Bandeau
DESINFOS.COM
Slogan du site

Depuis Septembre 2000, DESINFOS.com est libre d’accès et gratuit
pour vous donner une véritable information indépendante sur Israël

Freud et la question des Arabes israéliens
par Shraga Blum | Arouts 7
Article mis en ligne le 25 janvier 2008
dernière modification le 27 janvier 2008

Comme l’on pouvait s’y attendre, Avigdor Lieberman et son parti « Israel Beiteinou » ont quitté la coalition. Pressé depuis fort longtemps par le Likoud, et soucieux de préserver son électorat russophone majoritairement à droite, Lieberman avait annoncé que l’entrée en matière par le gouvernement israélien sur les sujets aussi sensibles que les frontières définitives, la question des réfugiés ou celle de Jérusalem, signifierait la fin de sa collaboration avec le gouvernement Olmert.

Lors de la conférence de presse qu’il a donnée, Lieberman, a abordé les différents points qui motivaient sa décision, mais s’est surtout arrêté sur le problème qu’il considère comme le plus crucial pour l’avenir d’Israël : « Ce ne sont pas Ismaïl Haniyé et Khaled Meshal qui sont les plus dangereux pour l’avenir Israël, mais ce sont Ahmed Tibi et Muhamad Baraké ! » faisant allusion à deux parmi les dix députés arabes israéliens à la Knesset.

Tollé dans la classe politique, montée au créneau des députés arabes et de leurs soutiens de l’extrême gauche, mobilisation des médias pendant deux jours pour donner droit de réponse aux élus arabes. « Fasciste ! », « Raciste ! », « Ce n’est pas un immigrant de Russie qui va nous dire où habiter ! », « Nous sommes les maîtres ici, il n’est qu’un invité ! », a-t-on pu ainsi entendre de la bouche des représentants de la population arabe israélienne.

Et pourtant. Clore ainsi le débat d’un revers de la main en criant au racisme semble un peu trop facile. Le racisme est un fléau à combattre, et qui mieux que nous, Juifs, savons les ravages qu’il peut provoquer. Mais le racisme est une idéologie fondée sur des préjugés, et surtout, qui stigmatise une collectivité humaine entière en tant qu’elle existe.

La question des relations entre la majorité juive et la minorité arabe israéliennes, n’est pas à ranger dans la catégorie du racisme, même s‘il est indéniable qu’il y a parmi nous, comme dans toute société hélas, des éléments qui considèrent un Arabe comme un être de catégorie inférieure ou infréquentable. Que l’on ne se trompe pas : la société israélienne ne doit pas être dépourvue d’étrangers à notre peuple, comme l’écrit si bien Shmouel Trigano dans « L’ébranlement d’Israël », en utilisant l’expression « d’étrangeté » pour expliquer en substance « qu’Israël, même de retour sur sa terre, ne soit pas faire abstraction de la présence de l’Autre, de l’Etranger parmi nous, sous peine de renfermement sur-soi et normalisation »

Même ceux qui ont préconisé la solution la plus radicale en l’occurrence, celle d’un « transfert » des populations arabes, n’ont jamais émis le désir de faire quitter la totalité des Arabes israéliens, et préféraient de loin la solution d’une séparation des populations, à des heurts continuels et sanglants.

Prenons le cas emblématique du Rav Méïr Kahana sur ce point précis. Ce dernier, qui prônait le déplacement de populations, admettait en même temps que tout Arabe qui accepterait Israël comme Etat juif aurait le droit de rester dans le pays, et devrait jouir de manière effective de droits sociaux strictement égaux à ceux des Juifs. Autrement dit, le contraire de ce qui se fait aujourd’hui, où l’on accorde des droits politiques au-delà de toute mesure aux Arabes israéliens, mais en les exploitant économiquement et socialement par ailleurs.

