Il faut bien l’admettre : il n’y a pas de limites à la sollicitude du monde à l’égard de l’Etat d’Israël. Il ne se passe pas de mois, de semaine même sans qu’une organisation internationale, un pays, un parti – et bien entendu quelque organe de presse – ne nous dispense conseils ou admonestations. Il faut croire que l’on nous aime énormément. Le vieil adage ne dit-il pas « Qui aime bien châtie bien, » reprenant la sagesse biblique : « Qui épargne la baguette hait son fils, qui l’aime prodigue la correction. » - Proverbes 13 :24.
Il faut d’ailleurs saluer la constance de l’Organisation des Nations Unies qui n’a jamais failli à ce devoir sacré. Car cet amour qu’elle nous porte s’accompagne en secret d’une reconnaissance des hautes et remarquables vertus de l’Etat hébreu. D’autres pays, moins développés ou moins démocratiques, sont traités avec une bien plus grande indulgence. Ce n’est pas leur faute s’ils massacrent, torturent et violent ; ce sont des peuples primitifs et il faut leur laisser le temps d’évoluer. D’ailleurs souvent ce qui parait à première vue une monstruosité n’en est qu’une aux yeux de l’occident ; il s’agit en fait du respect de traditions séculaires sinon millénaires.
Et si quelque grand pays comme les Etats-Unis s’en vient à malencontreusement bombarder un hôpital de Médecins sans Frontières très loin de leurs propres frontières, il ne s’agit que d’une bavure bien compréhensible et qu’il faut voir dans le cadre de la noble mission entreprise pour sauver le monde de la barbarie. Rien à voir avec Israël ciblant un emplacement de tirs de missiles et touchant malencontreusement un hôpital que le hasard a situé justement tout près de cet emplacement. Il s’agit là d’une violation inadmissible de tout ce que l’humanité a de sacré.
Certes le Hamas visait quotidiennement des dizaines de cibles civiles et obligeaient les Israéliens à se précipiter vers l’abri le plus proche, mais leurs missiles étaient le plus souvent abattus avant d’atteindre leur but. Il s’était même trouvé un homme de bonne volonté au sein de la commission des droits de l’homme de l’ONU pour regretter qu’Israël ne fasse pas profiter le Hamas de ses techniques de pointe pour permettre à l’organisation de « protéger les populations civiles. »
L’ONU, l’Union Européenne, les Etats-Unis, sans parler de ce champion des droits de l’homme qu’est l’Arabie saoudite ne ménagent pas leurs efforts pour encourager Israël à faire la paix avec une Autorité palestinienne pourtant extraordinairement rétive.
Malgré les nombreux problèmes que connaît les France ces temps-ci, François Hollande n’a pas hésité à organiser, toutes affaires cessantes, une conférence sur le conflit. Israël n’y était pas convié car incapable de comprendre ce qui est bon pour lui, ce qui ne l’a pas empêché de se montrer d’une grande ingratitude envers les pays qui avaient si généreusement donné de leur temps et de leur présence pour l’occasion. Et comment ne pas évoquer à ce sujet cet illustre ministre des finances de Louis XVI, qu’une caricature populaire a si bien croqué :
« Mes chers compatriotes, dit le ministre, comment voulez-vous être mangés ? – Mais nous ne voulons pas être mangés ! lui répond-t-on. - Vous sortez de la question ! réplique le ministre. »
L’attentat de Tel Aviv a failli introduire un grain de sable dans cette mécanique si bien huilée. Pris de cours, ou peut-être encore sous le choc des images des attentats de novembre 2015 à Paris, les donneurs de leçons ont tout d’abord condamné. Ils se sont ressaisis rapidement. Les uns pour expliquer qu’au fond il fallait s’y attendre puisqu’Israël reste sourd aux conseils si généreusement prodigués ; les autres s’indignant des mesures « excessives » prises par l’Etat hébreu pour protéger ses populations. Comme si les uns et les autres reprenaient à leur compte un autre proverbe : « Cet animal est très méchant, quand on l’attaque il se défend. »