L’interrogation est récurrente et les réponses apportées toujours décevantes : comment expliquer la persistance des passions antijuives ? Comment expliquer aussi l’intensité et l’ambivalence des sentiments à l’égard des Juifs ? Allons à l’essentiel, en sachant que le problème vient de très loin. Dans les cultures à dominante monothéiste, les Juifs incarnent la religion-mère, qui persiste et résiste incompréhensiblement aux révélations ultérieures, chrétienne et musulmane, ainsi qu’à la sécularisation et à la banalisation de l’athéisme ou de l’agnosticisme. À ce titre, ils forment un peuple-témoin ou un peuple-vestige, gardien d’une tradition, ou encore, pour parler comme Hannah Arendt, un peuple-paria et un peuple de « parvenus » (les Juifs émancipés ou assimilés), pleinement intégrés dans le monde moderne, mais soupçonnés de ne pas l’être vraiment par les milieux antijuifs.
Réflexions sur la persistance des passions antijuives, par Pierre-André Taguieff
Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France
Article mis en ligne le 23 septembre 2020