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Changement de donne fondamental
Par Jean Tsadik et Sami El Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 28 septembre 2005

La règle du jeu pour Israël consiste à harceler sans répit les communications des terroristes, à traquer leurs chefs, à détruire leurs ateliers au fur et à mesure qu’ils les reconstruisent et, sur le plan politique, à geler totalement toute progression sur la Carte Routière (...)

Shimon Pérès, à peine rentré d'un périple en Europe, a déclaré qu' "Israël devait combattre le terrorisme sans pitié et continuer de lutter inlassablement pour la paix".

 

Il a ajouté, fort du soutien qu'il a recueilli sur le Vieux continent, et particulièrement en Grande-Bretagne, qu' "il est impossible de gérer la paix ou des négociations tant que les terroristes ne sont pas désarmés". Répondant à des questions à la radio israélienne, Pérès a conclu : "nous devons arracher la terreur à sa racine !".

 

Sur le terrain, cette nuit et ce mercredi matin, l'armée israélienne a agi en conformité avec ces nouvelles résolutions. Pendant que l'aviation frappait différentes cibles dans la ville de Gaza, l'artillerie de l'Etat hébreu, comme le redoutait Ilan dans son article d'hier, intervenait pour la première fois dans la région depuis qu'elle fut opposée à l'armée égyptienne durant la guerre de 1967. Des obus ont ainsi touché des installations électriques, sans faire de victimes, mais plongeant Gaza dans l'obscurité.

 

D'autres infrastructures ont été visées - sans épargner des installations du Fatah et du Front Populaire pour la Libération de la Palestine - dans le quartier de Tufakh et le camp de réfugiés de El Burej, au sud de Gaza. A Bet Khanoun, dans le nord de la bande, un missile a détruit un pont qu'empruntaient les cellules qui lancent des Qassam sur Sdérot.

 

En Cisjordanie, Tsahal a poursuivi ses arrestations de membres des organisations terroristes et a également fermé les bureaux d'institutions caritatives qui soutenaient financièrement les familles des individus morts en exécutant des opérations terroristes.

 

Ces activités militaires se doublent de déclarations musclées de la part d'officiers de l'état-major hébreu ainsi que de responsables civils des services de sécurité et de stratèges du bureau de Monsieur Sharon. Le chef des opérations, le général Ysraël Ziv, a ainsi prévenu que "si les tirs de Qassam depuis Bet Khanoun se poursuivaient, Tsahal transformerait cette agglomération en zone démilitarisée". L'officier d'ajouter "qu'il n'excluait pas d'utiliser l'artillerie contre des maisons d'habitation", précisant que "nous avertirons préalablement les résidents, nous nous assurerons qu'ils ont quitté les lieux avant de faire donner l'artillerie dans la région. Notre message est clair", a déclaré le général, "nous ne tolérerons aucun lancer de Qassam ! Le peuple palestinien et l'Autorité Palestinienne ont un choix à faire", a terminé Ziv, "soit ils prennent leur destin en main, soit ils deviennent des prisonniers dans les mains du Hamas".

 

En fait, cette nouvelle fermeté traduit une nouvelle réalité stratégique correctement identifiée par le gouvernement israélien et son armée. Le problème n'est plus limité à protéger les habitants de Sdérot des tirs de roquettes des terroristes. On n'en est plus là. D'ailleurs, côté palestinien, le Hamas avait, en début de semaine, annoncé qu'il mettait fin aux tirs de Qassam contre les agglomérations israéliennes, et cette fois, on est tenté de croire qu'il était sincère.

 

Non que l'organisation islamique se soit soudain mutée en partisane d'une paix négociée, certes, mais par choix stratégique. Parmi les éléments que la direction de l'organisation terroriste a considérés, il y a bien sûr l'impopularité croissante, au sein de la population, de ses agressions gratuites contre Israël et surtout, des lourdes représailles que ces agressions entraînent. Israël, et c'est de bonne guerre, jouant par ailleurs sur le ras-le-bol populaire afin d'encourager les résidents à s'opposer aux islamistes et à faire pression sur Mahmoud Abbas pour qu'il les désarme.

 

Mais l'aspect principal de la promptitude de la résistance islamique à accepter le cessez-le-feu procède d'une autre réflexion : le statu quo, la cessation des attaques de Tsahal contre ses membres et ses installations, servaient ses objectifs. Les Israéliens partis, la frontière avec l'Egypte grande ouverte au trafic de moyens et de conseillers, l'AP incapable de le mettre au pas, constituaient en effet une conjoncture idéale pour permettre au Hamas de se refaire une santé et d'augmenter sa présence armée - certains n'hésitent pas à déjà parler de mainmise - sur la bande de Gaza. Et puis, ce n'est plus un secret pour personne, le Hamas comptait, contre l'engagement peu contraignant de cesser ses tirs sur Sdérot, mettre à profit l'impunité qu'il espérait obtenir afin de mettre au point son Super-Qassam et d'en constituer des stocks opérationnels. Le moment venu, dans les circonstances qu'il aurait choisies, le Hamas aurait inauguré ses nouveaux missiles sur Ashdod et Ashkelon, franchissant ainsi un nouvel échelon significatif à la poursuite de sa raison d'être : la guerre contre Israël.

