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La récidive de la Cour suprême
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 28 septembre 2005

Ubn texte où le Professeur D. Ruzié explique pourquoi la Cour suprême aurait été mieux avisée de s’abstenir de s’aventurer sur le terrain du droit international.

Les média ont signalé, ces derniers jours, une nouvelle décision de la Cour suprême d’Israël (Re Alfei Menashe - 15 sept. 2005), qui se situe dans le droit fil de sa précédente décision du 30 juin 2004 (Re The Beit Sourik Case), mais qui présente la particularité de se situer après l’avis consultatif émis par la Cour internationale de justice, voilà plus d’un an, le 9 juillet 2004.
Loin de nous la présomption de mettre en cause l’autorité morale, qui s’attache à la plus haute juridiction israélienne. Mais, dès lors que rien de ce qui est humain n’est parfait, même en terre d’Israël, nous pensons avoir le droit de critiquer les incursions que font les juges de la Haute Cour dans le domaine du droit international.
Toutefois, avant d’expliquer les raisons pour lesquelles la dernière décision en date, celle du 15 septembre dernier, encourt certaines critiques nous nous devons d’inviter les lecteurs qui en auraient la possibilité - et qui n’en auraient pas eu connaissance - de lire le remarquable article publié « à la une » du Journal officiel d’annonces légales, Les Annonces de la Seine du 30 juin 2005, sur « La Cour suprême d’Israël et le terrorisme » et dû à son éminent président, Aharon BARAK.
Dans ce remarquable article, le président de la Cour suprême souligne que la lutte contre le terrorisme ne doit pas priver le régime israélien de son caractère démocratique, d’où, notamment, le souci de chercher à établir un « équilibre entre la sécurité de la nation et la liberté des individus ».
C’est en quelque sorte à ce souci que se rattachent les deux décisions évoquées, celle du 30 juin 2004 et la plus récente, celle du 15 septembre dernier.`
Dans ces deux décisions, la Cour suprême nous paraît avoir, à juste titre, souligné la nécessité de respecter une certaine proportionnalité entre les impératifs de sécurité et les droits des individus relevant de l’autorité israélienne, qu’ils soient israéliens ou non.
Aussi, estimons-nous normal que la Haute juridiction ait ordonné, dans les deux cas, aux autorités israéliennes de procéder à une rectification du tracé de la « barrière de sécurité ».
Mais, ce que nous nous permettons de critiquer, c’est la propension de la Cour suprême à s’immiscer dans le domaine du droit international, sans aller pour autant au fond des problèmes.
Ainsi, déjà au début de cette année, la haute Cour avait enjoint au gouvernement israélien de s’expliquer sur sa position au regard de l’avis émis par la Cour internationale de justice, en juillet 2004.
Nous avions estimé que, ce faisant, s’agissant d’un simple avis n’ayant aucune force juridique obligatoire, la Cour aurait dû s’abstenir de mettre en difficulté le gouvernement israélien (v. notre point de vue sur www.desinfos.com des 5 janvier et 25 février 2005).
Or, cette fois-ci, tout en critiquant à juste titre la position de la Cour internationale et en soulignant son absence de portée juridique (v. notre point de vue sur le même site, les 8, 9 et 11 juillet 2004), les juges israéliens ont cru devoir reconnaître qu’ils adoptaient la même norme de base que les juges de La Haye - à savoir l’application de la règle internationale régissant les territoires occupés - tout en aboutissant à des conclusions différentes, car les éléments de fait sur lesquels les deux juridictions devaient statuer étaient différents.
Ce faisant, la Cour suprême critique, implicitement, le gouvernement israélien de ne pas avoir fourni à la Cour internationale de justice des éléments de fait lui permettant de statuer différemment.
En réalité, dans son mémoire écrit, le gouvernement israélien avait, surtout, pour ne pas dire uniquement, développé une argumentation visant à contester la compétence de la Cour, mais sans souligner, cependant, l’élément déterminant qui eut été de souligner le caractère politique de la question posée. Et aucun représentant d’Israël ne s’était exprimé durant la procédure orale.
Pourtant, avant de s’interroger sur les conséquences juridiques de la construction du « mur » (pour reprendre l’appellation honteuse utilisée par l’Assemblée générale des Nations unies et reprise par la Cour de La Haye), la Cour aurait dû s’interroger sur l’existence d’une frontière entre Israël et les Territoires.
Or, à notre connaissance, jusqu’à présent - mis à part votre modeste serviteur - seul un ancien conseiller juridique du ministère israélien des affaires étrangères, dans un remarquable article publié, récemment, dans l’Israël Law Review, publication de l’Université hébraïque de Jérusalem (Robbie SABEL, The International Court of Justice Decision on the Separation Barrier and the Green Line, Vol. 38, n° 1-2, hiver-automne 2005, p. 316-330) a mis l’accent sur le fait que la « Ligne verte » (de 1967) ne constituant pas une frontière, on devait, tout d’abord, s’interroger sur l’existence d’une occupation de belligérance.
C’est précisément ce type de question - la reconnaissance d’une frontière - qui constitue une question politique que la Cour de La Haye ne peut connaître dans le cadre d’une procédure d’avis consultatif et ladite Cour aurait du se déclarer incompétente.
Certes, la Haute Cour a eu raison de reprocher à la Cour de La Haye de ne pas avoir admis le droit d’Israël de construire la « clôture » ou la « barrière » (mais pas le « mur »....) pour des raisons de sécurité, mais on a l’impression que cette erreur est imputable au gouvernement israélien qui n’aurait pas fourni tous les éléments de l’affaire.`
Or c’est faire preuve d’une certaine naïveté que de croire que, saisie du détail des raisons de la construction de la barrière de sécurité, les juges de La Haye, après la quinzaine de plaidoiries anti-israéliennes - se seraient prononcés différemment.
La cause était certainement « jugée » avant d’être « entendue » et la Cour de La Haye a surtout eu tort de reconnaître une entité palestinienne, dont les frontières sont inexistantes.
Quant à la Cour suprême, de son côté, elle a eu tort de donner l’impression de légitimer le raisonnement suivi par les juges de La Haye, auxquels tous les éléments pertinents de l’affaire n’auraient pas été fournis.
Que les juges israéliens pratiquent, comme le font généralement les juges, l’« économie de moyens », c’est à dire qu’ils s’en tiennent à retenir, pour fonder un jugement le moyen déterminant, sans s’aventurer dans des considérations incidentes (des obiter dicta pour reprendre la formule anglo-saxonne), qui risquent d’affaiblir la cause d’Israël sur la scène internationale.
« Enfin, c’est juste mon avis ».



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