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Réactions et revue de presse après l’attentat-suicide à Netanya
Article mis en ligne le 15 juillet 2005

Un attentat suicide à Netanya fait 4 morts et 90 blessés (12 juillet - Ambassade d’Israël à Paris)

Trois personnes - une femme de 31 ans et deux jeune filles de 16 ans - ont été tuées et 90 blessées dont 5 grièvement lorsque un terroriste s’est fait exploser sur un passage piéton près de l’entrée du centre commercial « Hasharon », à Netanya, le mardi 12 juillet, peu après 18h30. Une quatrième femme qui était grièvement blessée est par la suite décédée de ses blessures. Le terroriste a été identifié comme étant Ahmed Abou Khalil, 18 ans, du village d’Atil en Cisjordanie. Le Djihad Islamique a revendiqué l’attentat.

D’après la police, la ceinture explosive portée par le terroriste pesait 10kg et contenait aussi des clous et de petites billes de fer. L’on suppose qu’il a déclenché la bombe prématurément après s’être rendu compte de la présence policière renforcée ce jour-là à Netanya, en raison de la tenue d’un festival et des Maccabiades.  
 
Parmi les blessés on trouve une fillette de 3 ans, Lial Sobrsky, sa mère, Margarita Sobersky, et sa grand-mère Anna Lifshitz.

Il y a quatre ans, en Mai 2001, le même centre commercial avait été la cible d’un attentat terroriste, tuant cinq personnes et en blessant 100.

En février 2005, un autre terroriste adolescent du Djihad Islamique qui venait de Toul Karem s’est fait exploser au club « The Stage » sur la promenade de Tel Aviv


Les attaques délibérées de civils doivent cesser (Amnesty International)

  • Amnesty International condamne l’attentat-suicide qui a coûté la vie à au moins deux personnes ce mardi 12 juillet dans un centre commercial très fréquenté de la ville de Netanya au nord de Tel-Aviv. Le groupe armé palestinien du Djihad islamique a revendiqué l’attentat, montrant ainsi une nouvelle fois son mépris total pour les droits humains fondamentaux.
  • Amnesty International n’a cessé d’appeler les groupes armés palestiniens à mettre un terme aux attentats-suicides et à toute forme délibérée d’attaques contre des civils israéliens. Un kamikaze a fait exploser la ceinture d’explosifs qu’il portait, à l’entrée d’un centre commercial en fin d’après-midi à une heure de grande affluence. Au moins vingt-quatre personnes ont également été blessées, beaucoup d’entre elles sont sérieusement touchées.
  • Amnesty International renouvelle sa condamnation de toute attaque de ce type contre des civils par des groupes armés palestiniens, tels que le Djihad islamique, les Brigades des martyrs d’al Aqsa et le Hamas. L’organisation appelle une nouvelle fois l’Autorité palestinienne à prendre des mesures concrètes pour enquêter sur ces crimes et traduire en justice les responsables présumés, y compris ceux impliqués dans la planification et l’organisation de tels attentats.

Le Jihad islamique brise la trêve en Israël - Par Annette LEVY-WILLARD à Jérusalem envoyée spéciale de Libération
Les Israéliens envisageaient l’été avec une douce quiétude, fouillant à peine les sacs aux entrées des restaurants, se passionnant pour la bataille politico-militaire autour de l’évacuation des colons de Gaza. les touristes étaient revenus en masse, Français en tête. L’attentat devant le supermarché Hasharon de Netanya vient bouleverser cette fragile impression de paix.


Après un attentat suicide-palestinien, Israël durcit le ton
LEMONDE.FR
Quelques heures après un attentat-suicide palestinien, un policier palestinien a été tué et un autre blessé, mercredi 13 juillet à l’aube, lors d’un raid de représailles qui a imposé un bouclage des territoires « jusqu’à nouvel ordre ». Le raid a été mené à Tulkarem, en Cisjordanie, par l’armée israélienne peu après une attaque qui a coûté la vie à quatre Israéliennes et blessé une quarantaine de personnes près d’un centre commercial à Netanya, au nord de Tel-Aviv.


L’Egypte condamne la construction par Israël du mur de séparation en Cisjordanie
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, a dénoncé mardi la construction du mur de séparation par Israël entre la Rive Occidentale et Jérusalem, qui, selon lui, empêchera l’établissement d’un Etat palestinien viable.
M. Gheit a tenu ces propos lors d’une conférence de presse au terme de son entretien avec le conseiller palestinien pour la sécurité, Jabril al-Rajoub.
Il a indiqué que la construction du mur de séparation dans les territoires palestiniens affecterait la vie économique et sociale des Palestiniens.
M. Rajoub a également condamné la construction du mur de séparation, qui, selon lui, tuera l’espoir d’établir un Etat palestinien indépendant viable.
Le gouvernement israélien a décidé dimanche d’achever d’ici le 1er septembre la construction d’une barrière autour de Jérusalem dont le statut final reste à définir.
Israël affirme que la construction du mur est destinée à prévenir les attentats des terroristes palestiniens, alors que les Palestiniens la dénonce comme une tentative pour annexer leurs territoires ...


Le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas a condamné mardi l’attentat-suicide qui a tué trois Israéliennes à Natanya, qualifiant cette action d »’attentat terroriste » et de « crime contre le peuple palestinien ».
« Nous condamnons cet attentat terroriste. C’est un crime contre le peuple palestinien », a déclaré Mahmoud Abbas, dans un langage plus dur qu’à l’habitude...


le représentant de l’Union Européenne : la condamnation par l’Autorité Palestinienne de l’attentat de Netanya ne suffit pas, elle doit agir contre le terrorisme (AP)


A Paris, le ministère français des Affaires étrangères a condamné « avec la plus grande fermeté l’attentat terroriste » perpétré à Natanya.
La France « appelle l’Autorité palestinienne à tout faire pour mettre un terme à de tels actes criminels qu »’aucune cause ne saurait justifier. Il en va de ses obligations au titre de la Feuille de route et de la légalité et de légalité internationale".
Paris, ajoute le communiqué, appelle également les différentes parties prenantes « à la retenue et au respect de la trêve » et souligne que « seule l’ouverture d’une perspective politique, par la mise en oeuvre de la Feuille de route, est de nature à mettre fin au cycle des violences ».


