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Jérusalem : des repères symboliques et historiques
Richard Rossin | Colloque International Schibboleth
Article mis en ligne le 24 avril 2016
dernière modification le 25 avril 2016

Nous suivrons une chronologie sélectionnée pour vous, en 17 points choisis pour vous surprendre.

1. Premier point. Le site de Jérusalem n’avait raisonnablement pas d’avenir, la région est isolée, à distance de tout fleuve et de toute route commerciale. Le piton rocheux aride qu’on appelle l’Ophel, au sud du mont Moriah, a pour seuls atouts ses parois abruptes et la source de Gihon à ses pieds. La cité jébuséenne est un point de surveillance face au désert.

Deuxième point : En ces temps lointains les Cananéens sacrifient par le feu leur premier né mâle, au dieu Moloch. Abraham, adorateur d’un Dieu Un et ami du roi de la cité jébuséenne pour lequel il avait combattu, s’approche avec son fils. Tenez-vous ici avec l’âne ; moi et le jeune homme nous irons jusque là-bas, nous nous prosternerons et nous reviendrons vers vous dit-il à ses serviteurs (Genèse 22,5). Au soir couchant, le peuple de Jérusalem est au spectacle : juste au-dessus de lui, sur le mont Moriah, la silhouette d’Abraham lève son couteau, en simulacre d’immolation de son fils lié sur un bucher. Par bonheur, un bélier passe par là, cahin-caha, et c’est lui qui fait, finalement, les frais du sacrifice. Le message est clair : Dieu ne veut pas de sacrifice humain ; c’est une révolution éthique.
Le texte ajoute yiré Adonaï : D. verra. Terme, curieusement, jamais traduit dans les bibles non hébraïques. Il verra la cité de Shalem, Shalem signifie justement celui qui paie sa dette. Si bien qu’à Shalem, ils verront, Yérou, la dette payée avec le bélier.
Quand, beaucoup plus tard, les Grecs entendent Yérochalaïm, ils comprennent Hiéro, la ville en grec et shalom. Ils disent donc ville de la paix ! Premier quiproquo avec l’Occident ; le quiproquo peut paraître mince : celui qui paie sa dette est réputé en paix mais la ville a si souvent été dévastée.

Troisième point : un peu d’histoire : Des envahisseurs, pelechtim, déferlent en Méditerranée orientale , détruisent l’empire hittite et mettent à mal l’Egypte. Sans les Philistins, les puissants empires égyptien et hittite auraient-ils laissé place à un petit royaume juif ? Les colonisations créent parfois de bonnes opportunités. Les Philistins s’installent sur la côte, les hébreux restent dans leurs montagnes de Judée et de Samarie. La petite Jérusalem, accrochée sur son piton, est une sorte de no-man’s land jébuséen entre les territoires de Juda où règne David, et celui de Benjamin, du roi Saül.
David prend Jérusalem par la source de Guihon et, dit-on, sans faire un mort, comme en écho à l’antique mise en scène d’Abraham. Dans un éclair de génie politique unificateur, il en fait sa capitale. Les tribus le sacrent et scellent le destin de la ville.
Quatrième point : de l’histoire au symbole universel. Homme de guerre, David n’est pas autorisé à construire le Temple, maison des Tables de la Loi jusqu’alors nomades. La Maison de Dieu ne doit pas être bâtie avec des pierres taillées par le fer dont on fait les armes, repère éthique encore, et il en achète le site à Aravna, le jébuséen.
La construction du Temple est réalisée par son fils Salomon. L’architecte comble le ravin qui sépare la ville du Mont Moriah. La dédicace du Temple de Salomon est maison de prières pour les Nations ; une idée de l’universalisme comme le sont les 10 paroles du Sinaï qui disent la liberté, le temps et l’altérité ; une révolution pérenne : les déclarations des Droits de l’Homme de 1793 puis de 1948 gardent pour logo celui des tables de la Loi encloses dans l’Arche d’Alliance placée dans le Saint des Saints du Temple.

Cinquième point : l’exil et l’éthique. L’unité du royaume ne survit pas à Salomon. L’appétit des empires est toujours insatiable et les deux petits états hébreux rebelles sont des cibles aisées. Jérusalem est, finalement, ravagée en -587. L’exil donc après l’exode mais, les outils éthiques, contenus dans l’Arche d’Alliance disparue avec Jérusalem, sont ancrés chez les exilés hébreux.
Sur les rives de l’Euphrate, à Tel Aviv, des psaumes sont écrits : si je t’oublie Jérusalem… Le souvenir de l’injonction abrahamique, celui des dix paroles, de la libération conduite par Moïse, du statut de l’esclave et de la dédicace du Temple survivent ; une singularité socio-politique. Babylone ploie sous Cyrus. Le perse achéménide abolit l’esclavage ! Une résonnance avec l’histoire des exilés hébreux qui partent rebâtir le Temple à Jérusalem, sans l’Arche à jamais perdue.

Sixième point : la résistance juive aux impérialismes à Jérusalem. Les Grecs défont les Perses et fondent sur l’Egypte. Ils négligent Jérusalem, sans importance pour eux. A la division de l’empire d’Alexandre, la région est un enjeu entre ses successeurs. La logique d’Antiochos IV, outre la prédation fiscale, est l’unification de son royaume dans un culte à sa propre personne. L’installation symbolique dans le Temple de Jérusalem d’une statue de Zeus à son effigie provoque une révolte des Judéens. Par chance, Rome veille à limiter le pouvoir séleucide. Ainsi, Jérusalem est reprise par les Hébreux en -165. En célébration, leurs descendants allument, tous les ans, les bougies de Hanoukka. Est-ce pour commémorer un miracle d’huile sainte ou les flammes de la liberté ?

Septième point : Rome prend la ville grâce aux Juifs. Rapidement, les Asmonéens qui avaient mené cette révolte se déchirent en conflits de successions arbitrés par Rome, le vrai pouvoir.
Pompée, de passage dans la région, est appelé à juger un conflit dynastique compliqué d’un conflit théologique, la naissance de l’interprétation des textes. Les Juifs sont en pleine folie, une guerre fratricide : les Pharisiens, zélateur de la Loi orale, assiègent, dans le Temple, les Sadducéens, tenant de la Loi écrite, mais leur font parvenir les animaux pour les holocaustes… La Loi est la Loi. Pompée prend la ville, puis le Temple en -63,. C’est l’origine du deuxième quiproquo avec l’Occident : dans le Saint des Saints, point de statue, donc pas de dieu ; on prête à Pompée le propos : les Juifs sont athées !
Huitième point : la fausse autonomie et l’apparition des messies. C’est par la grâce de César qu’Hérode, fils d’Antipater, un Iduméen converti, arrive sur le trône. Paranoïaque sanguinaire, il est aussi un grand bâtisseur. Il sait ce que sont les symboles. Jérusalem s’agrandit, les rues sont pavées, murailles et citadelles élevées et le Temple rebâti. Un travail de romains pour un chantier pharaonique ! Le Mur Occidental n’est qu’un mur de soutènement de l’esplanade. L’oppression romaine fait naître une époque apocalyptique. Des messies se lèvent en nombre, ainsi, la révolte de Juda le galiléen, se termine par des centaines de crucifixions ! Seule la crucifixion ultérieure de Jésus reste dans les mémoires.
Les chrétiens qui se disent Verus Israël, le vrai Israël, sont à Pera, en Syrie, lors de la Grande Révolte ; pacifistes peut-être, surtout ils ne croient pas que Rome puisse être vaincue par les armes. Ils prévoient que de Jérusalem, il ne restera pas pierre sur pierre. Pour eux, la Jérusalem importante est céleste.
Neuvième point : la destruction du 2ème Temple. De fait, la ville est rasée par Titus en 70, du sel est semé puis, Aela Capitolina est bâtie sur son site. Mais, le peuple reste attaché à ses mythes et à sa liberté dont Jérusalem est le symbole, Hadrien doit mater une nouvelle révolte juive. Il ne se contente plus de la géographie, il veut faire disparaitre Israël de l’Histoire et déclare donner le pays aux Philistins disparus depuis mille ans... Acte d’apparition du mot Palestine.
Dixième point : la victoire du christianisme. Au IVème siècle avec Constantin, Rome est religieusement vaincue par le christianisme se présentant en héritier du judaïsme dont il est l’ennemi irréductible. Les ruines du Temple deviennent un dépotoir, le Saint Sépulcre s’érige sur l’ancien temple à Vénus où la Vraie Croix aurait été découverte… Jérusalem devient chrétienne ; des églises s’élèvent partout, symboles du nouveau pouvoir. L’empereur décide de la date de l’Exode, son trajet et le lieu du mont Sinaï : la seule vérité est christo-impériale.

