qui n’était pas prévue, et de cet entretien étonnant, en russe, entre Vladimir Poutin, l’ancien patron du KGB, et celui qui en avait été la victime.

Le client iranien

En revanche, souligne-t-il, alors qu’Israël avait été créé grâce au soutien des États-Unis et du bloc soviétique d’alors, à partir de la guerre des Six Jours, les pays arabes ayant décidé de rompre leurs relations avec l’Amérique pour passer dans l’orbite soviétique, Israël étant l’allié des États-Unis, la politique extérieure russe changea. Il explique que c’est de là que date le soutien de la Russie à l’Iran, Russie qui a construit le réacteur de Bucher, après que la France et l’Allemagne en ont commencé la construction. Ce qui s’est fait notamment pour des considérations économiques, dit-il, avec des ventes d’armes à l’Iran et à la Syrie, ce qui fait travailler des milliers de personnes. Il est vrai qu’après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl – Zhitomir, ville de Yaron Gamburg située non loin de là, fut épargnée uniquement en raison de la direction du vent...- trouver des clients pour sa technologie était devenu difficile pour la Russie et ce principal client iranien était précieux...

Par ailleurs, l’Iran a soutenu la Russie contre les groupes tchétchènes et les mouvements jihadistes qui les suivirent et avait calmé les frictions entre elle et le monde arabe, même si les choses ne sont pas toujours forcément très claires. La Russie du Président Poutin, dit-il, entend jouer un rôle de super puissance et a une ambition géopolitique très large. « Plus proche du côté palestinien qu’israélien, il est important pour elle de faire partie du Quartet et d’être impliquée dans cette question ».

« Ce point de désaccord avec la Russie pèse sur nos relations »

C’est ainsi que l’Iran pose aujourd’hui une menace inquiétante et que le Hezbollah, bras armé de l’Iran au Liban, possède quelque 50.000 missiles, selon les estimations, dit-il, ajoutant que « ce n’est pas tellement la quantité qui compte mais le fait qu’ils couvrent la quasi totalité d’Israël, à l’exception, peut-être d’Eilat »...Une capacité fortement accrue depuis 2.006. Mais, note-t-il, cette fois Israël est fin prêt, citant une source militaire anonyme qui avertissait récemment que si le Hezbollah attaquait Israël, cette fois toutes les infrastructures libanaises seraient détruites.

Les journalistes russes très admiratifs d’Israël

Cette expérience moscovite lui fit constater que si la politique extérieure russe est favorable à Iran, Syrie et Palestiniens, les journalistes, eux, sont souvent très admiratifs d’Israël. A cause de la censure qui régnait du temps de l’URSS, interdisant de parler de l’État hébreu, les deux mille journalistes russes étaient fascinés par Israël qui était pour eux une Terra Incognita.

Par ailleurs, en poste à Moscou à l’époque de la crise tchétchène et de la deuxième Intifada, il constata que les journalistes russes dressaient un parallèle entre le terrorisme palestinien, le Hamas, le Jihad islamique et le terrorisme tchétchène. Yaron Gamburg se souvient notamment d’une « interview accordée alors à un journal russe par le fondateur et dirigeant du Hamas, le cheikh Yassin. Celui-ci apportait son soutien aux islamistes tchétchènes. Ce qui fit grand bruit et « ouvrit bien des yeux au niveau politique ».

Les médias en France : nouer un dialogue pour pouvoir expliquer

Il y oppose une autre anecdote journalistique qui ne manque pas de piquant.Lors de sa scolarité en Ukraine il eut comme choix de langues étrangères l’anglais et le français. Il opta pour le français et apprit l’anglais plus tard, notamment à Los Angeles où il fut un Consul général adjoint très apprécié dans une ville qui compte l’une des plus grandes populations juives au monde. Cet enseignement du français se faisait à travers littérature et manuels mais aussi avec la presse. Or, le seul journal autorisé était « l’Humanité ». Ce qui lui fait dire aujourd’hui que près de 25 ans plus tard, quand il a ce quotidien entre les mains ici à Paris, il constate que pour cet organe de presse, rien n’a changé et que pour certains Israël est et reste la source de tous les malheurs du monde...