Le principal négociateur palestinien, Saeb Erekat, a condamné l’attentat de Natanya, « sabotage des efforts entrepris pour parvenir à un désengagement pacifique de Gaza et une reprise du processus de paix ».
« Ces traîtres travaillent contre les intérêts palestiniens. Aucun homme raisonnable ne ferait ces choses à la veille du retrait d’Israël de 22 colonies », a ajouté le palestinien, en référence au projet israélien de retrait. « Ils ont fait une chose stupide et doivent être punis pour ça. »


La Maison Blanche condamne l’attentat de Netanya
La Maison Blanche a réagi ce matin à l’attentat suicide perpétré hier soir à Netanya qui a coûté la vie à trois personnes. Son porte-parole, Scott McClellan, a déclaré que les Etats-Unis condamnaient avec virulence ce nouvel acte terroriste. Il a ajouté qu’il n’existait aucune justification au meurtre de civils innocents, hommes, femmes et enfants’’. (CDP)


Des milliers de détenus palestiniens ont applaudi l’attentat
Des milliers de terroristes palestiniens détenus à la prison de Maassyahou ont applaudi et exprimé leur joie suites aux attentats de cette fin de journée. Les services pénitentiaires ont fait savoir qu’ils considéraient avec la plus grande gravité ces attitudes et les détenus ont été punis. (AY)


Kofi Annan condamne l’attaque terroriste en Israël
Le Secrétaire général a fermement condamné l’attaque suicide à la bombe qui a fait deux morts en Israël et fait de nombreux autres blessés, rappelant sa conviction que rien ne peut justifier le terrorisme.
« Il est essentiel que toutes les mesures soient prises, dès à présent et dans les jours qui viennent pour éviter que de telles attaques ne se reproduisent, et que l’admirable modération qui a été récemment observée soit maintenue afin que la violence ne conduise pas à une escalade », indique un message transmis aujourd’hui par le porte-parole du Secrétaire général.


Le Centre d’Information et de Documentation Démocratie et Moyen-Orient existe à Bruxelles depuis 1977.

Notre revue de presse CID-Democratie et Moyen-Orient est fondée sur un critère simple : produire de la lisibilité là où dominent la confusion, l’esprit de simplification et les idées reçues.

I. L’Europe « découvre » les Kamikazes

I.1. Edito du Monde : Kamikazes maison

C’est une première en Europe. L’image de jeunes partant de chez
eux pour commettre un attentat-suicide était devenue
malheureusement familière au Proche-Orient. On cherchait et on
trouvait des explications politico-sociales -­ occupation par
une puissance étrangère, répression, pauvreté, etc. Au-delà de
la barbarie de l’acte en lui-même, au-delà du nombre des
victimes, le choc en Grande-Bretagne est d’autant plus fort que
les kamikazes sont des enfants du pays.

[LE MONDE | 14.07.05 | 12h15]

I.2. Le Royaume-Uni est touché, à son tour, par la culture du martyre

La Grande-Bretagne vient sans doute de rejoindre la liste des
pays victimes d’attentats de type kamikaze, sur laquelle
figurent notamment les Etats-Unis, Israël ou la Russie.

"[...] ce qui est frappant c’est l’origine pakistanaise [voir
aussi IV.1.] des individus. Ils ne se rattachent pas au Moyen-
Orient, mais s’inscrivent dans une vision internationaliste du
djihad."

Au cours des années récentes, plusieurs Britanniques ont décidé
de se transformer en kamikazes. Le plus célèbre est Richard
Reid. Autre cas [...] Assif Hanif s’est fait exploser à
l’entrée du Mike’s Place, un bar de Tel-Aviv, faisant trois
tués et des dizaines de blessés. Son complice, également
britannique, n’avait pu déclencher sa charge explosive.

LE MONDE

I.3. « L’Europe est devenue un lieu de radicalisation islamique »

La Grande Bretagne avait la même attitude vis-à-vis des
radicaux musulmans que le général de Gaulle avec les mouvements
de libération du tiers-monde. Mieux vaut les avoir chez soi
qu’ailleurs.

l’Europe est devenue un lieu de radicalisation islamique, qui
n’est pas la simple conséquence de l’importation des conflits
du Moyen-Orient. Le cas typique est celui du meurtrier de Théo
Van Gogh aux Pays-Bas. Il n’avait aucune revendication sur la
Palestine ou l’Irak. Il n’a parlé que de l’islam.

LE MONDE
_________________________

II.1.La guerre des mondes

La détermination actuelle de Tony Blair à l’égard des
islamistes ne doit pas faire oublier l’incroyable laxisme des
dernières décennies. Les groupes les plus déterminés à frapper
l’Occident eurent pignon sur rue, au cœur du Londonistan
jusqu’en 2004.

Sur les 373 radicaux extrémistes recensés aux États-Unis et en
Europe, il y a deux fois plus de Français que de Saoudiens et
beaucoup plus de Britanniques que de Yéménites...

[Valeurs Actuelles n° 3581 paru le 15 Juillet 2005]

II.2.Contre l’islamisme,les Français font mieux que les Britanniques

Grâce à la guerre d’Irak, le gouvernement britannique passe
pour résolu et déterminé aux yeux d’une grande partie du monde,
tandis que le gouvernement français traîne une image
d’apaisement et d’indolence. Mais dans une autre guerre, celle
contre le terrorisme et l’islam radical, c’est précisément
l’inverse:la France est la nation la plus vaillante d’Occident,
plus encore que l’Amérique, et la Grande-Bretagne est la plus
pitoyable.

Alors que Londres héberge des terroristes, Paris accueille un
centre de contre-terrorisme ultrasecret, nom de code Alliance
Base, dont l’existence a été révélée récemment par le
Washington Post.

Les innombrables différences entre la France et la Grande-
Bretagne dans le traitement de l’islam radical sont bien
résumées par ce que les jeunes filles musulmanes peuvent porter
dans les écoles publiques.

[Le figaro - 15 juillet 2005]

II.3.France - USA : L’ami, l’allié, le partenaire...

France-USA : les choses ont changé depuis que George Bush et
Jacques Chirac ont dîné ensemble à Bruxelles, le 22 février
dernier. Chacun s’emploie désormais à resserrer les liens : la
guerre contre le terrorisme, le contrôle du Proche et Moyen-
Orient ne permettent pas la dispersion des moyens.

Les opinions publiques n’en sont pas [encore] là.

[Valeurs Actuelles n° 3581 paru le 15 Juillet 2005]
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III. Londonistan

III.1. Le « Londonistan »

Abou Qatada un palestinien au coeur d’al qaida

[nouvel obs - Semaine du 18 octobre 2001 - N°1928]

III.2. La nébuleuse des islamistes passés par Londres et
considérés comme étant liés à Al-Qaida

Abou Qatada.
Abou Hamza Al-Masri.
Omar Bakri Mohammed.
Richard Reid.
Mohammed Al-Guerbouzi.
Moustapha Setmariam Nasar.

LE MONDE

III.3. Attentats de Londres : Face aux paroles qui tuent, la
tolérance zéro est de mise

Tous les observateurs s’accordent à déclarer que les
attentats qui ont frappé Londres ce 7 juillet ne sont pas une
surprise. [...] Et pourtant, même si les choses ont un peu
commencé à changer depuis le 11 septembre 2001, Londres - qui
s’était vu surnommer ironiquement le Londonistan - restait la
capitale mondiale de l’islamisme militant voire armé, [...]
dans l’entourage de l’incontournable Abou Qutada, représen-
tant quasi officiel d’Oussama Ben Laden et d’Al Qaïda en
Europe.

