En 1942, le poème de Paul Eluard fut parachuté par les avions anglais au-dessus de la France.
La barbarie nazie, qui haïssait tant les mots qu’elle s’empressait de les brûler, fut aussi vaincue par les mots. Il me plaît à penser que d’autres mots, sans doute les mêmes, réactualisés, viendront à bout de l’obscurité nouvelle.
Sur les yeux des femmes
Sur les prisons des fausses pudeurs
Sur les vies déclinées à moitié
J’écris ton nom
Sur les tours en flammes
Ciel d’acier terrorisé
Sur les corps poussières
J’écris ton nom
Sur les livres calcinés
Sur les drapeaux enflammés
Sur le rire en papier mâché
J’écris ton nom
Sur la Vie méprisée
Sur l’enfance sacrifiée
Sur les rêves oubliés
J’écris ton nom
Sur les pensées interdites
Sur les jouissances maudites
Sur le sel de nos étés
J’écris ton nom
Sur le soleil à midi
Et la fraîcheur qui s’invite
Au mitan de nos nuits
J’écris ton nom
Sur le sable écoulé
Sur l’existence codifiée
Sur l’hérésie écartelée
J’écris ton nom
Sur le trait dessiné
Sur l’esprit libre pensée
Sur le couteau déshonoré
J’écris ton nom
Sur les chants éteints
Sur le corps que l’on étreint
Sur ta bouche et sur ton sein
J’écris ton nom
Sur ton désir dénié
Et ton souvenir effacé
Sur l’écrin brisé
J’écris ton nom
Sur les cendres des anciens
Sur les cendres des gamins
Sur les cendres de demain
J’écris ton nom
Sur le bleu et le blanc
Sur l’étoile et sur le vent
Sur le rire renaissant
J’écris ton nom
Sur l’espoir fraternité
Sur la mémoire conservée
Sur les voix de mon quartier
J’écris ton nom
Sur les peuples dominés
Sur les langues interdites
Sur le chant d’un berger
J’écris ton nom
Sur l’avenir à construire
Et des lèvres pour nous lire
Sur le poème libéré
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté