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Israël a-t-il intérêt à la normalisation ?
Nathalie Szerman © Jerusalem Post
Article mis en ligne le 2 mai 2008

A chaque accalmie, la question de la normalisation entre Israël et les pays arabes revient sur le tapis. C’est Israël qui en est demandeur, prêt pour l’obtenir à des « concessions douloureuses », selon la formule consacrée. Avec la récente reprise des négociations entre la Syrie et Israël, par l’intermédiaire de la Turquie et bientôt aussi de l’Egypte, la question de la normalisation est plus que jamais d’actualité. Concrètement, est-elle applicable ?

Israël, un intrus dans la région

En visite en Algérie en mars 2007, le cheikh égyptien Youssef Qaradhawi, connu pour son émission « Sharia et vie » sur Al-Jazeera et ses nombreuses fatwas, réitérait la position arabe consensuelle, selon laquelle les pays arabes ne devaient prendre aucune mesure visant à normaliser les relations avec Israël tant qu’un Etat palestinien n’avait pas été créé et que l’Etat juif ne s’était pas retiré des territoires palestiniens.

Au sommet arabe de 2007 à Riyad, le prince Turki Al-Faisal, conseiller du roi Abdallah ’Arabie saoudite, trouvait le moyen de faire accepter Israël par les Etats arabes, à condition, bien entendu, qu’Israël effectue un retrait complet des territoires palestiniens : « Nous commencerons à considérer les Israéliens comme des Juifs arabes plutôt que comme des Israéliens », a-t-il déclaré, expliquant que les pays arabes voyaient en Israël une entité européenne artificiellement plaquée sur le monde arabe après la deuxième guerre mondiale. Il s’agit sans doute là de la tentative la plus honnête d’un gouvernement arabe d’accepter Israël, en ce qu’elle propose de régler le problème de l’intrusion d’un corps étranger (Israël) au sein de la oumma.

Pragmatisme de l’islam

L’absence de normalisation n’a toutefois pas empêché la signature de traités de paix avec l’Egypte, la Jordanie et l’OLP (Accords d’Oslo). En outre la Mauritanie, membre de la Ligue arabe, maintient avec Israël de bonnes relations diplomatiques. D’autres pays arabes ont avec Israël des relations certes non-officielles, mais non occultées, comme le Maroc, la Tunisie, le Qatar, Dubaï, Bahreïn et Oman. Ces pays ne reconnaissent pas tous pour autant le droit d’Israël à un Etat souverain. Comment rendre compte de ce paradoxe, consistant à signer des traités et à maintenir des relations avec l’Etat d’Israël tout en ne le faisant même pas figurer sur les cartes géographiques des manuels scolaires, comme c’est notamment le cas en Egypte ?

Pour Menahem Milson, directeur du Middle East Media Research Institute (MEMRI), « la doctrine qui demande aux musulmans de mener le djihad pour le règne de l’islam enseigne aussi que si les pertes et les dégâts subis par les musulmans sont supérieurs aux bienfaits, la paix est permise. » Et de préciser : « La vision islamique traditionnelle n’autorise la paix avec les ’infidèles’ que si celle-ci est temporaire et conditionnelle. »

Cette conception de la paix comme temporaire et conditionnelle permet aux Etats arabes de mener une politique pragmatique sans trahir les principes islamiques. Elle trouve sa source dans le traité de Hudaybiya, signé en 628 entre Mahomet et les autorités de la Mecque : s’apercevant qu’il ne disposait pas de forces suffisantes pour vaincre les habitants de la Mecque, Mahomet signa un accord de paix de dix ans avec les « infidèles » de la Mecque, accord rompu un an et demi plus tard, quand les forces de Mahomet se furent renflouées et qu’un habitant de la Mecque tua une personne du camp de Mahomet.

Ce traité a posé un précédent. Ainsi le mufti d’Egypte émit une fatwa légitimant la visite du président Sadate en Israël, il y a trente ans, pour signer la paix et récupérer le Sinaï, citant l’exemple de Hudaybiya. Parallèlement, lorsque Arafat a été critiqué parmi les siens pour avoir signé des accords de paix avec Israël, il a évoqué Hudaybiya dans le but de rassurer ses détracteurs sur le fait que cette paix ne serait que provisoire. « La paix n’est pas considérée comme une fin en soi mais comme le prix à payer pour récupérer des territoires et améliorer les relations avec les Etats-Unis », explique le Professeur Milson.

La normalisation peut exister, si on accepte de ne pas la nommer

L’idéologie islamique n’interdit donc pas aux pays arabes de nouer des relations économiques et d’intérêts communs avec Israël. Elle supporte des accords d’intérêts communs temporaires, des « trêves », des relations économiques discrètes que l’on ne nomme pas. En revanche, elle ne supporte pas l’idée d’une solution diplomatique avec Israël.

Or Israël se comporte justement comme si ce qui comptait le plus pour lui, c’était la reconnaissance verbale, officielle, au plus haut niveau. Et pour cela, Israël est prêt aux fameuses « concessions douloureuses ». Or Israël a-t-il vraiment intérêt à cette reconnaissance ? Guy Bechor, chroniqueur sur Ynet, notait dans un article publié en 2005 que plus le processus de paix prend une tournure officielle, plus il faut compenser par des restrictions dans les faits. Alors qu’en l’absence de toute normalisation officielle, la vie peut suivre son cours tranquillement et des relations s’établir.

Ainsi, si le terme « normalisation » est devenu un gros mot aujourd’hui dans les pays arabes, parce qu’elle est si chère à Israël, dans les faits, elle peut exister, à des degrés divers, quand toutes les parties sont intéressées. Sans trop de « concessions douloureuses », il semblerait donc qu’Israël puisse y accéder, à condition de ne pas la nommer.

Guy Bechor estime que « le principe guidant nos relations fragiles et naissantes avec les Arabes doit être : pas d’arrogance, pas d’orchestres ni de trompettes, pas de cérémonies de signatures ni de grandes déclarations. » Mais « une diplomatie discrète, des mesures pratiques qui donnent des fruits. Et il n’est pas nécessaire de considérer ces étapes comme ’préliminaires’ car ce sont les principales étapes. »

La normalisation des relations ne peut être garantie.

En outre, il serait judicieux pour Israël de se demander si la normalisation, une fois promise, pourrait être garantie dans les faits. Quel moyen y aurait-il de l’imposer si dans les faits, elle n’avait pas lieu, après le retrait des territoires ? Selon le Pr. Milson, « Israël n’a pas les moyens d’assurer l’application de la normalisation : Israël ne pourrait pas appliquer des sanctions en cas de non normalisation des relations, et toutes les protestations seraient vaines et embarrassantes. »

Ce constat implique que le seul type de paix auquel Israël peut réalistement aspirer à l’heure actuelle est la « paix froide » déjà obtenue avec l’Egypte et la Jordanie, accompagnée de relations économiques et diplomatiques discrètes. Or celle-ci est assurée d’une part par un profile bas, d’autre part par un rapport de forces favorable à Israël. Il serait bon de s’en souvenir à l’heure de la réouverture des négociations avec la Syrie.



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