[Claude Moniquet - esisc.org - 10/7/2005]

III.4. Londonistan

Après le 11 septembre 2001, les autorités britanniques ont
enfin convenu de modifier certains aspects de leur
législation. Mais elles n’ont toujours pas pris les mesures
nécessaires au combat contre l’encouragement à la haine et la
propagation de celle-ci, contrairement, une fois encore, à
l’Allemagne et à la France. Il est écrit dans le ciel que
tout cela est appelé à être modifié de fond en comble.

[le devoir - 8 juillet 2005]

III.5. A « Londonistan », l’islamisme a droit de cité

Selon « The Observer », Djamel Beghal, un de ses présumés
complices, l’ex-footballeur tunisien Nazir Trabelsi et le
Franco-Algérien Zacarias Moussaoui, qui aurait pu être, selon
le FBI, le vingtième pirate de l’air s’il n’avait pas été
pris avant l’attentat, ont entamé leur long voyage au bout de
l’islamisme au contact d’Abou Qoutada.

Devant les caméras,Abou Qoutada avait justifié la destruction
par les taliban des deux bouddhas géants de Bamyan au nom du
rejet de l’idolâtrie.

[Libération - 7 octobre 2001]
_________________________

IV.1. Le Pakistan reste un havre pour les islamistes radicaux

Plusieurs jeunes Britanniques originaires du Pakistan ou du
Cachemire ont déjà été impliqués dans des attentats. Le plus
connu est Ahmad Omar Saeed Sheikh, dont la famille est
originaire de Lahore. Il a été condamné à mort pour
l’assassinat du correspondant du Wall Street Journal Daniel
Pearl, à Karachi, en janvier 2002.

LE MONDE


I.1.Edito du Monde

Kamikazes maison

LE MONDE | 14.07.05 | 12h15

C’étaient des jeunes gens au-dessus de tout soupçon. De gentils voisins. Un amateur de cricket, le sport britannique par excellence, et un éducateur pour enfants handicapés. Ils étaient nés en Grande-Bretagne, il y a une vingtaine d’années, de parents d’origine pakistanaise, et ils avaient grandi dans la société anglaise.

Si la piste suivie par les enquêteurs se confirme, ce sont ces quatre jeunes, peut-être cinq, qui sont les auteurs des attentats du 7 juillet dans les transports en commun de Londres. Ils ont quitté tranquillement leurs familles, leurs parents ou leurs épouses, avec leurs sacs à dos bourrés d’explosifs, pour aller se faire sauter dans le métro de la capitale britannique, entraînant dans la mort une cinquantaine de leurs compatriotes.

C’est une première en Europe. L’image de jeunes partant de chez eux pour commettre un attentat-suicide était devenue malheureusement familière au Proche-Orient. On cherchait et on trouvait des explications politico-sociales ­ occupation par une puissance étrangère, répression, pauvreté, etc. Au-delà de la barbarie de l’acte en lui-même, au-delà du nombre des victimes, le choc en Grande-Bretagne est d’autant plus fort que les kamikazes sont des enfants du pays.

D’un point de vue strictement policier, cela rend la prévention d’autant plus difficile. Parce que les jeunes gens de Leeds menaient une vie tout à fait normale, ils avaient échappé à la surveillance des services spécialisés. Mais ce n’est pas l’aspect le plus inquiétant. La vraie question concerne les motivations de ces kamikazes. Qu’est-ce qui pousse des jeunes, apparemment bien intégrés dans la société, à sacrifier leur vie et celle de dizaines, voire de centaines de personnes innocentes ? Certains des auteurs présumés des attentats de Londres avaient suivi des cours d’éducation religieuse au Pakistan, voire un entraînement dans des camps afghans. Ont-ils été séduits alors par ce que le Financial Times appelle une « théologie de la libération » à la mode islamique, mélange d’aspiration à une société plus juste, à la reconstitution de l’Oumma (la communauté des croyants), d’exaltation d’un passé glorieux et de colère face aux humiliations présentes ?

Les Britanniques pensaient que leur modèle d’intégration des immigrés, fondé sur la coexistence des communautés, les protégeait de l’extrémisme. Le réveil est brutal. Mais leur échec ne signifie pas que les pays ayant une autre tradition sont à l’abri de la contagion fondamentaliste. C’est vrai pour la France, où le modèle d’intégration comportant une forte dose d’assimilation républicaine est en crise.

Les communautés musulmanes du monde entier sont travaillées par un fondamentalisme religieux dont l’expression extrême est le terrorisme. Dans les sociétés laïques d’Europe, qui garantissent la liberté religieuse pour tous, il revient aux chefs spirituels ou séculiers de l’islam non seulement de condamner verbalement le recours à la violence, mais de dénier toute légitimité à ceux des leurs qui le prêchent.

Article paru dans l’édition du 15.07.05


I.2.Le Royaume-Uni est touché, à son tour, par la culture du martyre

LE MONDE | 13.07.05 | 14h03 • Mis à jour le 13.07.05 | 15h04

La Grande-Bretagne vient sans doute de rejoindre la liste des pays victimes d’attentats de type kamikaze, sur laquelle figurent notamment les Etats-Unis, Israël ou la Russie. L’emploi d’un tel mode opératoire dans un pays européen était redouté par les spécialistes de l’antiterrorisme depuis des mois. « Il est logique que l’Europe soit aussi touchée, souligne Olivier Roy, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess). Là, ce qui est frappant c’est l’origine pakistanaise des individus. Ils ne se rattachent pas au Moyen-Orient, mais s’inscrivent dans une vision internationaliste du djihad. »

Le développement de la culture du martyre en Irak a sans doute eu également un effet de mimétisme. « On a constaté que certains individus, vivant au sein des sociétés européennes ou venant de l’extérieur, ont la volonté de frapper par des attentats-suicides, souligne un haut responsable français du renseignement. Ce mode d’action pose d’énormes problèmes aux policiers. Il permet de prendre beaucoup plus de risques dans la cible choisie et démontre une motivation sans limite. Vous créez ainsi chez vos adversaires un sentiment d’angoisse. »

Au cours des années récentes, plusieurs Britanniques ont décidé de se transformer en kamikazes. Le plus célèbre est Richard Reid. Agé de 31 ans, il avait tenté de déclencher un engin explosif artisanal, dissimulé dans ses chaussures, à bord d’un vol d’American Airlines reliant Paris à Miami, le 23 décembre 2001. Maîtrisé par d’autres passagers, il n’avait pu passer à l’acte.

AIDE LOGISTIQUE

Originaire du sud-est de l’Angleterre, dans le Kent, Richard Reid n’avait jamais été remarqué par les services de police britanniques. Cet ancien délinquant a bénéficié d’aide logistique au sein du milieu islamiste pakistanais en région parisienne. Le 16 juin, le tribunal correctionnel de Paris a condamné à des peines de trois et cinq ans d’emprisonnement ferme le Pakistanais Ghulam Rama et les Français Hassan El-Cheguer et Hakim Mokhfi, pour lui avoir porté assistance.