Pourtant, mis à part cet exemple extrême, s’il sait que certains journalistes et certains médias en France ont un parti-pris anti-israélien évident, et pas uniquement dans les médias de la gauche radicale, s’il reconnaît qu’il y a « des hauts et des bas », des choses « problématiques », ou que « certains préfèrent ignorer certaines réalités du Moyen-Orient et fermer les yeux », il a une vision des choses très nuancée. Car, dit-il, on ne trouve pas que des choses négatives, mais aussi des choses très positives. Il estime d’ailleurs que « les journalistes français sont professionnels et tout le monde commet des erreurs de temps en temps ».

De plus, il croit en la vertu du dialogue, de la « rencontre en tête à tête et de la porte ouverte non seulement à tous les journalistes, mais aussi à tous les dirigeants de médias ». Car, dit-il, « le rôle des médias est d’essayer de donner une information la plus objective possible et le conflit israélo-arabe est très complexe. Il faut un effort d’honnêteté, ce qui est tout ce que je demande, le but de notre travail est de demander une certaine honnêteté journalistique. Il faut nouer un dialogue avec les journalistes pour pouvoir expliquer ».

Ce qui n’est pas toujours évident, cependant, dit-il, car, par comparaison avec les journalistes russes ou américains qu’il a beaucoup côtoyés, les journalistes français sont parfois un peu des enfants gâtés qui ne veulent parler qu’au Premier ministre, au ministre des Affaires étrangères ou à l’ambassadeur.

Internet : fournir des concepts, une information, une connaissance des faits historiques

Bien sûr, dit cet accro de l’informatique, « virus attrapé à Los Angeles », très actif dans ce domaine, il y a Internet et le contact peut être fait par ce biais, mais on ignore alors quand et comment il y a un impact. Néanmoins, il note que quand il est arrivé il y a deux ans « le mot « colonies » était utilisé pour décrire les villages juifs en Cisjordanie ». Ce qui le surprit beaucoup car « cela est très différent du colonialisme français ou européen. Nous avons quatre mille ans d’histoire sur ce qu’on appelle ici « la Terre Sainte », qui est pour nous Eretz Israël ». Le conflit porte sur ce que nous pensons qui nous appartient et ce qu’eux pensent leur appartenir ». Ce qui n’a rien à voir avec un quelconque colonialisme.

État de choses qui lui fit comprendre pourquoi, dans une dépêche AFP, on avait pu lire « bébé colon » à propos d’une famille juive tuée par des terroristes palestiniens. Une absurdité, dit Yaron Gamburg qui a alors soulevé la question sur son blog, « Ma Parole ! » « demandant pourquoi ce mot était utilisé, ce qui est, dès le départ une présentation fausse et biaisée ».

Ses observations provoquèrent un débat d’idées, de concepts, ce dont on est friand ici. Il y eut un progrès, même si on ne peut pas changer toutes les tendances, dit-il. Il en a été de même avec la notion posant que l’anti-sionisme est une nouvelle forme moderne d’antisémitisme, ce qui a longtemps été réfuté mais est finalement admis aujourd’hui. Il cite à cet égard le Nouvel Observateur qui a pris conscience que cet antisionisme était un prétexte...Par ailleurs, le « blog non officiel de l’ambassade d’Israël à Paris, Nosnondits », alimenté par nombre de traductions, donne une plus grande visibilité à l’information, en amplifie la diffusion. Il faut fournir des concepts, une information, une connaissance des faits historiques dont beaucoup manquent, dit-il.

Yaron Gamburg a, bien entendu, un compte Twitter @yarongamburg . A sa grande surprise « des étudiants en journalisme français y ont écrit des choses épouvantables sur Israël ». Il leur conseille de lire la presse israélienne, très critique, avec ce commentaire ironique : « ce n’est pas des médias français que nous avons peur mais des médias israéliens... ». Des « commentaires abjects sur Rue 89 » l’ont choqué...Mais il ne se fait pas d’illusion et sait « qu’on ne peut changer des idées fixes, des partis pris en un ou deux ans ». Ajoutant : « notre travail est de leur fournir certains concepts qui sont absents et les inviter à un travail de réflexion ».

