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Les Palestiniens du Liban : une bombe à retardement
Par Jacey Herman | Jerusalem Post édition française
Article mis en ligne le 4 juillet 2007

Un correspondant du Jerusalem Post rencontre un panel de Palestiniens mécontents dans un camp de réfugiés libanais. Leur dénominateur commun : l’opposition à Israël.
Ein el-Hilweh est sale, surpeuplé et terriblement ennuyeux. L’atmosphère est pesante. Comme si les hommes armés postés à chaque coin de rue n’attendaient qu’un prétexte pour de nouveaux combats.

Les anciens sont assis devant leurs échoppes, fumant ou sirotant du café noir. Les effluves de tabac et de Nescafé emplissent l’air. Au-dessus de leurs têtes, un labyrinthe de câbles électriques obstrue le ciel et la lumière du jour.

Chaque quartier du camp porte le nom du village d’origine de ses habitants. Si vous arrêtez un jeune dans la rue pour lui demander d’où il vient, il vous donnera le nom du quartier de ses parents ou grands-parents.

Le camp est désespérément pauvre. Mahmoud a 19 ans. Il n’a jamais quitté le sud du Liban, n’a jamais été plus loin que Beyrouth. Je lui demande d’où il vient, et sans hésiter, il me répond : « Haïfa ». Il est assis avec ses amis sous le poster d’un leader mort. Comme la majorité des jeunes, il est sans emploi. Il a arrêté l’école à 15 ans.

« Je me lève le matin, trouve quelque chose à manger, puis passe la journée avec mes amis. Je n’aime pas tellement sortir du camp parce qu’ici, je me sens bien », dit-il. Mais il admet s’ennuyer. « Ici, je connais tout le monde. Je les connais depuis que je suis né. »

Mahmoud me montre sa maison. Il vit avec sa mère et ses trois jeunes soeurs dans un appartement de 4 pièces, au bout d’une des nombreuses allées du camp. La télévision marche en permanence, alternant entre les programmes d’Al-Jazeera ou les feuilletons que ses jeunes soeurs aiment regarder.

« C’est comme un jeu de patience. On attend », note Ibrahim, 79 ans, le grand-père de Mahmoud. Il tient un petit magasin et est originaire d’un village des environs de Saint-Jean-d’Acre. Il est assis devant le commerce familial de téléphones portables, épluchant une orange, tout en plissant les yeux sous les dards du soleil de midi. Une foule nous entoure rapidement pour écouter la conversation.

« J’ai toujours la clé de notre maison », déclare-t-il, tout en affirmant que les jours d’Israël sont comptés. « Les grands gouvernements de ce monde disent que nous, les vieux Palestiniens, allons mourir et que tout sera fini. Que les gens oublieront nos souffrances et les injustices subies. Ils disent que nos enfants oublieront la libération de la Palestine. Mais aujourd’hui, ce sont nos enfants qui combattent l’occupant. Ce sont eux qui nous libéreront. »

Dans le camp, personne ne parle « d’Israël », mais « d’occupant ». Comme si à refuser de le nommer, le pays cessait d’exister. « J’attends depuis près de 60 ans, alors que sont 60 de plus ? », ajoute Ibrahim en haussant les épaules.

Mais d’autres au camp se montrent moins optimistes, même s’ils affichent la même fermeté dans leurs condamnations d’Israël.
« Ma famille est au Canada », raconte Wafa, une universitaire de 24 ans. "Mon mari et moi essayons de rejoindre les Etats-Unis.

Cela fend le coeur de mon grand-père de voir que nous délaissons son rêve de retourner en Palestine, comme il dit. Mais nous devons être réalistes. Cela n’est pas prêt d’arriver, et je veux donner à mes enfants un avenir meilleur que celui qu’ils auront si nous restons ici."

J’ai rencontré Wafa et ses amis palestiniens dans un café branché des faubourgs de Beyrouth. Ils font partie de ceux qui ont réussi : la jeunesse palestinienne inscrite à l’université.

Autour de nous, des néons fluorescents clignotent pour signaler cafés à la mode, boutiques de créateurs ou autres salons chic. Les rues encombrées du quartier Hamra ne désemplissent pas. On entend de la musique arabe émaner des postes stéréos des voitures dernier modèle. Il est difficile d’imaginer que nous ne sommes qu’à 10 minutes d’un camp de réfugiés, celui de Chatila, tristement rendu célèbre par le massacre, en 1982, de quelque 3 000 Palestiniens, assassinés par des phalangistes chrétiens.