Autre cas ayant suscité l’inquiétude de la police britannique, celui de deux ressortissants impliqués dans un attentat en Israël. Le 30 avril 2003, Assif Hanif s’est fait exploser à l’entrée du Mike’s Place, un bar de Tel-Aviv, faisant trois tués et des dizaines de blessés. Son complice, également britannique, n’avait pu déclencher sa charge explosive.

Mais la Grande-Bretagne n’est pas le seul pays concerné. En Espagne, un projet d’attentat-suicide à bord d’un camion rempli d’explosifs lancé contre l’Audiencia nacional -­ le tribunal de Madrid compétent en matière de terrorisme -­ a été déjoué, selon des sources judiciaires espagnoles.

En France, l’enquête sur les « filières irakiennes » a permis aux services antiterroristes de découvrir que de jeunes gens d’origine maghrébine s’étaient convertis à très grande vitesse, en l’espace de quelques mois, à l’islam radical. Au nom de leur vision manichéenne du monde, certains sont partis combattre les Américains en Irak, y compris en se transformant en kamikazes. Les policiers français estiment qu’ils seraient entre 3 et 5, à l’instar de Abdelhalim Badjoudj. Né en 1985 en Seine-Saint-Denis, il s’est fait exploser à bord d’une voiture piégée près de Fallouja, le 27 octobre 2004. Autre cas : celui d’Idris Bazis, un Franco-Algérien de 41 ans, mort en février. Il vivait à Manchester, en Grande-Bretagne.

Piotr Smolar

Article paru dans l’édition du 14.07.05

© Le Monde.fr


I.3. Olivier Roy, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)

« L’Europe est devenue un lieu de radicalisation islamique »

LE MONDE | 08.07.05 | 13h45 • Mis à jour le 08.07.05 | 13h45

Comment analyser les attentats de Londres dans la perspective du radicalisme islamiste mondial ?

Il faut attendre que l’enquête progresse, mais le modus operandi rappelle les attentats de Madrid. Il y a toutes les chances pour que les auteurs appartiennent à la même catégorie que les membres de tous les réseaux démantelés ces derniers temps en Europe : les « déterritorialisés ». Ce sont des nomades, des produits de la globalisation, des individus qui se sont radicalisés politiquement et religieusement dans un autre pays que celui dont ils sont originaires, surtout en Europe.

Ils n’ont pas d’attrait pour les luttes de libération nationale et l’instauration d’un Etat islamique. Ce sont des internationalistes, à l’image de -Oussama- Ben Laden. Celui-ci n’a pas commencé sa carrière en tentant de renverser la monarchie saoudienne, mais en partant en Afghanistan, premier champ de bataille du djihad. L’illustration en est qu’Al-Qaida est très peu intervenue directement sur le terrain palestinien et qu’aucun Palestinien n’a jamais été actif au sein d’Al-Qaida.

[NDCID : Contre vérité flagrante :

  • Le Palestinien Abdullah Azzam, fondateur du Makhtab al-Khidamat, bureau de recrutement du jihad contre l’Union Soviétique, fut le mentor de Ben laden en Afghanistan. Pour lui, le djihad doit se poursuivre tant et aussi longtemps que le dernier des infidèles n’aura pas disparu de la surface de la Terre [voir article III.4.].
  • Abou Qatada, palestinien, homme d’al qaida incontournable en Grande Bretagne et un des intellectuels qui légitimaient par ses fatwas l’action des groupes armés islamistes en algérie [voir articles III.1./III.2./III.3. et III.5.].
  • Et bien sûr Abou Moussab Zarkaoui, le chef d’Al qaida en Irak est un palestinien de Jordanie.
  • Le Hamas est la branche palestinienne des frères musulmans dont sont issus tous les idéologues de l’islamisme.]

Londres a longtemps toléré les mouvements radicaux sur son sol...

Les Britanniques ont changé d’attitude après le 11 septembre 2001. Auparavant, le paradoxe était qu’ils voyaient les musulmans comme des étrangers. Ils avaient la même attitude vis-à-vis des radicaux musulmans que le général de Gaulle avec les mouvements de libération du tiers-monde. Mieux vaut les avoir chez soi qu’ailleurs. Avec le 11 septembre, les Britanniques se sont rendu compte que le phénomène de radicalisation n’était pas le fait d’une diaspora, d’exilés percevant la Grande-Bretagne comme une terre de repli, mais qu’il impliquait de jeunes musulmans britanniques. La conclusion s’impose : l’Europe est devenue un lieu de radicalisation islamique, qui n’est pas la simple conséquence de l’importation des conflits du Moyen-Orient. Le cas typique est celui du meurtrier de Théo Van Gogh aux Pays-Bas. Il n’avait aucune revendication sur la Palestine ou l’Irak. Il n’a parlé que de l’islam.

Quel est le degré d’intégration de la communauté musulmane en Grande-Bretagne par rapport aux autres pays européens ?

Les musulmans vivant en Europe se sont moulés dans le cadre de la culture politique de leur pays d’accueil plutôt que d’importer leur propre culture politique.

La Grande-Bretagne, très multiculturaliste, présente une double caractéristique. Sa population musulmane est à la fois communautarisée et très intégrée dans la vie politique, votant activement. En Allemagne existe une même communautarisation des Turcs, mais sans l’intégration politique car ils sont perçus comme des étrangers. La France, elle, est marquée par une atomisation, qu’illustrent les difficultés à faire fonctionner correctement le Conseil français du culte musulman (CFCM).

Après les attentats de Londres, George Bush a invoqué la « guerre contre le terrorisme ». L’expression vous paraît judicieuse ?

S’il s’agit d’une guerre au sens métaphorique, comme celle contre le cancer ou le sida, pourquoi pas. Si c’est au sens militaire, l’expression est absurde. L’Irak le montre bien. L’intervention militaire américaine n’a eu aucune conséquence positive. Les Etats-Unis se trouvent dans une impasse et ne sont même plus en mesure de conduire une autre guerre ailleurs dans le monde. Ils ont créé un nouvel espace de rencontre pour les djihadistes internationalistes.

Face à ces phénomènes, il faut adopter d’abord une réponse policière au sens large, à base de renseignements et de coopération judiciaire. Ensuite, il faut concevoir une réponse politique pour empêcher les radicaux de trouver une base sociale au sein de la population musulmane. Evitons de parler de « racines » du terrorisme de façon générale. Le terrorisme n’est pas la conséquence obligatoire du conflit israélo-palestinien. Les motivations sont toujours plus compliquées et personnelles.

L’Irak est-il la motivation des islamistes radicaux ?

Je pense que non. Les jeunes ne se révoltent pas à cause de l’Irak. Ils y trouvent un terrain pour pratiquer le djihad.