Onzième point  : l’arrivée de l’islam. Byzance et la Perse s’épuisent dans leurs guerres. Levée au fond des sables d’Arabie où Juifs et chrétiens sont massacrés et pourchassés au nom d’une Foi nouvelle, l’Islam, une vague destructrice déferle sur eux.
On raconte bien des histoires à la gloire d’Omar sur son arrivée à Jérusalem en 638, mais c’est la dhimmitude qu’il impose. Une seule ville est créée dans la région : Ramleh. Jérusalem est secondaire et dépend de Damas prise trois ans plus tôt.
Douzième point : l’invention du troisième lieu saint de l’islam. Sous Abd el Malik, Jérusalem dont les églises n’en font pas une ville musulmane, devient enjeu de luttes internes arabes. Un anti calife, ibn Zubayr, contrôle La Mecque et Médine. Malik fait construire le Dôme du Rocher (691-92). Il s’agit d’attirer les pèlerins du Hadj en utilisant le rêve de Mahomet du 1er verset de la sourate 17, Isra, le voyage nocturne dont les détails sont tellement similaires au rêve ancien d’Arda Viraf, prêtre zoroastrien . Le rêve évoque une Mosquée lointaine (al-Aqsa) ; le lieu n’est pas autrement précisé que lointain. Malik a inventé le troisième lieu saint de l’Islam et une localisation au rêve de Mahomet.
L’inscription sur le bâtiment comporte un message clair aux gens du livre : Croyez ainsi en Dieu et en ses messagers et ne parlez pas de trinité ; abstenez-vous de parler de cela, cela vaut mieux pour vous.
Néanmoins, le voyageur arabe Muaddasi (985) se plaint qu’à Jérusalem la grande majorité de la population est juive… et que la mosquée est vide des adorateurs.

Treizième point les croisades : Les Turc Seldjoukides prennent le pouvoir et interdisent les pèlerinages chrétiens : le pape appelle à la Croisade. Les musulmans n’envoient pas d’armée défendre Jérusalem. Une procession de croisés vêtus de blanc fait, au son des trompettes, sept fois le tour de la ville ; symbole mais, Jérusalem n’est pas Jéricho. Finalement, le 15 juillet 1099, les adorateurs de la Jérusalem céleste s’emparent, dans un carnage invraisemblable, de la Jérusalem terrestre. Dôme d’or et mosquées deviennent Palais et églises. Les cloches sonnent comme avant l’arrivée des musulmans, plus de muezzin. Hospices et hôpitaux s’érigent. Mais, ce n’est qu’un intermède, les croisés sont rapidement chassés par Saladin. Les Juifs reviennent. Saladin appelle aussi des communautés juives de France et d’Angleterre.

Un exemple unique de paix à Jérusalem : al-Kamil, fils de Saladin, en échange de son aide dans une guerre fratricide (l’Orient est plus instable et avide que compliqué), offre en 1229 à Frédéric II, lui-même en difficulté avec le Pape, la couronne de Jérusalem pour 10 ans. L’empereur, lui, n’y est resté que 3 jours .

Quatorzième point : les Ottomans. Puis, le chaos s’installe, même les Mongols pillent Jérusalem et les Mamelouk viennent. En fait, la cité périclite jusqu’à l’arrivée des Ottomans ; Sélim 1er y entre le 30 décembre 1516.
Soliman, son fils, érige, notamment, ces murailles que l’on voit aujourd’hui. Elles excluent le Mont Sion et la cité antique de David, mais deviennent symboles de la ville autant que le Dôme qui avait depuis longtemps perdu son or et que Soliman restaure.
A cette époque Rabbi Malkiel Ashkenazi inaugure la synagogue Abraham Avinou à Hébron sur la grotte des Patriarches .
Puis, l’empire ottoman perd de sa splendeur, Jérusalem est à nouveau délaissée ; son pacha attribue en exclusivité aux Juifs le tombeau de Rachel en 1615.

Quinzième point : Jérusalem vue d’Europe et les conséquences. En Europe, en 1581, la carte d’Heinrich Buenting place Jérusalem au centre du monde ; les sciences et la philosophie se développent. Jérusalem rebrûle dans l’imaginaire : pour certains, la restauration du royaume des Juifs à Jérusalem pourrait accélérer le retour de Jésus-Christ. Parmi ceux-ci, le prince de Condé, Christine de Suède, Cromwell, Locke. Tous vivent pourtant dans des pays Jüden Rein.
Hadrian Reland qui rapporte que les Juifs sont majoritaires à Jérusalem dans Palestina , raconte cet engouement européen. Puis, lorsque Catherine II prend la Crimée , elle autorise Potemkine à créer un régiment juif pour l’établissement de colonies juives en Palestine…
L’orientalisme s’enracine avec le passage du général Bonaparte qui lance son fameux appel à l’indépendance juive . Des voyageurs célèbres affluent, français, anglais, américains, russes citons Chateaubriand, Lamartine, Mark Twain, Melville ainsi que Raspoutine et Gorki ; ils décrivent le pays déserté et la misère des Juifs, encore majoritaire à Jérusalem au recensement ottoman de 1844 . En 1854, dans le New York Daily Tribune, Karl Marx précise : Nul n’égale en misère et en souffrance les Juifs à Jérusalem victimes d’une oppression et d’une intolérance constantes de la part des musulmans, insultés par les Grecs, persécutés par les latins.
Les consuls étrangers s’installent. Des philanthropes juifs s’investissent ; Moïse Montefiore obtient la reconduction des firmans anciens sur le tombeau de Rachel qu’il rénove et construit à Jérusalem le premier quartier hors les murailles . C’est aussi à Jérusalem que s’exacerbe l’antagonisme franco-russe pour le contrôle des Lieux Saints qui conduit à la guerre de Crimée .

Seizième point : la renaissance du sionisme. Les pogroms russes de 1881 font désespérer les Juifs et renaitre le sionisme, puis l’affaire Dreyfus en scelle l’idée politique avec Théodore Herzl. L’an prochain à Jérusalem, en homme libre prend plus d’acuité. Mais, le sultan ne veut pas en entendre parler. Lors de la 1ère guerre mondiale, Sykes et Picot se partagent par avance les dépouilles de l’Empire ottoman . Cambon, secrétaire général du Quai d’Orsay , le 4 juin 1917, puis Balfour, cinq mois plus tard, écrivent aux représentants de l’Agence Juive leur intérêt pour un foyer national juif. Allenby prend Jérusalem la veille de Hanoukka . Il déclare les croisades sont terminées.
Dix-septième point : du Mandat britannique à aujourd’hui. Après la guerre, la Société Des Nations donne mandat aux britanniques pour ce foyer national sur les deux rives du Jourdain. Al-Husseini, mufti de Jérusalem par la grâce des britanniques, prétend, lors des émeutes de 1929, que Mahomet qui n’est jamais venu à Jérusalem, aurait attaché au Mur des Lamentations, son mythique cheval ailé à tête de femme, al-Buraq. Jérusalem n’est jamais mentionné dans le Coran, ni les Haddiths mais ces émeutes arabes sont sanglantes.
Après la deuxième guerre mondiale, l’ONU succède à la SDN. Elle inscrit un article 80 à sa Charte dans lequel elle s’interdit de créer un autre état sur le territoire du Mandat sauf accord entre les parties ; on l’avait appelé la clause juive…
Le 29 novembre 1947, l’ONU entérine, une situation de fait en Palestine propose un plan de partage et envisage d’internationaliser Jérusalem, en contradiction avec cet article 80. Mais, elle ne lève pas un doigt lors de l’attaque des états arabes ; il n’y a pas eu d’accord entre des parties. La guerre d’indépendance est une victoire, Israël survit, et une défaite, la vieille Jérusalem est conquise par la Légion Arabe qui expulse les Juifs et détruit les synagogues pluri centenaires. Ils ne reviendront que 20 ans plus tard après la guerre des Six Jours.
Depuis, une guerre médiatique fait rage. Manipulation de l’Histoire, création d’une nation palestinienne , négation du Temple en contradiction avec les écrits musulmans eux-mêmes, le juif Jésus devient Palestinien, renversements sémantiques inacceptables de la Shoah menant aux boycotts universitaires et économiques. L’UNESCO entérine la captation de symboles et déclare le caveau des Patriarches et le tombeau de Rachel sites musulmans en contradiction avec les firmans… Une guerre des mythes et symboles au mépris de l’Histoire et sans jamais considérer les sens de ces mythes et symboles.
En conclusion : Ville de la Paix, un quiproquo grec qui perdure. Ce sont de lisses lames qui revendiquent aujourd’hui le pouvoir. Un des problèmes est la raison du déni de l’Histoire et de l’éthique démocratique et humaniste, fondatrice du monde post chrétien ; c’est dans la solution à ce problème qu’est la paix possible, l’évitement de l’Armageddon, la bataille d’Har Meggido de l’apocalypse de Jean. De nouveaux symboles naissent qui obscurcissent la raison et propulsent les anciens symboles dans le néant. Le monde est à la merci d’une bataille sur une colline de Galilée pour le contrôle de Jérusalem.
Richard Rossin



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