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La Poursuite infernale
Par Salomon Pardess © Metula News Agency
Article mis en ligne le 18 novembre 2003

Au lendemain des attentats contre les synagogues d’Istanbul (Turquie) et contre un lycée juif de Gagny (France), le monde ressemble, mutatis mutandis, de plus en plus au scénario du film La Poursuite Infernale de John Ford.

En 1947, Les Etats-Unis, l’URSS, la Chine, la France et l’Angleterre conduisent bon gré mal gré les réfugiés juifs d’Europe en Palestine, où l’ONU leur donne un Etat qui deviendra l’Etat d’Israël (1948). Puis, pendant que les Etats-Unis gardent l’Etat d’Israël, leurs alliés s’en détournent plus ou moins, peu à peu. Quelque temps plus tard, lorsque ceux-ci regardent le chemin parcouru, ils se rendent compte que les Etats-Unis ont vacillé sous les coups d’Al Qaïda et que l’Etat d’Israël et les Juifs du monde commencent à être violentés. Nous en sommes au point de ce scénario où nous nous demandons si l’un de ces frères est ou non en train de se balancer sur sa chaise, en réfléchissant à comment rejoindre les Etats-Unis pour préparer le futur O.K.Corral, où, lui aussi, règlera son compte à Al Qaïda.

En fait, un élément vient troubler le parallèle que j’établis entre le scénario du film de Ford et celui du monde d’aujourd’hui : la guerre israélo-palestinienne. La Russie, la Chine et l’Union Européenne ne se considèrent pas comme des « faux frères » des Etats-Unis. Elles reprochent seulement aux Etats-Unis de garder Israël au prix de la destruction de l’Etat arabe de 1947, puis de l’Etat palestinien.

Ce reproche converge avec la position des « Altermondialistes », dont la plupart des courants extrémistes de gauche considèrent que jamais l’ONU n’aurait dû reconnaître l’Etat d’Israël comme elle l’a fait. Là serait le « cancer » du monde, selon Edgar Morin.

Au fond, les « Altermondialistes » disent tout haut ce que la Russie, la Chine et l’Union Européenne pensent tout bas : si Israël n’avait pas été créé (« Altermondialistes ») ou pas comme ça (Russie, Chine, Europe), on n’en serait pas là.

Sur cette base, la suite du scénario est évidente : il n’y aura jamais de lutte concertée et décisive entre la bande des quatre contre Al Qaïda, tant que la « parenthèse » ou le « cancer » que représenterait la création de l’Etat d’Israël (comme elle a eu lieu) ne seront pas traités.

La lutte palestinienne apparaît alors aux yeux du monde (à part les Etats-Unis, Israël, l’Italie, la Turquie, le Japon et quelques autres pays) comme le symptôme nécessaire et obligé d’une impasse, existant non seulement au niveau de la « thérapeutique politique », mais de la « recherche politique », du fait des Etats-Unis et d’Israël. Il faudrait d’abord régler la question de l’Etat des Palestiniens, au mieux dans une perspective d’Etat binational israélo-palestinien, au pire dans celle d’un Etat palestinien existant à côté de l’Etat d’Israël, pour avoir une chance de combattre efficacement Al Qaïda. Car Al Qaïda n’aurait alors plus d’alibi. La bande des quatre aurait les coudées franches pour mener sa guerre contre Al Qaïda, dans l’union mondiale et altermondiale retrouvée.

Ce scénario signifie simplement que, dans la dialectique interactive qui s’installe entre les trois « faux frères » et les « Altermondialistes », on accepte actuellement un comportement dissymétrique : ne pas lâcher tous les coups contre le dominant (Al Qaïda) sous le prétexte du soutien au dominé (le peuple palestinien). Dissymétrique, parce que la domination d’Al Qaïda sur la cause du peuple dominé (les Palestiniens), n’entre pas dans le champ de vision. Du moment que les Palestiniens ont une cause légitime, si Al Qaïda en profite, cela ne compte pas. Seul le Hamas est actuellement en mesure de dénoncer - oui, vous avez bien lu - la domination rampante d’Al Qaïda sur la cause du peuple palestinien dominé. Le Hamas, mais pas les trois faux frères, et encore moins les « Altermondialistes ».

De fait, pour les « Altermondialistes », Al Qaïda, comme l’anti-judaïsme, est un détail de l’histoire du monde. Cela veut dire que Al Qaïda et l’anti-judaïsme n’entrent pas dans leurs raisonnements. Les y faire entrer serait en changer. Certes, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, mais, pour eux, il ne s’agit pas d’intelligence, il s’agit de représentation du monde. Le monde ne serait plus le monde, s’ils devaient en venir à intégrer Al Qaïda et l’anti-judaïsme dans leur univers intellectuel.

