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D r Mordechai Kedar : ” Les dirigeants arabes vivent avec le sentiment qu’ils ne doivent rien à leurs peuples, que l’inverse est vrai.”
Par Mati Ben-Avraham | IsraelValley
Article mis en ligne le 13 avril 2008

Le Dr Mordechai Kedar, de l’université Bar Ilan, est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de l’Islam. Juif pratiquant, il pose d’emblée l’impossibilité de disséquer une croyance, une foi. Partant, l’étude ne peut porter que sur les faits reliés à une foi. Il est intéressant de noter que, dans le procès intenté par l’Etat au leader du courant nordiste du mouvement islamique israélien, Sheikh Ra’id Salah, il était cité, en tant qu’expert, par la défense.

Q. Mati Ben-Avraham : L’Islam, dites-vous, traverse une crise profonde. Qui s’exprime de quelle manière ?

R. Dr. Mordechai Kedar : Par un désarroi certain. Il y a, dans le Coran, un verset qui dit : ” vous êtes la meilleure nation qui soit sur terre.” Tout Musulman en est convaincu. Mais voilà, la réalité est tout autre. Le monde musulman est en proie à des contradictions profondes, à des querelles intestines sans fin, à la corruption.

Au plan quotidien, le Musulman est confronté à un système administratif tatillon, à un système scolaire inopérant, à un système de santé rétrograde, à des inégalités sociales criardes, à un chômage endémique.

Ce décalage, donc, entre le verset cité et la réalité au quotidien suscite des interrogations, des doutes.
Par ailleurs, dans la dernière génération, se sont produits deux faits inquiétants, traumatisants même : le développement des outils de communication d’une part et, d’autre part, l’irruption d’idées nouvelles, innovatrices. En particulier en ce qui concerne le statut de la femme : l’accès au monde du travail, aux techniques médicales libératrices.

Des idées qui sont venues ébranler le mode de vie traditionnel, la hiérarchie familiale. Ces changements sont intervenus rapidement, trop rapidement, avec une intensité forte, trop forte. Ils ont bousculé les modes de comportement, pesé sur les mentalités, induisant un effet déstabilisateur.

Et partant, une crise profonde, marquée par des questions inconnues jusqu’alors dans le monde de la soumission : qui sommes-nous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Que faire, par exemple, avec ces jeunes gens et jeunes filles, convoqués à une manifestation de masse par le Sheikh Nasrallah, et qui arrivent le visage peint aux couleurs de l’Islam, comme s’il s’agissait d’un match de football ?

Pensez-vous que Sheikh Nasrallah est content du spectacle offert par ses ” supporters” ? Bien entendu que non, car il le sait : c’est à partir de petits riens que se déclenchent les grands changements.

Q. MATI BEN-AVRAHAM : L’éducation, la santé, la gestion au quotidien : tout se passe comme si les dirigeants étaient incapables de faire face à un changement de paradigme social ?

R. Dr. Mordechai Kedar : Davantage : ces dirigeants n’ont pas toujours envie d’affronter ces problèmes car cela suppose d’établir un ordre de priorités, d’investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures... Or, ils vivent avec le sentiment qu’ils ne doivent rien à leurs peuples, que l’inverse est vrai.

Q. MATI BEN-AVRAHAM : Venons-en au fondamentalisme. Si j’ai bien saisi, les buts visés par ces mouvements sont de s’accaparer le pouvoir politique et d’ imposer ensuite leur conception propre de l’Islam. Voir l’Algérie, l’Egypte, le Liban, ici même avec le Hamas et le Jihad islamique. L’impression est que ces mouvements ont échoué, même si leur capacité de nuisance n’a pas totalement disparu. Peut-on parler d’une stratégie islamique ?

R. Dr. Mordechai Kedar : Ces mouvements islamistes se sont fixés des objectifs dans le temps. A court terme, ils visent à une reconnaissance légale dans leur pays, en tant que groupe politique, par les institutions et autres groupes. A moyen terme, il s’agit pour eux de parvenir à une position dominante, à travers l’utilisation des moyens légaux existants, comme par exemple la participation aux élections municipales, législatives en enfin au gouvernement. A long terme enfin, l’objectif est la mainmise sur les mécanismes de gouvernement, l’élimination des groupes non islamistes de toute source de pouvoir - voyez l’Iran - pour imposer la loi islamique à l’ensemble du pays.

Q. MATI BEN-AVRAHAM : Et Al Qaïda dans tout cela ?

R. Dr. Mordechai Kedar : La doctrine déclarée de Al Qaïda est d’imposer l’Islam au monde entier, tout de suite, par la violence, des actes de terrorisme donc, si besoin en est. Il y a une controverse à l’intérieur de ce mouvement qui porte sur les seuls chiites. Abu Moussab Al Zarqaoui, qui fut le chef d’Al Qaïda en Irak jusqu’à son élimination, justifiait la guerre contre ce courant de l’Islam car, disait-il : “Ce sont des parjures qui causent du tort à l’Islam.” Ayman Al Zawahiri, l’adjoint de ben Laden, estime lui qu’il s’agit là d’une guerre superflue, car les shiites sont des Musulmans, et qu’il fallait se concentrer sur la lutte contre l’Occident et Israël.



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