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La doctrine Obama : diriger par derrière
Par Charles Krauthammer, Washington Post 28 avril 2011 | Adaptation française de Sentinelle 5771 ©
Article mis en ligne le 1er mai 2011

Obama peut s’orienter vers quelque chose ressemblant à une doctrine. L’un de ses conseillers a décrit les actions du président en Libye assimilées à : « diriger par derrière ».

— Ryan Lizza, journal ‘the New Yorker’, N° du 2 mai 2011.

Précisons : diriger par derrière c’est un style, pas une doctrine. Les doctrines impliquent des idées, mais puisqu’il n’y en n’a pas de discernables avec du sens dans la politique étrangère d’Obama – la chronique scrupuleuse de Lizza depuis deux ans la révèle au coup par coup, erratique et confuse comme elle le semble – cela devra s’adapter.

Et c’est certainement une description exacte, depuis la passivité choquante du président Obama pendant la révolution verte en Iran en 2009, jusqu’à ses tergiversations en Libye, agissant au tout dernier moment, puis passant la main à une coalition querelleuse, s’accommodant d’une impasse sanglante. Ca a été une politique étrangère d’hésitation, de retard et d’indécision, marquée d’appels plaintifs à la « communauté internationale » (fictive) à faire ce que seule l’Amérique peut faire.

Mais sous-jacent à ce style, assure ce conseiller d’Obama, il y a vraiment des idées. De fait, « deux convictions non explicites » explique Lizza : « Que la puissance relative des USA est en déclin, alors que des rivaux comme la Chine sont en ascension, et que les USA sont vilipendés en de nombreux endroits dans le monde ».

Etonnant. Ce serait pourquoi Obama diminue délibérément la présence, le statut et la capacité américaines de direction des affaires dans le monde ?

Prenez la première proposition : Nous devons « diriger par derrière » parce que le pouvoir relatif des USA est déclinant. Même si vous en acceptez les prémisses, c’est d’une totale inconséquence. Que viennent faire le PNB croissant de la Chine avec le renvoi de la balle américain en Libye, le jugement erroné en Iran, la compromission avec la Syrie ?

C’est vrai, la Chine est en croissance. Mais d’abord, c’est la seule puissance de quelque signification qui augmente militairement par rapport à nous. La Russie est en cours de rattrapage de niveaux de force militaire si bas qu’elle compte à peine au plan mondial. Et la puissance européenne est en réel déclin (voyez la performance de l’Europe – à l’exception des Britanniques – en Afghanistan et les mésaventures européennes actuelles en Libye).

Ensuite, le défi d’une armée chinoise en croissance est toujours exclusivement régional. Il affecterait une guerre avec Taïwan. Il n’a aucun effet sur rien de significatif au-delà de la côte de la Chine. La Chine n’a aucun navire de longue distance. Elle n’a pas de base étrangère. Elle ne peut pas projeter sa puissance dans le monde. Elle le pourrait dans le futur – mais selon quelle logique cela devrait-il nous paralyser aujourd’hui ?

Proposition deux : nous devons diriger par derrière parce que nous sommes vilipendés. La belle affaire ! Quand ne l’étions-nous pas ? Ou bien auparavant, sous Eisenhower ? Quand son vice-président fut envoyé en voyage de bons offices en Amérique latine, on lui cracha dessus et il fut menacé par des foules, de sorte qu’il dut abréger son voyage. Ou bien plus tard, sous le règne béni de Reagan ? Les années Reagan ont été marquées par de grandes manifestations dans les capitales de nos alliés les plus proches, dénonçant l’Amérique comme une menace belliciste conduisant le monde à l’hiver nucléaire.

« Obama est arrivé à une ère politique » explique Lizza, « au moment suivant la Guerre Froide, une époque où le pouvoir sans égal de l’Amérique a créé un ressentiment largement étendu ». Mais le monde n’a pas commencé avec la survenue de la conscience de Barack Obama. Les ressentiments de la Guerre Froide étaient déjà aussi profonds.

C’est le sort de toute superpuissance affirmée d’être enviée, dénoncée et blâmée pour tout ce qui existe sous le soleil. Rien n’a changé. De plus, pour un pays aussi profondément vilipendé, pourquoi pendant les émeutes massives en Tunisie, Egypte, Bahreïn, Yémen, Jordanie et Syrie, les manifestations anti-américaines ont-elles été d’une telle rareté ?

Qui reproche vraiment à l’Amérique son hégémonie ? Le monde dans lequel Obama a vécu et qui l’a formé intellectuellement : les élites universitaires ; son milieu à Hyde Park aux USA (y compris ses amis à ne pas citer, William Ayers et Bernardine Dohme) ; L’église qu’il fréquenta pendant deux décennies, où retentissaient les sermons anti-américains plus virulents que tout ce qu’on n’a jamais entendu dans les gorges déployées de la rue arabe aujourd’hui.

Ce sont les élites libérales qui dénigrent le colosse américain et souhaitent avec dévotion voir sa taille réduite. Diriger par derrière – en diminuant le prestige mondial de l’Amérique et son assurance en elle-même – est une réaction de leur vision de l’Amérique, pas celle du monde.

D’autres présidents ont pris l’anti-américanisme comme une donnée, plutôt qu’une preuve de la malignité américaine, croyant – comme le font la majorité des Américains – dans la légitimité de notre cause et la noblesse de nos intentions. Obama pense que l’anti-américanisme est un verdict sur l’adaptation de l’Amérique à la direction du monde. Je suggère que « diriger par derrière » est un verdict sur la capacité d’Obama à diriger.

Diriger par derrière n’est pas diriger. C’est abdiquer. C’est aussi un oxymore. Pourtant un journaliste sympathique, faisant passer le message d’un conseiller d’Obama, l’élève à une doctrine. Le président est flatté, sans aucun doute. Nous en restons tous simplement stupéfaits.


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