Wafa et ses amis ont pris sur leur temps d’étude pour tenter de venir en aide aux 30 000 réfugiés en fuite aux combats du camp de Nahr el-Bared, qui résident actuellement au camp Beddawi des environs. Depuis des semaines, ils coordonnent l’arrivée de nourriture et de matériel médical en provenance de tout le pays et s’assurent qu’ils parviennent bien aux réfugiés.

Sur la large table située devant eux, des cartes du Liban sont dépliées, aux côtés du décompte des fournitures reçues, des chiffres et des calculs savants, le tout entre des verres de Coca-Cola et des hamburgers à moitié consommés.

« Vous voyez comment c’est pour nous », s’exclame Mounir, 19 ans, « parce que je suis Palestinien, je ne peux rien acheter en dehors du camp. Oui, je peux louer un appartement en ville, mais c’est trop cher pour moi et le gouvernement le sait bien. Mais de cette façon, il est sûr que nous ne pouvons nous affranchir de notre statut de réfugiés et que nous vivons bien comme tel. Je ne peux pas les blâmer à proprement parler. Nous ne relevons pas de leur responsabilité. Israël est responsable de tout. »

Les réfugiés palestiniens du Liban - estimés à un demi-million de personnes - se considèrent comme les plus mal lotis de tous les réfugiés palestiniens. La loi leur interdit d’exercer 75 professions, dont le droit et la médecine et ils ne peuvent pas non plus intégrer la fonction publique. « Nous ne pouvons pas travailler, nous ne pouvons pas gagner d’argent », note Moustafa, 22 ans.

« Les conditions sont meilleures en Jordanie, car les Palestiniens sont considérés comme des citoyens à part entière et ils disposent d’un passeport jordanien. C’est mieux aussi en Syrie. Là-bas, les Palestiniens peuvent travailler pour le gouvernement et dans beaucoup d’autres endroits. Le monde entier doit se sentir responsable et tenter de trouver une solution pour nous. Je suis confiant et je sais que cela ne devrait pas tarder à se produire. »

A trois rues de là où nous sommes assis, une bombe a explosé, deux semaines plus tôt, tuant sur le coup un parlementaire antisyrien, Walid Eido. Son assassinat faisait suite à la mort, en novembre dernier, du ministre de l’Industrie Pierre Gemayel, lui aussi notoire opposant à la Syrie.

Le gouvernement a fixé au 5 août prochain la tenue d’élections partielles pour remplacer les députés manquants, mais beaucoup de Beyrouthins sont inquiets de ce qui pourrait se passer dans l’intervalle, en particulier à l’approche de l’anniversaire du début des hostilités de l’an dernier entre Israël et le Hezbollah.

« Nous avons de bonnes relations avec le Hezbollah » , précise Wafa. « Tous les Palestiniens respectent le leader Hassan Nasrallah car c’est un homme sérieux et important. Il a réussi à s’opposer à Israël et à vaincre son armée. Aucun autre leader dans le monde n’aurait pu faire ce qu’il a fait l’an dernier. Nous l’aimions déjà avant la guerre avec Israël, mais maintenant, nous le vénérons encore davantage. »

« Ici, personne ne pense que le Hezbollah souhaite une autre guerre avec Israël », poursuit-elle, « mais si Israël continue ses agressions à l’encontre du Liban, c’est ce qui risque d’arriver et nous soutiendrons Nasrallah contre l’agression de l’armée israélienne. »

On peut comprendre l’engouement de ces jeunes à l’égard de Nasrallah. Récemment, le leader du Hezbollah a demandé aux troupes libanaises de ne pas pénétrer dans les camps palestiniens et de ne pas s’opposer aux hommes armés du Fatah al-Islam et à leurs alliés. Lors d’une allocution télévisée pour célébrer le septième anniversaire du retrait israélien du Sud Liban, il a même interdit aux Libanais de franchir la ligne rouge et de toucher aux Palestiniens.

Au sein du groupe d’amis, Mounir est le seul qui ne soit pas un adepte du Hezbollah. « Ils sont chiites et nous sommes sunnites, c’est un problème historique », résume-t-il.



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