Ceux qui partent là-bas ne suivent pas une stratégie politique et n’aspirent pas à défendre la cause du peuple irakien. Ils ne vont pas créer de mouvement de soutien politique au peuple irakien en Occident ni des ONG islamiques pour aider les civils

Ils partent là-bas pour casser de l’Américain. Leurs frères ne sont pas les Irakiens, mais les autres volontaires internationalistes. Aujourd’hui, Fallouja est un symbole mondial comme l’ont été la Bosnie, le Cachemire ou l’Afghanistan.

La Laïcité face à l’islam (Stock, 2005).

Propos recueillis par P. Sm.

Article paru dans l’édition du 09.07.05

© Le Monde.fr


II.1. La guerre des mondes

Valeurs Actuelles n° 3581 paru le 15 Juillet 2005

Le terrorisme islamique livre un combat sans pitié à l’Occident. L’Europe est au cœur de la cible. Voici le temps des grandes révisions.

Dès lundi, quatre jours après l’attentat du 7 juillet, le conducteur du bus rouge numéro 30 soufflé sur Tavistock Square (13 morts) demandait à reprendre son travail. « Il faut faire avec », commentait sobrement cet homme courageux, imité par tout un peuple qui décidait de se souder derrière son gouvernement et les victimes de l’attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire de Londres (52 morts et 700 blessés), rejetant le chantage terroriste. L’Union Jack était partout en berne mais les Anglais relevaient la tête, comme aux heures les plus tragiques de leur histoire. « Bleeding, but unbending » (“Sanglant, mais inflexible”), titrait le Daily Mirror, citant le poète William Ernest Henley.

Du sommet du G-8 en Écosse, Tony Blair avait donné le ton de la “résistance”, le visage de cendre, quelques minutes après les quatre explosions quasi simultanées dans le centre de la capitale : « Il est important que les terroristes réalisent que notre détermination à défendre nos valeurs et notre mode de vie est supérieure à leur détermination à provoquer la mort et la destruction d’innocents. »

Trois jours plus tard, des dizaines de milliers de Londoniens célébraient dans les rues le 60e anniversaire de la victoire de 1945. Elizabeth II faisait aussitôt le lien entre les bombardements subis par la capitale britannique de 1940-1941 et les attentats de 2005. La ville renouait avec l’esprit du “London Blitz”, magnifique leçon de résistance et de courage, aujourd’hui adressée aux forces de haine et de mort que sécrète une partie du monde musulman.

Faute d’éléments matériels suffisants recueillis sur place, l’enquête s’annonçait longue. Des milliers d’enregistrements audio et vidéo tournés par les 1 500 caméras du métro et les 8 000 autres installées à bord des autobus londoniens étaient mis en lieu sûr pour être visionnés, image par image. La police demandait aussi aux opérateurs de conserver la trace des millions de connexions téléphoniques et électroniques passées autour du 7 juillet.
Les Britanniques ont fait appel, une fois n’est pas coutume, à l’aide internationale. Une trentaine de pays ont apporté leur concours. Quelques heures après les attentats, des spécialistes des principales nations européennes et des États-Unis débarquaient à Londres avec leurs dossiers. « Souvent, on a besoin d’être attaqué pour devenir sérieux », faisait remarquer Stefano Dambruoso, le plus haut magistrat antiterroriste italien jusqu’à l’an dernier.

Une mobilisation aussi vaste et aussi rapide après un attentat est exceptionnelle. Elle traduit à la fois l’urgence de la situation et la prise de conscience d’une déclaration de guerre faite à l’Occident. Après les États-Unis, puis l’Espagne et le Royaume-Uni, on pouvait s’attendre à de nouvelles frappes. Parmi les pays visés, bien sûr, tous les pays associés à la coalition américaine en Irak et en Afghanistan, l’Italie et la France en particulier. Christophe Chaboud, chef de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), le confiait au Monde ce 11 juillet : « Pour nous, ces attentats n’ont pas été une surprise, mais la confirmation de quelque chose d’inévitable, compte tenu du contexte international... La guerre en Irak a relancé la logique du combat total contre l’Occident. »

Tony Blair est de nouveau en phase avec son opinion publique. Mais sa détermination actuelle à l’égard des islamistes ne doit pas faire oublier l’incroyable laxisme des dernières décennies. Les groupes les plus déterminés à frapper l’Occident eurent pignon sur rue, au cœur de Londres (on parla de “Londonistan”). Cette situation unique en Europe dura jusqu’en 2004, en dépit des discours publics des islamistes appelant à la “guerre sainte”, appels et concept qui n’avaient rien de poétique, comme voudraient le faire croire certains exégètes de l’islam.

Londres adopta cette attitude pour des raisons qui paraissent aujourd’hui d’une naïveté incroyable, au regard des risques. Les autorités intellectuelles et morales britanniques mirent en avant la tradition d’accueil et de tolérance du Royaume-Uni. Londres crut aussi à un modus vivendi possible avec les fondamentalistes. Le calcul était simple : en leur offrant un asile et la protection des lois britanniques, on pensait qu’ils iraient faire sauter leurs bombes ailleurs. Des spécialistes du renseignement estimaient aussi nécessaire de conserver une vitrine à ces réseaux, pour mieux les infiltrer.

Septembre 2001 ouvrit les yeux de beaucoup sur les limites de la tradition d’accueil, sur l’attitude de réfugiés ou de bénéficiaires du droit d’asile ne respectant pas les lois et valeurs de leurs hôtes.

Une partie des terroristes du 11 septembre 2001 avaient transité par Londres sans être repérés. C’est aussi le cas de Zacarias Moussaoui, présumé complice des kamikazes du 11 septembre, détenu aux États-Unis, ou de Richard Reid, le “terroriste aux chaussures piégées”, arrêté le 22 décembre 2001, après avoir vécu dans le sud-est de Londres. Les deux hommes se fréquentaient dans une mosquée de Brixton. Ils avaient échappé à la vigilance des services britanniques.

“Les radicaux islamistes profitent de nos lois”.

D’autres militants ont prospéré à l’ombre de Big Ben, protégés par les lois britanniques ! De nombreux imams furent d’abord des agents recruteurs au service de la cause islamiste la plus dure. Ils ont contribué à accroître le vivier islamiste, à partir des communautés musulmanes installées dans les pays européens.

Les “nouveaux islamistes” en guerre contre l’Occident sont nés en Europe. Ils forment la deuxième ou troisième génération des immigrés arrivés dans les années 1950 à 1970. Selon un rapport remis l’an dernier au gouvernement britannique, 10 000 à 15 000 musulmans du Royaume-Uni (sur 2 millions) seraient proches des thèses extrémistes ; 600 seraient passés par des camps d’entraînement.

Combien sont-ils en France ? Au moins autant qu’en Grande-Bretagne, car notre pays abrite la plus forte population musulmane d’Europe (5 à 6 millions). Le vivier est donc vaste et permanent. Sur les 373 radicaux extrémistes recensés aux États-Unis et en Europe, il y a deux fois plus de Français que de Saoudiens et beaucoup plus de Britanniques que de Yéménites...