Et contrairement aux idées qui ont été généreusement véhiculées, le Rav Kahana avait une haute idée de ce qu’était un Arabe. Dans le livre-interview qu’il avait réalisé avec les journalistes français Raphaël Mergui et Philippe Simmonot, en 1971 (Ed. P.M Favre), il disait ainsi : « Pour moi, un bon Arabe est un Arabe fier. Et ce bon Arabe, je le comprends, car moi aussi, j’ai une fierté nationale. (...) La gauche israélienne porte au fond de son cœur le sentiment que ce n’est pas tout à fait naturel pour les Juifs de vivre dans cette région. Elle se sent coupable au fond d’elle-même, et se croit donc obligée de défendre les Arabes sur toutes les questions qu’ils soulèvent, y compris même la fin de l’Etat juif. (...) C’est un erreur de croire, comme l’a fait la gauche, que l’on pourra acheter les Arabes en les envoyant à l’Université ou en améliorant leur statut socio-économique (...) Dans vingt ans, les Arabes israéliens seront encore beaucoup plus nombreux. Il n’existe aucun pays au monde où deux communautés coexistent pacifiquement avec un tel partage démographique. Et ici, il s’agit de deux populations radicalement différentes, de deux sentiments nationaux incompatibles »

Racisme ou réalisme ?

Quelle est l’ampleur réelle de la question des Arabes israéliens ? Dans son livre « La vérité telle que je la vois », Avigdor Lieberman énonce le problème ainsi : « La question des Arabes israéliens est une bombe à retardement qui ne tardera pas à exploser, et qu’il faut désamorcer même en dehors d’un accord politique global ».

Tous les indicateurs montrent que le Rav Kahana comme Avigdor Lieberman, mais ils ne sont pas les seuls, ont pointé du doigt un problème vital que beaucoup de politiciens refusent d’aborder, par politique de l’autruche, ou par peur justement d’être classés dans la catégorie de « racistes » ou « xénophobes ».

Une observation de ce qui se passe dans la société arabe israélienne depuis un certain nombre d’années montre de manière très claire que les Arabes israéliens ont de moins en moins de complexes à s’identifier avec les Palestiniens - ce qu’après tout, ils sont. Et c’est leur droit. Les associations qui les représentent, tout comme leurs élus et à leur tête le ministre arabe Rhaleb Majadleh, ne ratent jamais l’occasion d’appeler de leurs vœux la transformation de l’Etat d’Israël en « Etat de tous ses citoyens », la modification de l’hymne et du drapeau nationaux, autrement dit, la fin de l’Etat juif. Et ceci, à l’orée du 60e anniversaire de la création de l’Etat, qu’ils annoncent d’ailleurs vouloir boycotter.

Ne pas se poser les bonnes questions, ou ne pas percevoir les vrais problèmes, peut coûter très cher à terme à la population juive d’Israël.

Dans Malaise de la Civilisation, (1929) Sigmund Freud, qui pressentait la catastrophe à venir, évoquait la « difficulté de la Civilisation à reconnaître l’agressivité constitutionnelle de l’être humain contre autrui » « Il est vrai » indiquait le père de la psychanalyse, « que ceux qui préfèrent les contes de fées, font la sourde oreille quand on leur parle de la tendance native de l’Homme à la méchanceté ».

Face à la question des Arabes israéliens, mais aussi à la problématique du conflit israélo-arabe, la démocratie israélienne qui se veut « éthique » et « éclairée », est en fait fondamentalement immorale envers elle-même, au sens que lui donne Freud : « L’immoralisme fondamental réside dans le fait de vivre dans la bénignité des choses, dans la complaisance de la naïveté, dans l’entêtement à l’illusion, dans l’ignorance volontaire de l’inexpugnable tentation du Mal »

Les déclarations publiques des élus Arabes israéliens, sont les fameux « avertisseurs d’incendie » dont parlait Walter Benjamin.

Mais lorsque le feu sera arrivé à nos portes, il sera peut-être trop tard.



Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 4.5.87
Hébergeur : OVH