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Une renaissance en larmes à Cracovie
Par Michael Freund - Adaptation française de Simon Pilczer, volontaire de l’IHC
Article mis en ligne le 18 novembre 2005

CRACOVIE - Le dernier Shabbat, Benjamin Klein avait toutes les raisons de laisser ses larmes couler librement.

LA SYNAGOGUE RENA

La scène était la célèbre synagogue Rema de la ville, que le grand érudit du 16ème siècle, le rabbin Moses Isserles présida autrefois. Le petit sanctuaire était entièrement rempli, et les mélodies des hymnes et des supplications du vendredi soir emplissaient la pièce.

Des centaines de jeunes filles de collèges religieux israéliens s’entassaient dans la section des femmes, débordant dans le hall tout en récitant consciencieusement le service. La section des hommes représentait un microcosme de la communauté juive mondiale, depuis les survivants polonais âgés de l’Holocauste à un rabbin de Bnei Brak en passant par des membres d’une mission de la puissante AIPAC des Etats-Unis.

Voilà 66 ans que Klein avait prié pour la dernière fois ici quand, Juif grandi en Pologne, il avait été obligé de s’enfuir face à l’attaque nazie.

A l’époque, il pensait sans doute ne jamais revoir encore son lieu de naissance, sans parler de suivre un service traditionnel de Shabbat dans la synagogue de son enfance.

En effet, à la veille de l’Holocauste, Cracovie était le foyer de quelque 68.000 Juifs, qui constituaient 25 % de la population. Kasimierz, le vieux quartier juif, où la synagogue Rema est située, était un centre animé de la vie juive religieuse, culturelle et intellectuelle.

Mais les Allemands et leurs alliés ont assassiné 90 % des Juifs de Cracovie, frappant un coup presque fatal sur la présence juive multiséculaire dans la cité.
Aujourd’hui, des décennies plus tard, Klein était revenu pour une visite, ayant survécu à la guerre, à la persécution et aux calamités. Et ce qu’il trouva était irrésistible, même pour un homme ayant des ressources considérables de force intérieure et de détermination.

Au Coeur de cette terre détrempée de sang, où des Juifs avaient été si brutalement chassés et tués par leurs anciens voisins et amis, la mélodie de Lecha Dodi (« Allons accueillir la fiancée du Shabbat ») était de nouveau récitée dans toute sa force et sa gloire.

Seulement trois semaines auparavant, Cracovie avait accueilli le Rabbin Abraham Flaks, envoyé par ’Shavei Israël’, l’organisation que je dirige [M. Freund], pour servir en tant que premier grand rabbin officiel de la ville depuis la seconde guerre mondiale.

En observant la scène autour de lui, les yeux de Klein commencèrent à se remplir de larmes. « Maintenant je sais » me murmura-t-il, la voix brisée d’émotion, « maintenant je sais. Nous sommes vraiment un peuple éternel ».
Sous la direction dévouée du grand rabbin de Pologne Michael Shudrich et du président de la communauté juive Tadeusz Jakubowicz, la communauté juive de Cracovie travaille lentement à reconstruire, rénovant des synagogues et des cimetières, revendiquant la propriété communale juive et essayant de contacter les non affiliés.

Seulement 157 personnes sont officiellement enregistrées comme membres de la communauté, mais on considère que facilement plus de 1.000 Juifs supplémentaires vivent à Cracovie, dont beaucoup ont découvert seulement récemment leurs racines juives. Après les horreurs de l’Holocauste, qui furent suivies de décennies d’oppression communiste, beaucoup de Juifs ont cherché à cacher leur identité religieuse et ethnique, même à leur propre descendance.
Maintenant cependant, beaucoup de ces « Juifs cachés » ont commencé à émerger, cherchant à revendiquer leur patrimoine spirituel.

Vendredi soir, j’ai rencontré plusieurs de ces revenants héroïques, trois jeunes qui ont choisi de défier la pression sociale accompagnée d’un antisémitisme profondément enraciné pour embrasser le judaïsme et revenir à la foi de leurs ancêtres.

La fin du repas de Shabbat approchait quand j’allais vers leur table pour me présenter. Remarquant qu’elles étaient au milieu de la prière d’action de grâce après les repas, je m’asseyais tranquillement et attendis patiemment qu’elles aient fini.

Avec une profonde concentration, elles récitaient soigneusement chaque phrase, prenant bien plus de10 minutes pour réciter une prière relativement courte, remerciant le créateur pour les aliments et la nourriture qu’Il procure. Ce faisant, elles se balançaient lentement d’avant en arrière sur leurs sièges, comme si leurs âmes dansaient en tandem avec les mots.

« il y avait toutes sortes d’allusions que nous étions juifs dans ma famille, mais chacun avait peur d’en parler », disait l’une, que nous appellerons Anna. « Je n’ai pas de preuve, je n’ai pas de papiers. J’ai toujours senti un attrait pour les choses juives, mais je n’ai jamais compris pourquoi », dit-elle. Jusqu’à ce qu’elle découvre le secret le plus soigneusement gardé de sa famille.

« Immédiatement après la guerre, mon arrière-grand-père changea son nom de famille juif pour un nom polonais. Aussitôt que je découvris cela, dit Anna, je savais que je devais revenir à mes racines ».

Interrogée sur le point de savoir où elle se voit dans 10 ans, Anna rougit avant de laisser échapper un petit rire nerveux. « Mariée avec des enfants, dit-elle, ajoutant vite, des enfant juifs bien sûr. Je veux que mes enfants grandissent comme des Juifs fiers, halachiques [religieusement observants] ».

Après m’être levé de table, je remarque un jeune homme barbu portant un yarmulke [chapeau traditionnel des juifs pieux en Pologne, ndt], parler à l’un des serveurs. Plus tard, quand j’ai interrogé le rabbin Shudrich à son sujet, il commença à me raconter la remarquable histoire du jeune homme.

Comme adolescent, le garçon avait une petite amie. Tous deux étaient de fervents skinheads antisémites, qui se marièrent ensuite. Peu après, la femme découvrit qu’elle avait des racines paternelles juives. Son intérêt dans le judaïsme s’approfondit, et elle commença à faire des repas spécifiques pour marquer le Shabbat chaque semaine. Bien que choqué, le jeune homme la suivit parce qu’il aimait sa femme.

Mais ses parents étaient pourtant contrariés, et insistaient pour qu’il mette fin à l’intérêt croissant de sa femme dans le judaïsme. Quand il les confronta sur l’intensité de leur opposition, ses parents s’effondrèrent et lui révélèrent qu’il étaient en fait tous les deux Juifs, et que depuis des décennies, ils avaient cherché à cacher leur identité par peur de ses conséquences.

Maintenant, plusieurs années après, ce jeune couple qui avait commencé son mariage en tant que skinheads anti-juifs, vit désormais en Juifs observant la torah.

A Shabbat, alors que la Torah était retirée de l’arche pour le service du matin à la synagogue, les voix des étudiantes de collège israéliennes s’élevèrent dans un crescendo, leur accent hébreu frais et clair faisant écho à travers le petit sanctuaire, et sans aucun doute au-delà des cieux.

« A Toi, O Seigneur, la grandeur, la puissance et la gloire... » chantaient tous les présents à l’unisson.

Je me tournais pour voir la réaction de Benjamin Klein et mesurer s’il trouvait le moment aussi émouvant que moi. Quand je le fis, je remarquai que les larmes dans ce saint lieu coulaient de nouveau librement. Seulement cette fois-là, c’étaient les miennes.


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