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L’impasse de la démocratie post-moderne
Shmuel Trigano
Article mis en ligne le 19 février 2017

La démocratie est à la fois un régime et une utopie. Si cette dernière n’est jamais pleinement réalisée et est donc par nature effervescente, le premier a, quant à lui, une forme définitive. C’est cette double dimension qui donne à la démocratie une instabilité qui rend sa crise quasiment permanente. L’utopie veut toujours « plus », dans le sens des privilèges de l’individualisme, alors que le régime ne survit pas à un écart à sa norme.
Deux dispositifs le gouvernent : l’un concerne le pouvoir, l’autre, la communauté politique. Le principe du pouvoir, c’est qu’il soit divisé pour contrer sa tendance naturelle à la domination.

Ainsi, en suivant Montesquieu, la séparation des instances parlementaire, judiciaire et exécutive, vise-t-elle à éviter que l’un de ces pouvoirs empiète sur l’autre. Le parlement édicte la loi, l’exécutif l’applique, le judiciaire veille à sa mise en œuvre, chaque fonction étant exclusivement attachée à un pouvoir.

Pour ce qui concerne la communauté, le pouvoir est son expression. Elle est le siège de la souveraineté à travers ses citoyens et élit le parlement qui fait ou défait les lois. N’est pas citoyen qui veut : l’accès à la citoyenneté est délivré par l’acquisition de la nationalité, privilège du corps des citoyens, adhérents à une constitution et héritiers d’une histoire commune (d’une identité nationale). Ainsi, les sujets de ce régime ont-ils des droits de citoyens.

Ces droits sont articulés aux droits de l’homme, ce qui veut dire qu’ils ne se séparent pas sur le plan des droits fondamentaux, transnationaux, d’autres « citoyens », de citoyens d’autres Etats, car il n’y a pas d’hommes sans cadre politique : tout homme est forcément le citoyen ou le sujet d’un autre Etat, sans quoi il relèverait de la sauvagerie.

La question de savoir si le droit de l’homme fonde celui du citoyen ou l’inverse se pose. Les Juifs, durant la tourmente nazie, dépourvus d’Etat, perdirent leurs droits de l’homme lorsqu’ils perdirent leur droits de citoyens. Pour qu’il y ait des droits de l’homme, il faut un Etat entretenant un tribunal pour les faire respecter. Ils dépendent donc du droit des citoyens.

Et donc de l’existence d’une nation, à la fois constitutionnelle et identitaire, c’est à dire d’une socialité qui a entretenu durant des siècles une communalité, des mœurs et des valeurs. Il n’y a pas de droits de l’homme sur un plan mondial, ni sur un plan uniquement juridique car il n’y a pas et ne peut y avoir d’Etat mondial ni de mœurs planétaires. C’est une utopie totalitaire. L’humanité est composée de peuples, de langues et de cultures. C’est le principe de son organisation politique.

Tels sont les fondements nécessaires pour comprendre la crise qui se produit aujourd’hui et dont la clarté s’est troublée du fait de l’incompétence ambiante des acteurs politiques et médiatiques et de l’impact de l’idéologie du postmodernisme.

Deux problèmes se posent. le déséquilibre des pouvoirs est patent : aujourd’hui le pouvoir judiciaire tente de contester le pouvoir parlementaire et donc de brider l’exécutif. La justice dans ses diverses instances a l’ambition de dire le droit, alors qu’elle ne peut que l’appliquer.

En démocratie en effet la loi est fabriquée par le parlement. Elle ne tombe ni du ciel ni d’une sagesse infuse. Le parlement peut annuler une loi qu’il a édictée. Il s’est produit dans toutes les démocraties un coup d’Etat silencieux , celui des Juges. Pour ce faire, le pouvoir judiciaire s’est aidé du quatrième pouvoir, resté, lui, impensé : le pouvoir médiatique que l’on pourrait définir comme le pouvoir tribunicien, pouvoir de formuler et diriger le débat public qui ne se déroule plus au parlement mais par l’entremise d’instances qui ne sont ni élues, ni contrôlées mais l’émanation de puissances financières ou idéologiques.

La deuxième plaie concerne la dissociation dans l’esprit et la pratique contemporains des droits du citoyen et des droits de l’homme : on fait dépendre les droits du citoyen de ceux de l’homme, tout en sapant l’autorité de l’Etat au nom d’une utopique « communauté internationale » ou d’un « droit international », qui ne peut exister qu’entres « nations », « Etats nations ».

Vous avez là les clefs de compréhension de la très profonde crise de la démocratie israélienne, sans doute la plus grave des régimes démocratiques, avec le coup d’Etat permanent de la Cour suprême et l’activisme des médias de concert avec les instances judiciaires. Les droits de l’homme l’emportent sur les droits du citoyen, avec le droit de saisine universelle de la Cour suprême. L’Etat a vu sa souveraineté s’affaiblir, ce qui est d’autant plus grave qu’il est sous une menace d’annihilation (l’Iran).


  • Chronique dans Actualité juive, 17 février 2017


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