Désormais citoyens européens, les radicaux profitent de l’ouverture des sociétés démocratiques qu’ils exècrent. Ils sont protégés par les lois. Ces insiders en connaissent toutes les faiblesses. Ils abusent aussi de la naïveté d’une partie de leurs élites. Souvent en échec scolaire ou familial mais accros à Internet, devenu une sorte de camp d’entraînement virtuel, ils rejettent le mode de vie et les valeurs de leur pays natal.

Les imams fondamentalistes redonnent à ces jeunes une identité et une fierté. Ils leur parlent de djihad, du paradis d’Allah et des vierges promises à tout martyr. Entre le jeune pieux et le futur terroriste, il n’y a qu’un pas, un aller-retour pour Bagdad, Karachi ou Sarajevo. L’Irak joue le rôle de l’Afghanistan des années 1980, terrain d’entraînement des fous de Dieu. Des islamistes européens y combattent. Parmi eux, une vingtaine de Français (dont une demi-douzaine y a trouvé la mort).

Par un curieux paradoxe, les mesures prises depuis septembre 2001 ont peut-être accru les risques. Incapables de forcer les systèmes de sécurité protégeant les lieux les plus sensibles, les nouveaux terroristes ne prennent plus la peine d’apprendre à piloter des avions, à manier des armes sophistiquées ou à faire des mélanges chimiques dangereux. « Pourquoi attaqueraient-ils un tigre quand il y a autant de moutons partout autour d’eux ? », remarque David Capitanchik, expert britannique du terrorisme.

Leurs imams recruteurs sont connus. Ils ont ou ont eu leur tribune à Londres, carrefour de tous les fous de Dieu. Le Palestinien Abu Qatada, chef spirituel d’Al-Qaïda en Europe, avait été condamné à la prison à vie en Jordanie. Recherché en Espagne, il bénéficia du statut de réfugié politique de 1993 à 2002. Il est assigné à résidence. Le Syrien Omar Bakri Mohamed, fidèle d’Al-Qaïda, a obtenu l’asile politique à Londres en 1986. En décembre dernier, devant 500 personnes, il prévenait les gouvernements occidentaux de changer de politique, sinon les musulmans leur infligeraient « un 11 septembre, jour après jour après jour... »

Abou Hamza al-Masri, débarqué d’Égypte, voulait faire flotter l’étendard du Prophète sur le 10, Downing Street. Ses prêches de sa mosquée de Finsbury Park ont conduit au djihad des dizaines d’exaltés. « N’allez pas loin, disait Abou Hamza aux jeunes. L’ennemi est ici, à la maison ! » Hamza est détenu mais pas extradable, car citoyen britannique !

Les avertissements n’avaient pas manqué sur les risques posés par une communauté de 15 millions de musulmans en Europe (certains universitaires parlent déjà d’“Eurabia”), dont une partie travaillée par le fondamentalisme. Datée du samedi 9 juillet, l’une des dernières mises en garde vient d’Arabie saoudite, sous la plume d’Abdul Rahman al-Rashed, célèbre éditorialiste du quotidien Asharq Al-Awsat : « Nous avions du mal à comprendre pourquoi les autorités accordaient le droit d’asile à des personnes suspectes ou impliquées dans des crimes relevant de l’extrémisme. Pourquoi des visas étaient accordés à des Arabes condamnés dans leurs pays pour des crimes politiques et d’extrémisme religieux, pourquoi ils ont obtenu le droit d’entrée et, pour certains, le droit d’asile. »

Le journaliste saoudien raille la “générosité stupide” des Britanniques et cette “illusion” de croire que les terroristes ne frapperaient pas au Royaume-Uni parce qu’ils y étaient hébergés. Il a lancé cet avertissement aux Européens : « Dans le passé nous vous disions : “Interdisez-les” - de parole et d’action -, aujourd’hui nous vous disons : “Expulsez-les !” » Conseil de connaisseur, sinon d’ami.

Frédéric Pons

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II.2.Une vision américaine du rôle de la France dans la lutte contre l’islam radical

Contre l’islamisme, les Français font mieux que les Britanniques

PAR DANIEL PIPES *

Le figaro

[15 juillet 2005]

Grâce à la guerre d’Irak, le gouvernement britannique passe pour résolu et déterminé aux yeux d’une grande partie du monde, tandis que le gouvernement français traîne une image d’apaisement et d’indolence. Mais dans une autre guerre, celle contre le terrorisme et l’islam radical, c’est précisément l’inverse : la France est la nation la plus vaillante d’Occident, plus encore que l’Amérique, et la Grande-Bretagne est la plus pitoyable.

Les terroristes basés en Grande-Bretagne ont exécuté des opérations au Pakistan, en Afghanistan, au Kenya, en Tanzanie, en Arabie saoudite, en Irak, au Maroc, en Russie, en Espagne et en Amérique. De nombreux gouvernements, jordanien, égyptien, marocain, espagnol, français et américain, ont protesté devant le refus de Londres de fermer les infrastructures terroristes islamistes ou d’extrader les exécutants recherchés. Excédé, le président égyptien Hosni Moubarak accusa publiquement la Grande-Bretagne de « protéger des tueurs ». Un organisme sécuritaire américain demanda que la Grande-Bretagne soit ajoutée à la liste des Etats parrainant le terrorisme.

Les experts du contre-terrorisme se montrent critiques envers les Britanniques. Roger Cressey dit de Londres qu’elle constitue « sans doute le plus important centre djihadiste d’Europe occidentale ». Steven Simon jette le discrédit sur la capitale britannique en la qualifiant de « bar de la guerre des étoiles » des radicaux islamiques. Plus sévèrement, un responsable des services de renseignements déclara, en parlant des attentats de la semaine passée : « Les terroristes ont bouclé la boucle. L’heure est venue de payer pour (...) une politique irresponsable. »

Alors que Londres héberge des terroristes, Paris accueille un centre de contre-terrorisme ultrasecret, nom de code Alliance Base, dont l’existence a été révélée récemment par le Washington Post. Dans cette base, depuis 2002, six gouvernements occidentaux de premier plan partagent des renseignements et lancent ensemble des opérations de contre-terrorisme. Ce dernier point en fait un organisme unique.

D’une manière plus générale, le président Chirac ordonna aux agences françaises de renseignements, quelques jours à peine après le 11 septembre 2001, de partager leurs informations sur le terrorisme avec leurs homologues américains « comme s’ils faisaient partie de leurs propres services ». Cette collaboration fonctionne : un ancien directeur de la CIA, John E. McLaughlin, jugea que ce lien bilatéral était « l’un des meilleurs du monde ». Les Britanniques ont peut-être une « relation privilégiée » avec Washington pour le dossier irakien, mais les Français en ont une avec l’Amérique dans la guerre contre la terreur.

