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L’Esclavage dans les pays musulmans : enquête
Nathalie Szerman (c) Israël Magazine
Article mis en ligne le 2 avril 2008

Cela peut choquer mais c’est pourtant vrai : l’esclavage n’est pas une coutume révolue. C’est même un phénomène répandu, notamment dans les pays musulmans, où il revêt diverses formes et est fréquemment officialisé. Bien sûr, il ne porte pas le vilain nom d’ « esclavage », mais se cache derrière les appellations plus respectables de « tutelle » ou de « bonnes ». Du Maroc à l’Arabie saoudite, petit tour d’horizon des pratiques esclavagistes. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes.

C’est à Malek Chebel, anthropologue et spécialiste algérien de l’islam, que revient le mérite d’avoir remis à l’ordre du jour, en France, un phénomène gênant, celui de l’ « esclavage en terre l’islam », titre d’un riche ouvrage de 500 pages publié chez Fayard en 2007 et sous-titré : « Un tabou bien gardé ». Chebel n’hésite pas à désigner dans l’islam même les racines de certaines formes d’esclavagisme. S’il s’étend longuement sur les racines historiques du phénomène, il en décrit aussi certaines manifestations actuelles.

Mariage et prostitution, deux façons d’asservir les femmes : Afghanistan, Maroc...

« Combien de femmes, aujourd’hui même, sans porter à proprement parler l’étiquette d’ ’esclaves’, tant en Asie musulmane qu’en Afrique médiane et au Maghreb, sont-elles maintenues dans une condition qui les oblige à monnayer les plaisirs sexuels qu’elles fournissent au profit d’un proxénète ? Plus pervers encore est le système de mise en esclavage matrimonial de jeunes filles pubères - pratiquement des enfants - au nom de coutumes tribales d’un autre âge. C’est le cas, encore aujourd’hui, en Afghanistan, où des jeunes filles à peine nubiles sont mariées à des chefs tribaux, riches et souvent séniles, en termes de ce qui apparaît comme une forme de ’droit de cuissage’ », note Chebel.

Dans un dialogue avec le généticien français Albert Jacquard (Jamais soumis, jamais soumise, Stock 2007) Fadela Amara, fondatrice de Ni Putes ni Soumises et actuelle secrétaire d’Etat à la politique de la ville dans le gouvernement de Sarkozy, évoque en termes très clair l’esclavage des jeunes filles dont elle a été témoin au Maroc : « Je suis allée dans les villages marocains, en fin fond du bled (...) Autour de dix ans, les filles sont enlevées de l’école pour être mises à disposition de familles bourgeoises et devenir des bonnes, avec tout ce que ça implique : certaines vont être violées par le chef de famille, mises enceintes et fichues dehors par l’épouse légitime (...) »

Les Marocaines qui tentent de se libérer en fuyant pour des pays arabes riches risquent d’être déçues. Le quotidien marocain TelQuel est allé jusqu’à afficher sur son site, en 2007, une pétition intitulée « Pour le respect des droits de la femme marocaine ’immigrée’ aux pays du Golfe » afin de lutter contre le phénomène des Marocaines faites esclaves aux Emirats arabes unies, où elles croyaient trouver argent et liberté : « Parties travailler dans les pays du Golfe comme coiffeuses ou hôtesses, des milliers de Marocaines se retrouvent séquestrées, battues et forcées à se prostituer. Cherchant à s’évader, certaines sont emprisonnées ou même assassinées ! Et le Maroc se tait, au nom de ’considérations diplomatiques’. »

Une situation qui n’est toutefois pas le seul fait du Maroc. Au Liban aussi, les « travailleuses étrangères » sont fréquemment faites esclaves par leurs employeurs.

Liban : le phénomène des « bonnes »

Le 11 octobre 2007, le Monde publiait un article de Dominique Torres sur la situation des « bonnes à vendre » au Liban. Des jeunes femmes naïves et démunies venues de pays pauvres, notamment du Sri Lanka, d’Ethiopie et des Philippines, pour se faire un petit salaire, ne se doutent pas qu’elles vont se voir confisquer leur passeport et se trouver à la merci d’employeurs qui feront d’elles non des bonnes, mais des esclaves. « Leur passeport transitera directement des mains du policier des frontières à celle de l’employeur », note l’article.

Le marché des bonnes est intéressant pour les agences qui « à la signature du contrat, se versent entre dix et quinze fois le premier salaire de la domestique. » Quant aux « bonnes », elles sont très peu payées - quand elles ont la chance de tomber sur un employeur qui respecte le contrat. Mais face aux abus en tous genre, dont la privation du salaire n’est pas le moindre, ces jeunes femmes n’ont aucun autre moyen de se défendre que de fuir pour l’ambassade de leurs pays, où sont cachées nombre d’entre elles : « quarante au sous-sol de l’ambassade des Philippines, trente dans celle du Sri Lanka et autant dans une annexe de l’ambassade d’Ethiopie », notait l’auteur en 2007.