Des aspects d’Israël très appréciés en France

Un autre site Web israélien, coolisrael.fr/ est très apprécié car, note-t-il avec satisfaction, la culture israélienne a le vent en poupe ici, citant la popularité d’écrivains comme David Grossman ou du cinéma israélien. « Dans ce domaine il n’y a pas besoin de service de presse, » dit-il ! Il y aussi, par ailleurs, la reconnaissance du « miracle économique israélien, avec ses 3 % de croissance » et le fait que lorsque Stanley Fisher – aujourd’hui gouverneur de la Banque d’Israël – ou le ministre de l’Économie israélien viennent en France les journalistes se pressent pour les rencontrer. Il constate un même intérêt pour « Israël, la nation start-up », titre d’un ouvrage sur son bureau, ou pour l’agriculture high tech israélienne, notant qu’un syndicat agricole français va se rendre prochainement en voyage d’études en Israël. Pourtant, reconnaît-il, ce qu’il regrette, il n’est pas parvenu à intéresser les médias français à la visite à Paris du Professeur Schectman, Prix Nobel de Chimie israélien au parcours exceptionnel.

Les dossiers politiques

Israël n’est pas au cœur des problèmes du Moyen-Orient, ce sont l’Islam radical, la corruption et les régimes autoritaires Syrie et Iran

« Israël n’est pas au cœur des problèmes du Moyen-Orient, ce sont l’Islam radical, la corruption, les régimes autoritaires qui le sont et il faut le rappeler aujourd’hui ». Tel est le cadre que pose le porte-parole de l’ambassade d’Israël en France, rappelant que les problèmes actuels découlent du colonialisme d’antan, des frontières qui ont été tracées, des populations différentes qui ont été rassemblées. Un ensemble de facteurs qui débouchent sur « ce grand bouleversement auquel on assiste aujourd’hui et qui touche toute la région, Jordanie, Libye, Irak, Turquie y compris. « Mais Israël est beaucoup moins menacé par la crise syrienne, » dit-il, constatant qu’il y a « 150.000 réfugiés syriens en Jordanie, 70.000 en Turquie ou qu’il y a une exportation de ce conflit au Liban avec le Hezbollah ». Il ajoute : « ce qui nous concerne en Israël et nous inquiète, ce sont les stocks d’armes chimiques et non conventionnelles syriennes, les plus importants au monde ».

Quant à « l’après Assad, des groupes islamistes chiites ont pénétré en Syrie, ce qui va changer l’équilibre des forces. L’Iran va perdre son allié arabe le plus important, le Hezbollah va perdre sa base de réarmement, cela va leur porter un coup sérieux. La Syrie compte 70 % de Sunnites et des minorités, comme les Druzes et les Chrétiens qui sont inquiètes pour leur avenir. Des rebelles ont brûlé des drapeaux du Hezbollah et des drapeaux iraniens en Syrie, mais des forces des Gardiens de la Révolution iraniennes s’y trouvent et ce n’est plus seulement en fournissant des armes que l’Iran intervient. L’Iran est isolé aujourd’hui, pas seulement par l’Occident, même s’il faut des sanctions plus fortes, paralysantes, comme nous le disons. L’Iran est isolé aussi par ses voisins du Golfe persique, l’Arabie saoudite ou le Qatar et la chute d’Assad sera un coup dur pour le régime iranien. Qui a également des problèmes avec la Turquie, pays qui a des problèmes avec tous ses voisins et a aussi un dossier kurde ». Il ajoute : « On est en pleine transition sur le plan géopolitique et on ne sait pas où on va ».

Nucléaire : ligne rouge franchie par l’Iran et des horloges qui tournent à des vitesses différentes

Quant au nucléaire iranien, Yaron Gamburg le qualifie de « problème central, le plus inquiétant pour le gouvernement israélien. Il s’agit d’une menace existentielle. Car pour le régime iranien le but déclaré est la disparition d’Israël et l’établissement d’un État palestinien sur tout le territoire d’Israël, la Cisjordanie et Gaza. C’est un régime antisémite qui est dans la rhétorique du complot sioniste dans le but de régner sur le monde, « les Protocoles des Sages de Sion » ont d’ailleurs été traduits en persan... L’Iran, régime anti-sioniste et antisémite va se doter d’armes de destruction massives, ils ont des missiles qui couvrent le territoire israélien et au-delà, allant même jusqu’à l’Italie ».

