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Vers la poursuite du désengagement ?
David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 6 mars 2006

Depuis quelque temps, des déclarations de responsables politiques israéliens envisagent la reprise d’un désengagement unilatéral de Cisjordanie, au lendemain des prochaines élections du 28 mars prochain.

Sans vouloir nous immiscer dans la campagne électorale, nous voudrions évoquer les aspects juridiques d’une telle mesure envisagée dans les milieux du nouveau parti Kadima, donné favori de ces élections.

De façon paradoxale, cette mesure est critiquée dans certains milieux de gauche, comme de droite, en Israël même.

Sans doute est-ce parce que le parti Kadima, cherchant à rassembler le plus grand nombre d’électeurs, veut se situer plutôt au centre de l’échiquier politique.

Mais, ce sont surtout les remous provoqués dans les milieux palestiniens qui nous paraissent révélateurs d’un manque de volonté de parvenir à un règlement du conflit.

Que d’après une dépêche de l’Associated Press, diffusée hier dimanche, un porte-parole du Hamas, le député Salah Bardaouil ait déclaré : « Une fois encore, Israël menace de prendre des mesures unilatérales justifiant l’opinion du Hamas qu’il n’y a pas de partenaire en Israël à la recherche d’une paix véritable » n’est pas étonnant, tout en ne manquant pas de « saveur ».

En effet, il ne se passe pas de jour que tel ou tel responsable du mouvement sorti vainqueur des récentes élections palestiniennes, ne déclare que le Hamas n’est pas prêt à reconnaître Israël.

Or, c’est évidemment la première - mais pas la seule condition - pour que des négociations puissent s’ouvrir.

Plus inquiétante, mais non surprenante pour autant, est la réaction du négociateur palestinien Saeb Erekat. « Je crois que c’est la mauvaise voie », aurait-t-il déploré. "Ca ne fait que refléter la détermination (israélienne) à s’engager sur la voie du diktat, pas celle de la négociation ».

Et voilà que se reproduit le même phénomène que celui qui s’était produit, au printemps 2004, lorsqu’Ariel Sharon avait annoncé le retrait israélien de la Bande Gaza et de quelques implantations de Cisjordanie.

Non seulement les Palestiniens, mais également le président Chirac, lors d’une visite à Alger, en avril 2004, avaient critiqué cette initiative, à la fois courageuse et opportune, mise en œuvre en septembre 2005.

Notons d’ailleurs qu’à la fin de l’année 2005, peu de temps avant d’être écarté brutalement de la scène politique israélienne, Ariel Sharon avait lui-même annoncé qu’il envisageait la reprise d’un désengagement de la majeure partie de la Cisjordanie.

A dessein nous nous refusons à utiliser l’adjectif « unilatéral », qui nous paraît être redondant.

En effet, dès lors qu’il s’agit d’un « rapatriement » de citoyens israéliens, se trouvant hors du territoire officiel d’Israël, il nous paraît évident que cette mesure ne peut avoir qu’un caractère unilatéral.

Aucune négociation n’est nécessaire pour que quelqu’un puisse, en, quelque sorte, rentrer chez lui.

De fait, Israël Etat souverain est parfaitement fondé à évacuer ses ressortissants qu’il avait encouragés, surtout financièrement, à s’installer au delà de la Ligne Verte.

Il est d’ailleurs tout à fait contradictoire pour des responsables palestiniens, qui se disent de bonne foi, d’exiger le retrait d’Israël en deçà de cette Ligne et de condamner l’amorce d’un tel retrait.

Tant que des frontières « sûres et reconnues » (v. infra) n’auront pas été définies, en revanche, Israël a parfaitement le droit de laisser des troupes stationnées au delà de la Ligne Verte, ne serait-ce que pour assurer la sécurité d’Israël, dans ses limites actuelles.

Au nom de la liberté de critique, nous n’hésitons pas à répéter que les juges de la Cour internationale de justice ont commis une erreur en considérant dans l’avis consultatif qu’ils ont émis, en 2004, que cette Ligne Verte constituait la frontière délimitant les « territoires palestiniens », faisant l’objet d’une occupation.

Mis à part avec l’Egypte et avec la Jordanie, depuis les traités de paix de 1979 et de 1994, Israël n’a toujours pas de frontières, au nord et à l’est.

Jusqu’à plus ample informé, nous en sommes toujours à la situation définie par la disposition que l’on retrouve dans chacun des accords d’armistice, conclus à Rhodes, entre février et juillet 1949 avec les quatre Etats arabes voisins (Egypte, Liban, Transjordanie, Syrie :

« La ligne définie à l’article...de la présente Convention sera appelée ligne de démarcation de l’armistice...La ligne de démarcation ne doit nullement être considérée comme une frontière politique ou territoriale : elle est tracée sans préjudice des droits, revendications et positions des deux parties au moment de l’armistice, en ce qui concerne le règlement définitif de la question palestinienne » (soulignés par nous).

Le 31 mai 1967, à la veille de la guerre de 6 jours, qui allait conduire à la qualification ultérieure de cette ligne de démarcation de « ligne verte », le représentant de la Jordanie au Conseil de sécurité rappelant la disposition précitée s’exclamait : « I know of no territories ; I know of no boundary » (Je ne connais pas de territoires ; je ne connais pas de frontières).

C’est donc tout naturellement que dans sa résolution 242 du 22 novembre 1967, encore rappelée par le président Bush dans sa réponse à Ariel Sharon, en 2004, lors de l’annonce du premier retrait israélien, que le Conseil de sécurité des Nations Unies a appelé à des « frontières sûres et reconnues » (souligné par nous), ce qui suppose, certes, des négociations.

Retrait et démarcation sont deux opérations distinctes : l’une peut être unilatérale, l’autre ne peut être que bilatérale.

Nous n’en sommes - hélas - pas encore là.



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