La France accorde moins de droits aux suspects de terrorisme qu’aucun autre Etat occidental : elle admet les interrogatoires sans avocat, les détentions préventives prolongées et les preuves acquises dans des circonstances douteuses. L’auteur de Al-Qaida’s Djihad in Europe (Le Djihad d’al-Qaida en Europe), Evan Kohlmann, dit que s’il devait se retrouver suspecté de terrorisme, le régime français serait « le dernier sous lequel je voudrais être détenu ».

Les innombrables différences entre la France et la Grande-Bretagne dans le traitement de l’islam radical sont bien résumées par ce que les jeunes filles musulmanes peuvent porter dans les écoles publiques. L’école secondaire Denbigh de Luton, à 50 kilomètres au nord-ouest de Londres, est fréquentée à quelque 80% par des élèves musulmans. Il y a plusieurs années, elle accepta de se plier aux exigences vestimentaires de leur foi et de leur héritage, avec notamment un uniforme pour les élèves féminines composé d’un pantalon shalwar kameez pakistanais, d’un blouson et d’un hijab. Mais, en 2004, lorsqu’une adolescente d’origine bangladeshi, Shabina Begum, insista pour porter un jilbab, un vêtement couvrant le corps entier, excepté le visage et les mains, les administrateurs de Denbigh refusèrent.

La controverse se termina devant la cour d’appel, laquelle trancha en faveur de Shabina Begum. En conséquence, les écoles britanniques sont maintenant tenues par la loi d’accepter le jilbab. Et par-dessus le marché, c’est Cherie Booth, l’épouse du premier ministre Tony Blair, qui défendit Begum en appel. Mme Booth qualifia ce jugement de « victoire pour tous les musulmans qui tiennent à préserver leur identité et leurs valeurs en dépit des préjugés et de la bigoterie ».

Par contraste, la même année, le gouvernement français déclarait le hijab, le foulard musulman, hors la loi dans les institutions éducatives publiques, malgré une féroce opposition tant en France que de la part des islamistes du monde entier. A Téhéran, des protestataires scandèrent : « Mort à la France ! » et « Mort au sioniste Chirac ! » Le mufti de l’Autorité palestinienne, Ikrima Said Sabri, déclara que « le bannissement du hijab par les lois françaises constitue un acte de guerre contre l’islam en tant que religion ». Le grand mufti saoudien, Abdul Aziz al-Sheikh, parla d’atteinte aux droits de l’homme. Lorsque l’Armée islamique en Irak captura deux journalistes français et menaça de les tuer si l’interdiction du hijab n’était pas annulée, Paris tint bon.

Quelle est l’origine de cette profonde différence d’attitude ? Les Britanniques semblent avoir perdu le goût de leur propre héritage tandis que les Français tiennent au leur : les Anglais interdisent la chasse au renard, et les Français interdisent le hijab. Les uns adoptent le multiculturalisme, les autres restent fiers de leur patrimoine culturel. Ses choix en matière d’identité rendent la Grande-Bretagne très vulnérable aux ravages de l’islam radical, alors que la France, malgré toutes ses dérives politiques, a conservé un amour-propre qui peut encore la préserver du naufrage.

  • Directeur du forum du Moyen-Orient, membre de l’Institut américain pour la paix (dépendant du président des Etats-Unis). Adaptation française : Alain Jean-Mairet.

II.3.L’ami, l’allié, le partenaire...

Valeurs Actuelles n° 3581 paru le 15 Juillet 2005

Devant des opinions publiques qui doutent, les deux pays s’emploient
à réunir leurs efforts. Contre le terrorisme ou le nucléaire iranien.

Qui avait dit, au lendemain du veto français contre la guerre
américaine en Irak, en 2003 : « Il faudra pardonner la Russie,
oublier l’Allemagne et punir la France » ? Qui ? Condoleezza Rice,
alors conseiller national à la sécurité de George Bush ? Elle n’en a
pas le moindre souvenir, maintenant qu’elle est devenue secrétaire
d’État. Donald Rumsfeld, le ministre de la Défense ? Il en a dit
bien d’autres, mais pas ces mots-là. Si personne n’a donc prononcé
cette sentence, toute l’Amérique dirigeante l’avait pourtant pensée.

Mais les choses ont changé depuis que George Bush et Jacques Chirac
ont dîné ensemble à Bruxelles, le 22 février dernier. Chacun
s’emploie désormais à resserrer les liens : la guerre contre le
terrorisme, le contrôle du Proche et Moyen-Orient ne permettent pas
la dispersion des moyens. Le 2 mai, Michel Barnier, alors ministre
des Affaires étrangères, retournait à Washington pour la seconde
fois en six mois : il rencontrait Condoleezza Rice et le président
Bush le recevait en audience. Son successeur, Philippe Douste-Blazy,
a atterri à Washington, le soir du 4 juillet, date symbolique de
l’indépendance américaine. Il avait voulu que son premier vrai
voyage à l’étranger fût pour les États-Unis. La formule de 2003 est
inversée : « Il faudrait punir la Russie s’il le fallait, oublier
l’Allemagne mais pardonner la France », dit-on maintenant au
Département d’État...

Les opinions publiques n’en sont pas là. Toute notre diplomatie est
encore sous le choc d’un sondage réalisé du 8 au 12 juin dernier,
aux États-Unis et en France, par l’institut TNS Sofres pour la
French American Foundation. C’est le sondage le plus négatif qui ait
été publié depuis dix-sept ans sur les relations entre les deux
pays. Pour 45 % des Américains, les Français sont des « adversaires » -
un chiffre qui a triplé en cinq ans ! Un Américain sur quatre
seulement considère la France comme « un allié fidèle ». Il n’y a que
17 % de Français pour penser la même chose des États-Unis... C’est
dire le courant qu’il faut remonter.

D’où cette phrase leitmotiv que Philippe Douste-Blazy a pris soin de
répéter à tous ses interlocuteurs américains, chefs d’entreprise,
diplomates, syndicalistes, représentants de la communauté juive, de
la communauté française de Washington et de celle de Chicago, ou au
maire de cette ville : « Pour la France, les États-Unis sont un ami,
un allié, un partenaire, et parce que nous sommes des amis nous
pouvons nous parler en toute franchise... »

C’est par cela qu’il commence son propos devant la presse américaine
qu’il rencontre en sortant de son déjeuner de travail avec « Condi »
Rice, le 5 juillet. Encadrant le portrait de Benjamin Franklin que
la toute jeune Amérique avait dépêché à Paris auprès de Charles
Gravier de Vergennes, les drapeaux américain et français éclairent
le salon cramoisi du Département d’État dont les balcons donnent sur
le Jefferson Monument.

« French touch » et « American way of life ».