En ce qui concerne Israël, précise-t-il, « l’Iran a franchi une ligne rouge et a tous les composants pour fabriquer une bombe atomique ». Il salue « l’attitude forte de la France avec qui nous avons beaucoup de points communs », regrettant toutefois que « les États-Unis et les pays occidentaux continuent à essayer des sanctions et des négociations qui sont sans effet alors que l’Iran poursuit l’enrichissement de l’uranium, ce qui n’a pas été observé seulement par Israël mais par les services de renseignement américains. Il y a une semaine, ceux-ci ont envoyé un rapport dans ce sens au Président Obama. Cela n’est un secret pour personne. Les sanctions que privilégie la communauté internationale sont sans effet car ce régime ne prend pas en compte les souffrances de sa population.Par ailleurs, comme vient de le dire l’ambassadeur d’Israël à Washington, Michael Oren, notre horloge tourne plus vite que celle de la communauté internationale, car nous sommes directement menacés et la première cible visée ».

Hezbollah au nord : Israël est prêt

« Il y a actuellement en Israël des préparations pour la défense civile. S’il y a une frappe israélienne sur le nucléaire iranien, il faudra gérer le Hezbollah au nord et peut-être le Hamas au sud. Toutefois le Hamas a beaucoup de problèmes, il n’est pas nécessairement financé par l’Iran, alors que le Hezbollah est le bras armé de l’Iran, comme on l’a vu avec cet attentat en Bulgarie et des tentatives d’attentats anti-israéliens au Kenya, à Chypre et en Géorgie ».

A ce propos Yaron Gamburg estime que « le refus de l’Union européenne de placer le Hezbollah sur sa liste d’organisations terroristes est une honte, d’autant plus qu’un attentat a été commis dans l’espace européen. C’est irrationnel car cela pose un problème patent en Europe également. Le Hezbollah a frappé des Américains et des Français dans les années 80 au Liban aussi. Et aujourd’hui tous les services de renseignement savent qu’il est présent en Europe ».

Un Hamas ambivalent au sud

Le Hamas, lui, a un problème majeur d’identité, explique-t-il. « Il est pro-syrien, pro-iranien, anti-israélien mais ses racines sont les Frères musulmans, ils ont une même école idéologique. L’Iran lui demande de répondre à toute attaque menée contre lui mais tous les indicateurs montrent que le Hamas ne tient pas à s’engager. Il est ambivalent, est allié avec les Sunnites, les Frères musulmans, le Qatar, l’Égypte, même si l’Iran et lui ont un ennemi commun qui est Israël. Le Hamas a également un problème avec le Jihad mondial, comme on l’a vu avec l’attentat dans le Sinaï, mais je ne me fais pas trop d’illusions, c’est quand même un mouvement frère ».

L’Égypte : une période de transition difficile, une coopération militaire mais pas de contacts politiques

A propos de l’Égypte, Yaron Gamburg rapporte ce qui n’est pas qu’une simple anecdote mais illustre bien la réalité. Il s’agit de l’échange de courriers entre le Président Péres et le Président Morsi. A l’occasion du Ramadan Shimon Pères avait envoyé un message au nouveau Président égyptien, issu des Frères musulmans. Ce qui était un second courrier, le premier ayant été envoyé pour le féliciter de son élection à la présidence de l’Égypte. Mohamed Morsi répondit à cette seconde missive, le remerciant et l’assurant de tous ses efforts pour contribuer à remettre en route le Processus de Paix, afin d’assurer « la sécurité et la stabilité de tous les peuples de la région, Israéliens compris ».

Lettre égyptienne qui fut publiée, mais dont l’existence fut aussitôt démentie par Le Caire. Une affaire rapportée sur Nosnondits, où figure une copie de la lettre venue d’Égypte

Le porte-parole de l’ambassade rappelle « qu’il y a deux ans au début de ce qu’on a appelé le « printemps arabe », Israël a été très critiqué par nombre d’hommes politiques, d’experts, de médias, pour ce qui était qualifié alors d’une prudence israélienne excessive. Or, dès le début, le gouvernement, des experts israéliens, s’ils disaient qu’il s’agissait d’un vrai mouvement démocratique, ajoutaient qu’il n’était pas du tout évident que la fin de cette histoire verrait la victoire des valeurs démocratiques, du pluralisme, de la tolérance envers les femmes, les minorités religieuses et ethniques ». Prudence justifiée car « aujourd’hui, le Moyen-Orient est beaucoup plus ultra-religieux, islamiste. Y a-t-il plus de démocratie ? Non.Le Moyen-Orient est plus islamiste, pas plus démocratique ».