 

D'ailleurs, personne ne contredit notre analyse, bien au contraire. Tel Zeev Boïm, le vice-ministre israélien de la Défense qui, pas plus tard que ce matin, rejetait les déclarations du Hamas concernant l'arrêt des attaques de Qassam. Boïm déclarait à cet effet : "nous sommes témoins d'un effort important du Hamas pour introduire des experts en armement afin de développer un arsenal briseur d'équilibre dans les secteurs de Judée et de Samarie. Tous ces efforts démontrent que le Hamas n'entend pas cesser ses opérations terroristes mais plutôt exporter en Cisjordanie ce qu'il considère avoir été un succès à Gaza".

 

Dotés de cette analyse, les lecteurs de la Ména comprendront que, pour l'Etat hébreu, l'équation se pose désormais dans l'ordre inverse de celui du Hamas. Plus question de cessez-le-feu, ni d'accorder aux islamistes la moindre minute de repos. La règle du jeu pour Israël consiste à harceler sans répit les communications des terroristes, à traquer leurs chefs, à détruire leurs ateliers au fur et à mesure qu'ils les reconstruisent et, sur le plan politique, à geler totalement toute progression sur la Carte Routière, ce, aussi longtemps que l'AP n'aura pas désarmé les milices illégales. A ce propos, et suite aux avertissements innombrables que les rédacteurs de notre agence ont publiés sur ce sujet, si nous rappelons aujourd'hui que la seule issue pour les Palestiniens à cette nouvelle situation consiste dans le désarmement par Abbas des milices terroristes, l'élément nouveau, suscité par la nouvelle donne stratégique, c'est qu'à présent le temps dont dispose l'AP pour prendre le contrôle de son territoire lui est compté par les Israéliens.

 

Mahmoud Abbas a discrètement appelé Condi Rice dimanche, pour lui demander de faire cesser la riposte israélienne mais la ministre des Affaires Etrangères de Washington lui a fait savoir, sur un ton à peine ganté, que les USA et de nombreux Etats occidentaux soutiennent les actions de Tsahal contre les islamistes, lui suggérant de se hâter de procéder à leur désarmement.

 

Situation délicate pour Abou Mazen et son gouvernement, donc, qui voient leur marge de prérogatives politiques diminuer comme peau de chagrin à mesure que c'est Israël qui s'occupe de la neutralisation du Hamas. Une direction palestinienne qui se montre incapable ne serait-ce que de protéger ses notables, de plus en plus souvent soumis au mitraillage des miliciens fondamentalistes ; qui, dans les conditions ambiantes, trouve pour unique soulagement le fait qu'il est hors de question que l'équipe Sharon ne laisse le Hamas prendre part aux différentes consultations électorales palestiniennes prévues ces prochains mois. Ce, du moins, aussi longtemps que la succursale palestinienne des Frères Musulmans n'aura pas définitivement tourné le dos au terrorisme.

 

Mais c'est d'une bien maigre consolation qu'il s'agit. D'autant plus que Sharon et ses conseillers, dopés par leur victoire au comité central du Likoud, sont en train de mettre sur pied un véritable plan visant à désengager Israël de la question palestinienne. Et le moins que l'on puisse dire des éléments de ce programme dont nous avons été autorisés à prendre connaissance, c'est qu'il ne fait pas la part belle à l'Autonomie de M. Abbas. Il est unilatéral ; il n'en tient pas compte, lui concédant la possibilité de régir le quotidien des Palestiniens, une fois seulement que les Israéliens auront agi selon leurs intérêts, et sans avoir sérieusement consulté la Moukata de Ramallah au préalable.

 

L'idée directrice, c'est : si Abbas accepte de diriger une société dans laquelle sévit un contrepouvoir terroriste et armé, ce n'est pas une raison pour qu'Israël soit obligée de partager ce choix suicidaire. Ni pour qu'Israël accepte la stagnation du processus de séparation des deux communautés.

 

C'est ce concept, tout aussi simple et solide que le précédent, qui a fait dire à Eyal Arad, l'un des principaux conseillers stratégiques du 1er ministre, toujours ce matin, que "si le cul-de-sac diplomatique avec les Palestiniens se poursuit, Israël pourrait transformer le principe du désengagement unilatéral en politique gouvernementale". Bien sûr, explique Arad, cette politique impliquerait "l'annexion de certains territoires de Cisjordanie et le retrait sur ce que l'Etat juif définirait comme sa frontière permanente".