Ces jeunes femmes sont peut-être les seules à avoir profité de la deuxième guerre du Liban : « Durant l’été 2006, l’attaque israélienne au Liban et le désarroi des Libanais fuyant les bombes ont été largement couverts. Les médias ont évoqué, sans s’attarder sur le sujet, le nombre de 30 000 domestiques abandonnées dans des appartements fermés à clef, souvent avec le chien. A leur retour, les employeurs étaient furieux. La domestique était partie ! » notait l’auteur, non sans humour.

« Tuteur légal » égale « esclavagiste »

Le 15 novembre 2007, le quotidien libanais L’Orient Le jour réagissait à l’article de Dominique Torrès par un article intitulé : « Bientôt une législation pour la protection à égalité des domestiques étrangères et des employeurs ». Le quotidien libanais admet qu’ « un réel problème existe (...) L’employeur, tuteur légal de la domestique, unique responsable aux yeux de la loi libanaise, est seul maître à bord. » Ainsi « certains employeurs, soucieux de rentabiliser [la caution versée à l’agence pour l’obtention de la bonne], sont parfois poussés à des comportements esclavagistes », note pudiquement l’article, comme d’ « enfermer leur domestique (...) par peur de la voir prendre la fuite. » Il est en effet plus intéressant de travailler au noir, avec un meilleur salaire et la liberté à la clé.

L’article note : « En instaurant le principe de la tutelle, principe qui est d’ailleurs répandu dans les pays arabes, l’Etat entend exercer un contrôle stricte sur les communautés de migrants. » Ce principe de la tutelle s’avère dans les faits synonyme d’asservissement.

Trafic d’enfants au Bengladesh

Après les femmes, les enfants ne sont pas en reste : le site d’Amnesty International Belgique affichait, en décembre 2004, une enquête intitulée « Itinéraire d’un esclavage asiatique », qui abordait presque exclusivement le sujet de l’esclavage en pays musulmans. Le rapport évoquait notamment le trafic d’enfants du Bengladesh, citant : « La misère et la crédulité d’une large part de la population bangladaise facilitent les trafics de femmes et d’enfants vers l’étranger. L’Inde, le Pakistan et les riches pays arabes sont leurs principaux destinataires (...) Les filles aboutissent souvent dans des réseaux de prostitution forcée ou de travail domestique, parfois dans le secteur industriel (notamment les usines de vêtements). » Quant aux garçons, ils se retrouvent fréquemment jockeys dans les courses de chameaux de la Péninsule : « Leurs cris de peur sont censés effrayer les animaux et les faire courir plus vite ». Pour garder ces garçons petits et lestes, on les prive de nourriture. Et au Bengladesh aussi, « la passivité des autorités » est dénoncée : « Des lois existent au Bangladesh pour punir les trafiquants d’être humains. Rarement appliquées, elles n’ont aucun effet dissuasif. »

Arabie Saoudite et Emirats arabes unis : une opulence qui repose aussi sur le travail des esclaves

Malek Chebel n’est pas tendre vis-à-vis de l’Arabie saoudite, où l’esclavage est peut-être le plus généralisé, les hommes aussi en étant victimes : « Ouvriers soumis, eunuques, domestiques, concubines : tous les degrés de la servitude sont pratiqués et entretenus dans l’une des régions les plus opulents de la planète (...) L’esclave est certes une ombre inconsistante aux yeux de son maître, mais sa présence est pratiquement indispensable au fonctionnement de la cité en Arabie. » Chebel précise : « La ville princière de Taîf, à une centaine de km de la ville sainte, peut se prévaloir de compter encore aujourd’hui un grand nombre d’esclaves. Ils sont employés à l’arrosage des roseraies, des vignes et des vergers qui font la réputation de l’endroit, ou bien au nettoyage et à l’entretien des palais. Il en va de même à Djedda, ville portuaire, à Riyad, capitale politique du pays, et même dans les prudes Médine et la Mecque où un corps d’eunuques fut encore signalé, photographies à l’appui, il y a moins d’une dizaine d’années. »

Les Emirats arabes unis ne sont pas en reste : « De leur côté, en raison de leur ’boom’ économique, les Emirats arabes unis ont connu et connaissent un besoin vital de main-d’œuvre qu’ils vont puiser en Asie, et n’hésitent pas, au besoin, à mettre en servitude dans les demeures privées. » On le voit : les Marocaines ne sont donc pas les seules victimes de ces petits Etats qui ont pourtant les moyens d’employer décemment du personnel.

Laissons le mot de la fin à Wajiha Al-Huweidar, militante des droits de la femme en Arabie Saoudite, dont les propos prononcés sur la télévision saoudienne Al-Hurra le 13 janvier 2008 ont été relayés par le MEMRI (Middle East Research Institute). Dénonçant la situation des femmes en Arabie Saoudite, qu’elle qualifie de « pire qu’à Guantanamo », elle estime que « la société saoudienne se base sur l’asservissement : l’asservissement des femmes aux hommes et de la société à l’Etat. » Tout un système qu’il faudrait revoir pour mettre fin à des pratiques dégradantes pour tous : maîtres comme esclaves.



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