Cette prudence venant des leçons tirées notamment de « ce qui s’est passé avec le Hamas à Gaza ». Car « des élections ne sont pas en soi l’étape ultime du développement de la démocratie, mais la première. On sait qu’après des élections il peut y avoir des forces plus réactionnaires, plus antidémocratiques. On l’a vu en Tunisie, en Libye et, bien sûr en Égypte. Il est vrai qu’il n’y avait pas de vraie démocratie sous Moubarak, mais aujourd’hui, il y a eu une mise à pied de la presse, un accroissement de l’emprise de la charia sur la société ».

Voilà pour la toile de fond. Il y ajoute un point essentiel : « Israël et l’Égypte ont un traité de paix depuis plus de trente ans qui est important pour les deux pays et a changé la région du Moyen-Orient. Israël et l’Égypte ont intérêt à conserver ce traité de paix qui conduit à un avantage régional et mondial sur le plan politique, stratégique et économique ». Il cite en exemple « le gazoduc qui fournit en gaz Israël, l’Égypte et la Jordanie. Mais qui a fait l’objet ces deux dernières années d’une vingtaine d’attentats réussis ayant suspendu la fourniture de gaz ».

Il cite encore la coopération économique très importante entre les deux pays, avec « une zone de libre échange qui permet à l’Égypte d’exporter pour plus d’un milliard de dollars aux États-Unis en étant exempté de droits de douane, grâce à un traité d’exemption entre Israël et les États-Unis ». Il y enfin et surtout, la question de la « sécurité. La situation dans le Sinaï, qui s’était dégradée avant même la révolution a atteint aujourd’hui un niveau tel que les experts parlent de chaos, de perte de contrôle de l’armée et du gouvernement égyptiens ». Pour preuve, dit-il, ces attaques par le Jihad mondial avec ce bilan de seize policiers égyptiens tués. Ce qui remet en question la sécurité de la frontière entre l’Égypte et Israël.

D’où aujourd’hui une coopération et coordination des armées israélienne et égyptienne, datant de la période Moubarak mais qui ont continué après l’élection du Président Morsi. La présence de tanks égyptiens dans le Sinaï, interdite par le traité de paix, a donc été autorisée par Israël.

Pourtant, Yaron Gamburg déplore qu’il n’y ait pas de contacts directs au niveau politique entre les deux pays, notant, par ailleurs que l’on ignore ce que sera le rôle à venir de l’armée en Égypte en cette période de transition nécessairement difficile. S’il y a aujourd’hui un ambassadeur d’Israël avec une petite équipe au Caire, il n’y a plus à proprement parler d’ambassade, celle-ci ayant été attaquée particulièrement violemment en novembre 2011 et aucune autorisation pour la réinstaller dans un site plus sécurisé n’ayant été donnée à ce jour.

Par ailleurs,Yaron Gamburg se montre dubitatif quant aux annonces faites par les agences de presse iraniennes, selon lesquelles le Président égyptien participerait au sommet des Pays Non Alignés de Téhéran à la fin du mois. Ce qui est annoncé par l’Iran comme un événement décisif dans un rapprochement égyptien après un froid datant de 1979 et de la révolution islamique. « Il n’est pas clair qu’il y aille lui-même », dit-il, citant de fausses informations similaires données récemment par l’Iran, notamment à propos de soi-disant participations annoncées à une conférence sur la Syrie e ».

Il ajoute un point qu’il est « important de souligner. Si le nouveau gouvernement égyptien soutient l’Iran, principal fournisseur d’aide militaire au régime de Bachar el-Assad, cela n’est pas une bonne idée sur le plan interne égyptien, où il y a une opposition à un rapprochement avec un Iran qui aide le régime syrien à tuer son propre peuple, commettant des actes proches d’un génocide ».