 

Bien que "le blocage actuel des négociations ne soit pas défavorable à Israël, il existe des raisons pour transformer le désengagement en stratégie", poursuit le conseiller, "précisant qu'Israël déterminerait unilatéralement ses frontières permanentes" et que la signification de cette nouvelle politique ne consistait pas "à se retirer sur et à continuer de contrôler un territoire que nous allons évacuer, mais plutôt, en un retrait et une annexion de territoires que nous n'évacuerons pas".

 

En mode plus compréhensible, ce qu'Eyal Arad a voulu dire, s'exprimant du point de vue israélien, c'est : si Mahmoud Abbas n'est pas capable de contrôler un territoire, il n'y a alors aucune raison de négocier avec lui. Et si on ne peut négocier avec lui, cela ne doit pas nous empêcher d'agir. Faute de disposer d'un partenaire à la hauteur, définissons alors les frontières qui nous conviennent - quitte à consulter nos alliés lors de cet exercice (Ndlr.) - que nous délimiterons par un mur de sécurité, qui existe déjà sur de larges tronçons. Et laissons l'AP se débrouiller avec les terroristes qu'elle affectionne, certes, mais de l'autre côté de la palissade. Si elle se démène bien et parvient à faite régner sa loi, nous aurons avec les Palestiniens des relations chaleureuses ; si, au contraire, les terroristes agressent Israël depuis derrière la palissade, nous interviendrons alors derrière la palissade, exactement comme nous intervenons aujourd'hui à Gaza.

 

De toutes façons, en adoptant cette stratégie, notre niveau de sécurité ne serait pas abaissé (au contraire, nous disposerions d'une ligne de frontière continue à défendre, ce qui, tactiquement, ne présente que des avantages Ndlr.), nous n'aurions plus à gérer des conurbations coûteuses et hostiles et surtout, nous nous serions assurés du contrôle de tous les territoires que nous jugeons nécessaires à notre sécurité.       

 

Ce qui devrait inciter Mahmoud Abbas à considérer très sérieusement cette nouvelle option israélienne, c'est qu'il ne s'agit en aucune manière de politique fiction ou de projection stratégique à long terme. Pour preuve, la déclaration d'aujourd'hui (on dirait qu'ils se sont donné le mot, non ?) du général Aaron Zeevi-Farkash, le commandant de l'Aman, le très puissant renseignement militaire israélien. S'exprimant lors d'un colloque à l'Université de Tel-Aviv, Zeevi-Farkash a déclaré qu' "Israël  sera contrainte de procéder à d'autres désengagements unilatéraux en Cisjordanie, ce afin de prendre le contrôle des processus et de pourvoir à ses intérêts sécuritaires".

 

Les experts palestiniens et israéliens de la Ména s'attendent à voir publier le plan Sharon avant la fin octobre, date de la reprise de la session d'hiver de la Knesset. Jusque là, on obtiendra les détails du plan au goutte à goutte.

 

Et ce qui étonne le plus, après avoir constaté dans cet article de nouvelles orientations capitales pour la situation proche-orientale, c'est que la communauté internationale pourrait accueillir favorablement le plan Sharon. D'abord, parce que le maintien de la gabegie dans les territoires palestiniens ne fait pas l'affaire des pays organisés. Ensuite, parce que la communauté internationale aime pouvoir se figurer la fin des conflits redondants sur un mode praticable et que ce plan pourrait en représenter un. Et finalement, parce que Sharon a gagné le respect des capitales mondiales, y compris des capitales arabes ; il a réalisé l'exploit de retourner les opinions qui lui étaient défavorables, en prouvant, par son retrait de Gaza, que les intentions d'ogre qu'on lui prêtait, de vouloir avaler toute la Palestine et décimer les Arabes qui y vivent, étaient infondées.Et puis, la communauté internationale apprécie les leaders politiques qui sont à la fois capables de concevoir des projets courageux et de les réaliser. De tels leaders sont une rareté de nos jours.

 

Et Sami El Soudi, qui a si souvent tiré la sonnette d'alarme contre l'inaction du gouvernement Abbas, de relever que, si les constatations stratégiques contenues dans cet article, dont il est le co-observateur, peuvent peut-être présenter l'esquisse d'une solution pour les Israéliens, pour les Palestiniens, par contre, sans que ce ne soit forcément la faute des Israéliens, ces nouvelles orientations pourraient marquer la fin de certaines aspirations ainsi que des pertes territoriales conséquentes. La fermeture de l'aquarium palestinien avec les terroristes armés à l'intérieur, c'est, à brève ou à moyenne échéance, la fin de l'expérience de l'AP. Ou sa transformation en organe de gestion administratif d'un territoire désabusé et voué à la déprime infinie. Le contraire d'un Etat, en quelque sorte.



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