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Vers une reconnaissance inéluctable de l’Etat de Palestine
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 22 avril 2011

Ce ne sont pas les imprécations des uns ou des autres ou la diabolisation de la France, qualifiée d’Etat « antisioniste » ou encore le fait de vouer Barack Obama aux gémonies, qui empêcheront, dans un proche avenir, la reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Certes, une telle reconnaissance n’aura pas d’effets juridiques notables, mais elle rendra la position d’Israël encore plus inconfortable sur la scène internationale.

Même si nous n’avons jamais eu une grande confiance dans les dirigeants de l’Autorité (sic) palestinienne, habitués au double jeu (affirmation d’une aspiration à la paix mais aussi hommages officiels rendus aux terroristes), nous persistons à penser, au risque – une fois encore – d’indisposer certains internautes, que le gouvernement israélien en porte une part de responsabilité.

Force est en effet de constater que Benyamin Netanyahou n’a rien fait pour mettre Mahmoud Abbas « au pied du mur » : car, c’est au moment où – enfin – des négociations directes s’ouvraient, à l’automne 2010, qu’il trouva indispensable de reprendre les constructions dans les Territoires disputés, mettant ainsi un terme à cette reprise de la procédure incontournable pour trouver un terme au conflit, né il y a, maintenant, près de 63 ans.

Quelle que soit la bonne ou mauvaise foi de l’autre Partie, ce n’est pas en prenant des initiatives unilatérales que l’ont incite l’adversaire à la négociation.

Pourquoi poser comme condition – certes légitime, mais prématurée – la reconnaissance du caractère juif de l’Etat d’Israël ou encore - comme vient de le révéler Mahmoud Abbas, - exiger, dès les premiers entretiens, le maintien d’une présence militaire israélienne sur les bords du Jourdain ?

Encore aujourd’hui, le gouvernement israélien ne met pas l’accent – comme il avait d’ailleurs déjà omis de le faire, lors de la procédure écrite devant la Cour internationale de justice en 2004 – sur le fait que la ligne de cessez-le-feu de 1949 (dite Ligne verte) n’a pas valeur de frontière.

La lettre de l’accord d’armistice et les déclarations de représentants jordaniens aux Nations Unies en sont la preuve, que les autorités israéliennes n’ont jamais su ou voulu mettre en avant.

Il est évident, comme nous l’avons déjà, maintes fois signalé, qu’avant de prétendre à être « reconnu », un Etat doit « exister ».

Pour cela, il lui faut non seulement une population et des pouvoirs publics, mais, encore, et surtout, un territoire sur lequel ces autorités exercent leurs pouvoirs et cela suppose, bien évidemment – afin d’éviter toute contestation avec un Etat voisin - des « frontières », qui délimitent ce territoire.

Et c’est précisément là que le bât blesse : il y a bien accord provisoire pour la Cisjordanie avec un partage en trois zones A, B et C, dans lesquelles Israël et l’Autorité palestinienne (AP) exercent seuls ou se partagent les pouvoirs et la Bande de Gaza où Israël n’exerce plus, en principe, aucun pouvoir, si ce n’est de prendre des mesures dictées par son droit de légitime défense, mais qui échappe à l’AP…..

Toutefois, ce n’est qu’un accord provisoire qui n’entend pas établir de frontières, indépendamment du fait qu’on voit mal un Etat de Palestine, qui serait constitué de deux entités relevant de deux « autorités distinctes », sans rapport entre elles.

On voit là, la situation inextricable à laquelle aboutirait une reconnaissance toute théorique d’un « Etat de Palestine ».

Mais là ne réside pas le vrai problème, dans la mesure où la société internationale recèle un certain nombre d’anomalies (ex : Etat échappant, pratiquement, à toute autorité gouvernementale, telle la Somalie, Etat de Chypre du Nord reconnu que par la Turquie, Taiwan reconnu que par une minorité d’Etats et contesté par la Chine, etc…..).

A cet égard, l’Etat de Palestine est déjà « reconnu », paraît-il, par près de 130 Etats, depuis sa proclamation en 1988 par l’OLP.

Il est pratiquement certain que l’actuelle visite de Mahmoud Abbas à Paris ne lui permettra pas de rallier la France à cette tendance.

Mais, en revanche, il est pratiquement sûr que l’Union européenne – que la France en prenne l’initiative ou non – se joindra, à l’occasion de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies, en septembre prochain – à ce mouvement.

Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois que la « Palestine » disposera d’un régime de faveur à l’ONU et Israël ne pourra pas compter sur le veto des Etats-Unis, qui ne joue qu’au Conseil de sécurité.

D’ores et déjà, elle dispose d’un statut d’observateur privilégié la plaçant après les Etats non-membres ayant le statut d’observateur et avant les organisations internationales ayant ce même statut.

Cependant, ce ne sera qu’une reconnaissance de façade que l’Assemblée générale reprenne ou non à son compte la notion de « frontières d’avant 1967 » (notion juridiquement inexistante).

Car, il est évident qu’Israël n’acceptera pas une telle solution, qui ne peut se fonder sur une application régulière du droit international (quelle que soit, par ailleurs, la compétence de l’Assemblée générale pour prendre position sur cette question).

Mais, politiquement, car ne l’oublions pas l’ONU est une organisation politique, que le respect rigoureux du droit international n’a pas toujours préoccupé, la position d’Israël s’en trouvera affaiblie, au même titre qu’à l’époque où l’Assemblée générale qualifiait, sans vergogne, le sionisme de racisme.

Cette « reconnaissance » ne manquera pas non plus d’avoir des incidences défavorables à Israël dans les rapports que cet Etat entretient avec l’Union européenne et cela ne manquera pas de se répercuter dans le domaine des relations économiques.

Certes, l’Assemblée générale ne peut pas créer le droit.

Et, si le plan de partage a pu être pratiquement « imposé » en 1947, c’est parce que la puissance mandataire, la Grande-Bretagne, avait laissé le soin à l’ONU de décider du sort du territoire de la Palestine, à la suite de la disparition de la Société des Nations, qui le lui avait confié.

Mais Israël ne peut pas non plus espérer que la société internationale entérine sa propre conception des choses.

Un attachement indéfectible au droit à l’existence de l’Etat d’Israël, et donc à sa sécurité, ne justifie pas pour autant, même s’il est vrai que l’autre Partie ne joue pas toujours « franc jeu » un alignement inconditionnel sur toutes les positions de son gouvernement.



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