Pourtant Al Qaïda est l’image d’un nouvel empire en développement, mais ceux pour qui cette organisation est hétérogène au modèle connu de ce qu’est un empire préfèrent l’ignorer. Ni les « Altermondialistes » ni les « trois frères », d’ailleurs, ne sont aujourd’hui capables de dire publiquement quoi que ce soit d’informatif et de décisif sur Al Qaïda, parce que, pour eux, un Empire est une réalité géographique avant que d’être spirituelle, infrastructurelle avant que d’être superstructurelle.

A leurs yeux, peu importe qu’Al Qaïda soit un empire par la puissance des destructions qu’elle provoque. Ils ne veulent pas réaliser qu’Al Qaïda peut frapper quand elle veut, où elle veut et surtout qu’elle frappe des alliés des Etats-Unis et d’Israël tant dans leur souveraineté nationale que dans l’exercice de leur citoyenneté.

Car Al Qaïda pousse les peuples démocratiques à changer leur propre regard sur l’égalité citoyenne. C’est vers un apartheid civil d’abord dans la tête puis dans la réalité que cette organisation oriente les peuples du monde. En frappant les lieux de culte juifs, et en provoquant autant de meurtres à l’extérieur de ces lieux qu’à l’intérieur, elle poursuit un double but :

  • Convaincre les peuples du monde que les Juifs qui vivent à l’extérieur d’Israël sont une cinquième colonne israélienne,
  • Transformer les citoyens juifs en population dangereuse aux yeux des peuples démocratiques

    Bref, ce que l’extrême droite fasciste et antisémite ne parvenait plus à faire, Al Qaïda contribue à le réaliser.

  • ****
    Ainsi en France. Tel Président de la République qui a été élu, parce que son challenger (et toute la gauche) avait fait l’impasse sur le retour du fantôme du père (vichyste), et contre cette extrême droite, tel Président qui a cru l’avoir marginalisée, en étant élu avec plus de 80% des voix et en dissolvant un groupuscule (Unité Radicale), d’où était sorti un terroriste qui voulait l’assassiner, se rend compte depuis un an (agressions contre des Juifs et attentats contre des écoles juives à l’appui, la dernière en date étant celle de Gagny, en attendant que la clarté soit faite sur l’explosion de Toulouse (2001) et sur la chute récente de la passerelle pour accéder au Queen Mary II) que les visées d’Al Qaïda sont peut-être relayées par des citoyens français et que le pays est en voie de déstabilisation.

    Bref, ce Président commence peut-être à réaliser que la politique palestinienne d’Israël a bon dos.

    Et tandis que le Front National se frotte les mains, tandis qu’il voit venir à lui des gens pris dans la tourmente économique et psychologique actuelle et en train de rejoindre les illusions populistes, parce que la démocratie est incapable de prendre en compte leurs intérêts immédiats et à venir, ce Président comprend soudain que, s’agissant de l’antisémitisme, il a joué avec le feu. Il croyait tout savoir sur la lutte contre l’antisémitisme, il croyait notamment pouvoir critiquer l’Etat d’Israël jusqu’à le délégitimer, tout en tenant bon face aux antisémites de France, et voilà que, tel l’apprenti sorcier, il ne sait plus comment endiguer la vague à laquelle il a ouvert les vannes, avec cette insoupçonnable légèreté, d’une poignée de mains tendue à Yasser Arafat et refusée à Ehud Barak, sur le perron de l’Elysée, et sur laquelle vogue le petit peuple populiste.

    Il ne sait plus, ce Président, comment endiguer cette vague qui ébranle en profondeur la classe politique, d’autant que dès qu’un parti démocratique, comme le Parti Socialiste, tente d’ouvrir les yeux, des « Altermondialistes » l’insultent, voir l’agressent physiquement, ainsi que ce fut le cas lors de la manifestation du 15 novembre à Paris, ou que dès qu’une tentative ouverte de séduction des « Altermondialistes » par un islamologue est soumise à la critique, l’extrême gauche trotskyste dénonce une tentative de délégitimer le Forum Social Européen.

    Bref, ce Président, qui a laissé se créer les tornades qui entourent l’île qu’il tente désespérément de transformer en continent, ne sait plus faire face. Sans parler des quotidiens nationaux, comme Le Monde, qui s’affolent, après avoir laissé libre cours aux dépassements des bornes de la folie antisioniste.

    Il est vrai qu’une rude tâche se présente devant lui qu’il ne saurait réduire à des mesures, au demeurant nécessaires, accentuant la répression de l’antisémitisme. A peine le Quai d’Orsay a-t-il, en effet, commencé à rééquilibrer sa politique vis-à-vis d’Israël, que ce Président doit faire face à l’influence antisémite de la question palestinienne en France, et notamment dans l’éducation.