Les États-Unis : de mêmes valeurs mais des horloges qui tournent à des vitesses différentes

Si le porte-parole de l’ambassade d’Israël à Paris affirme que « le Président des États-Unis et le peuple américain ont les mêmes valeurs que nous », s’il se réjouit que « les relations militaires avec les États-Unis sont sans précédent », à propos de la question de l’Iran il réutilise la formule « nous avons des horloges qui tournent à des vitesses différentes », tout en espérant que « les États-Unis trouveront la façon de stopper l’Iran », estimant que « les Iraniens doivent comprendre que l’option militaire est une option très sérieuse. Et alors l’Iran pourrait changer de comportement, ce qui n’est pas le cas maintenant puisqu’il accélère ses activités nucléaires ».

Les Palestiniens : divisés comme en 48

A propos des Palestiniens, le fait que Mahmoud Abbas ait été reçu par les plus hautes autorités françaises un mois à peine après leur arrivée au pouvoir ne choque pas Yaron Gamburg qui remarque que « il a été reçu par tous les nouveaux Présidents, la France, comme l’Europe, a toujours été impliquée dans le dossier palestinien, a une relation très proche, apporte un soutien financier et politique. Israël n’est pas contre un État palestinien, le Premier ministre israélien a dit il y a trois ans qu’Israël est en faveur d’une solution à deux États. La question étant de savoir si les Palestiniens sont prêts à assumer une telle responsabilité et sont prêts à négocier. C’est la première fois qu’un gouvernement israélien a gelé les constructions dans les Territoires, aucun autre gouvernement israélien ne l’avait fait avant. Mais Abbas n’a rien fait... » Quant à la politique des Présidents Sarkozy et Hollande, elle est claire, dit-il, « pour eux la négociation est la seule voie possible et pas des démarches unilatérales. Cela a été dit publiquement et au cours de nos échanges ».

Il regrette cependant que « lorsque le moindre petit balcon est construit dans un village juif en Cisjordanie le Quai d’Orsay le dénonce ». Autre point de désaccord : « Jérusalem est la capitale éternelle d’Israël, mais comme cela a été dit, on peut trouver des solutions », le maître mot étant « négociations ». Il estime que l’admission de « la Palestine » à l’UNESCO « n’a rien changé », mais regrette la manière dont l’agence onusienne « politise les choses ». Comme, récemment avec cette affaire de l’Église de la Nativité. Israël, dit-il, « n’était pas opposé à ce qu’elle soit reconnue comme patrimoine, mais pas de cette manière ». Il évoque aussi les majorités automatiques contre Israël, soutenues par la France et d’autres pays.

Certes, « la France est en faveur d’une solution négociée, pas imposée, mais il faut convaincre Abbas que c’est là la seule voie ». Tache ardue, « malheureusement car après son échec total au Conseil de Sécurité [ où il avait demandé l’adhésion de « la Palestine » à l’ONU en septembre 2011 ] il va recommencer avec l’Assemblée générale des Nations unies où il y a une majorité automatique arabo-musulmane. Mais est-ce que cela va changer quelque chose ? Rien, si ce n’est décourager Israël. De plus Abbas manque de légitimité et de contrôle. Il est persona non grata à Gaza et on peut parler de trois États éventuels plutôt que deux, avec deux États palestiniens...En effet, après trois ans de négociations entre Hamas et Fatah il n’y a aucune solution pour mettre fin à leurs divisions. Ils sont divisés comme en 48 alors qu’Israël était prêt à reconnaître la partition proposée par l’ONU. Rien n’a changé. Certains n’acceptent pas Israël et il y a cette incitation à la violence contre Israël, même dans les manuels scolaires ».

Toutefois, Yaron Gamburg ne veut pas être négatif. Il y a, dit-il, « une coopération sécuritaire, économique, Israël fournit de l’eau aux Palestiniens, il y a des programmes d’aide ». Force est de constater, pourtant, que « malgré tous ces gestes d’Israël, Abbas préfère la voie unilatérale et l’incitation à la haine d’Israël... »

Un dénominateur commun avec la France, en dépit de différences

C’est sans la moindre hésitation que le porte-parole de l’ambassade d’Israël en France fait état de « rapports très proches et très bons avec le gouvernement français, d’échanges et de dialogue très ouverts », soulignant qu’au cours des trois premières semaines du gouvernement Hollande /Ayrault, « il y a eu la visite du Conseiller de Benjamin Netanyahou à l’internationale et du ministre Danny Ayalon ». Il conclut que « en dépit de différences, nous avons un dénominateur commun ».



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