    Et peu à peu, il découvre, ce Président, que l’anti-judaïsme est porté non seulement par un dominant (Al Qaïda) non reconnu comme tel, mais un dominé (le peuple palestinien), ou du moins ceux qui parlent en son nom.

    C’est pourquoi, un long chemin se présente devant lui : comprendre que, si le peuple palestinien a certes droit à un Etat, c’est autant aux défaites politiques et militaires que les Israéliens lui ont fait subir, qu’à la situation de « déchet de l’histoire » où ses dirigeants le maintiennent depuis 1947, qu’il doit le fait d’en être privé.

    A chaque étape décisive du conflit, comme en ce moment, les commentateurs n’ont d’ailleurs de cesse de souligner que le Président de l’Autorité Palestinienne reconnaît à l’Etat d’Israël le droit de vivre dans des frontières sûres et reconnues, ce qui signifie clairement que ni l’OLP ni le Conseil National Palestinien ne l’avaient fait auparavant.

    Il est pourtant aisé de faire le lien entre cette non reconnaissance d’Israël par le Conseil National Palestinien et la situation de « déchet historique » dans laquelle les dirigeants palestiniens acculent leur peuple. Certes, c’est aisé, mais cela demande quand même un changement d’état d’esprit. Le président (et son entourage) sera-t-il capable de l’opérer ?

    En l’attente, tant que ce changement n’a pas lieu, les dirigeants du peuple palestinien (Hamas, FPLP etc.) peuvent bien commettre des crimes tolérés et parfois encouragés par l’Autorité Palestinienne, comme les attentats-suicides, tuant des Juifs (d’Israël) parce qu’ils sont juifs, ils peuvent bien pousser les peuples du monde à changer leur propre regard sur le crime contre l’humanité, à peine ce crime a-t-il reçu une définition un tant soit peu rigoureuse sur le plan juridique ! Peu importe pensent ceux qui se gourmandent de l’éducation de rue pro palestinienne et anti-juive, qui décrit la guerre israélo-palestinienne comme une guerre des Juifs contre les Palestiniens (pédagogie noire dominant jusqu’au comité de rédaction de la chaîne nationale télévisuelle France 2, où règnent en maîtres les Alain de Chalvron et autres Olivier Mazerolles).

    Il en sera ainsi tant qu’il sera de bon ton, en France, de dire que, lorsqu’ils critiquent les Juifs et pas les Israéliens, les Palestiniens ne sont pas antisémites, « seulement » anti-Israéliens, comme les Irlandais haïssaient les Protestants parce qu’ils étaient anglais ou les Anglais les Catholiques, parce qu’ils étaient irlandais.

    Ce sont, en effet, les mêmes qui se prétendent laïcs, qui disent se situer hors de l’ethnicisation ou de la théologisation des conflits et qui reprennent, pourtant, les discours de haine ethnique ou religieuse à leur compte, lorsqu’ils les décrivent.

    Peu importe donc aux yeux des laïcs et autres démocrates également que l’anti-judaïsme des Palestiniens soit porteur de « méga-meurtres », qui se déchaînent maintenant dans maints pays, (pour reprendre une autre expression de Morin que celui-ci a oublié d’appliquer aux attentats-suicides), du moment qu’il est porté par un peuple qui doit être tenu pour le dernier « sel de la terre ».

    Il est donc plus que temps d’appeler un chat un chat et de mettre un terme à cette poursuite infernale. Et que les trois « faux frères » redeviennent les gardiens d’Israël au même titre que les Etats-Unis, tout en étant les protecteurs du futur Etat palestinien.

    Pour ce faire, le peuple israélien ne saurait se défausser de ses responsabilités. C’est bien de se montrer coupé en deux, une partie voulant d’abord la sécurité, ensuite la paix, l’autre d’abord la paix, ensuite la sécurité. Cela donne le sentiment que le peuple israélien est démocratique et couvre tout le champ de la question de son existence, mais le prix à payer est que plus personne ne comprend que ce veut vraiment l’Etat d’Israël, c’est la sécurité et la paix, la paix et la sécurité en même temps. D’autant que, pour l’heure, il n’y a ni l’une ni l’autre.

    N’est-il donc pas temps, pour le peuple israélien, de dissiper ce halo ? Qui mieux que lui est en position de le faire ? N’est-ce pas d’ailleurs son devoir, non seulement vis-à-vis des Israéliens (toutes origines confondues), mais des Juifs du monde entier et de tous les citoyens du monde ? Le conflit n’opposant pas une injustice à une justice, mais deux justices entre elles, comme l’écrivait le fondateur de Neve Chalom, l’avenir d’Israël ne se situe-t-il pas dans une offre politique méta-citoyenne ? Quels sont les sacrifices qu’Israël dit être prêt à faire pour obtenir la paix et la sécurité et qu’il ne fait pas ? Pourquoi ne les fait-il pas ? Nous en reparlerons dans un prochain article.


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