« Mon cher Philippe, dit Condoleezza Rice, en tailleur vert amande,
coiffure stricte et décidément souriante, nous n’oublions pas que,
sans les Français, nous n’aurions pas célébré hier la date
anniversaire de la naissance de l’Amérique... » « Ma chère Condi, lui
répond le ministre français qui la connaît à peine pour l’avoir
seulement rencontrée en tête-à-tête à Londres, deux semaines plus
tôt, nous ne rêvons que d’allier la French touch à l’American way of
life ! »

Ils n’ont parlé d’aucun sujet qui fâche, seulement de ceux qui
réunissent.

Le matin même, le Wall Street Journal, dont les éditoriaux ne
manquent jamais d’épingler la France, reconnaît, sous le titre « The
Glory of France », que « les Français fournissent un brillant
exemple des bénéfices produits par l’énergie nucléaire depuis des
décennies. Ce pays consomme moins de 4 % de l’énergie mondiale, mais
il produit plus de 15 % de la puissance nucléaire de la planète »,
ce qui lui vaut d’avoir été choisi pour accueillir le réacteur
expérimental Iter et d’être fréquemment cité en exemple par George
Bush.

Quelques jours plus tôt, c’est le redoutable Washington Post qui
fait la publicité de nos services secrets : « Le concours décisif de
la France pour les opérations clandestines de lutte contre le
terrorisme... » L’article révèle que s’est constitué en 2002, à Paris,
et dans le plus grand secret, avec l’appui de Jacques Chirac, en
pleine polémique franco-américaine, un centre de renseignement et
d’action antiterroriste dont le nom de code est « Alliance Base »,
entre la CIA et nos services, DGSE et DST. John McLaughlin, ancien
directeur de la CIA par intérim, souligne que les relations entre
services américains et français sont les meilleures du monde : « 
Leur contribution (des Français) est extraordinairement utile... »
Unité de vue, donc, disent ensemble Condi Rice et Douste-Blazy, sur
Haïti, les Balkans, le Kosovo, l’Afghanistan, mais aussi sur le
Proche-Orient : le Liban dont la France se veut le parrain, la Syrie
qui provoque l’inquiétude, Israël et la Palestine où tout doit être
fait pour soutenir ce qui est en train de se passer. Ariel Sharon,
invité par la France, sera reçu à Paris le 27 juillet. « Retrait de
Gaza unilatéral - et alors ? dit notre ministre des Affaires
étrangères. Réjouissons-nous, allons plus loin ! »

Et les menaces du Hamas chez les Palestiniens, celles du Hezbollah
chez les Libanais ? Gros risque de provocations, ici pour
interrompre le processus de paix, là pour faire revenir les troupes
syriennes. « Il faut désarmer les terroristes - mais aussi tenir
compte des élections... » Le Hezbollah a fait élire des députés à
Beyrouth, le Hamas a obtenu un succès aux municipales palestiniennes.
Philippe Douste-Blazy cite le projet de son ami James Wolfensohn,
l’ancien président de la Banque mondiale, qui veut réunir 3
milliards de dollars pour offrir une alternative aux réseaux
d’assistance (sociale, sanitaire, scolaire) du Hamas ou du
Hezbollah. « Europe et États-Unis, nous avons partie liée au Proche-
Orient ! » Pas seulement à Jérusalem ou à Beyrouth, à Téhéran aussi,
et d’autant plus depuis l’élection d’un fondamentaliste à la
présidence.

Iran égale nucléaire. L’accord de Paris, négocié entre Européens et
Iraniens l’année dernière, mais avec le précédent pouvoir, prévoit
la suspension de toute activité nucléaire iranienne afin d’éviter le
passage du civil au militaire. « Les Iraniens n’ont pas besoin de
nucléaire - même civil », tranche Condi Rice. Or, tout le monde en
est convaincu, le nouveau pouvoir va vouloir affirmer sa
souveraineté, à travers le nucléaire.

Que se passera-t-il alors ? Européens et Américains se tourneront
vers le Conseil de sécurité : que feront les Chinois et les
Russes ? « Jacques Chirac a obtenu de Vladimir Poutine à Kaliningrad
qu’il désavouerait les Iraniens », révèle Douste-Blazy aux
Américains. Mais s’il prenait envie aux Iraniens de passer outre ?
Leurs installations nucléaires, disent les analystes de politique
étrangère à Washington, seraient détruites. Reste à savoir par qui
et quelles en seraient les conséquences.

Autrement dit, le front est partout. Français et Américains ne se
battent plus sur la définition du terrorisme ou du multilatéralisme.
Chacun a compris, et c’est sur quoi Douste-Blazy a insisté, que pour
avoir quelque chance de succès, l’approche doit être politique et
globale. Le terrorisme peut être vaincu à sa source et pas seulement
chez nous : en traitant ensemble la guerre et la pauvreté, la santé,
les déséquilibres Nord-Sud, l’immigration. Paris est convaincu que
la diplomatie classique n’est qu’une séquence de la diplomatie
globale. Quand les intérêts sont communs, il est plus facile de se
pardonner...

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III.1. Le « Londonistan »

Semaine du 18 octobre 2001 — N°1928 — Dossier

White City, à quelques encablures de Notting Hill, l’un des quartiers les plus branchés de Londres. Des musulmans à la longue barbe et vêtus de l’habit traditionnel croisent des bambins en uniforme bleu marine qui courent après un ballon, blazer au vent. Le Fatima Centre jouxte une école primaire. Ce bâtiment tenu par des catholiques abrite le quartier général de celui qui, selon les enquêteurs, aurait « préparé idéologiquement », Djamel Beghal : Abou Qatada. Ce Palestinien de 42 ans a obtenu l’asile politique en Grande-Bretagne en 1994. Il est accusé par la Jordanie d’être lié à Al-Qaida, l’organisation de Ben Laden, d’être son homme de confiance en Angleterre. Il aurait participé à un projet d’attentats contre des cibles américaines qui devaient semer la terreur lors du passage à l’an 2000 - projet qui n’a pas vu le jour. Ce qu’Abou Qatada nie en bloc. Jusqu’en 1996, rédacteur du journal « El-Ansar », « voix du djihad en Algérie et dans le monde entier », en clair le bulletin du GIA, il était l’un des intellectuels qui légitimaient par leurs fatwas l’action des groupes armés. Avec l’Egyptien Abou Hamza, qui a combattu comme lui en Afghanistan contre les Russes, il est l’un des leaders du courant « salafiste djihadiste » en Angleterre.

A l’époque où Djamel Beghal vivait à Londres, Abou Qatada n’était pas encore installé au Fatima Centre mais à Kingsbridge, dans une maison qu’il avait transformée en mosquée, puis au club Four Feathers. Dans ce bâtiment de brique rouge aux allures de bunker, la salle de prière côtoyait un petit gymnase où les fidèles venus écouter les prêches d’Abou Qatada pouvaient aussi s’entraîner aux arts martiaux... Aujourd’hui, les Britanniques semblent désireux de se racheter de leur « laxisme » passé. Ils viennent ainsi d’accepter l’extradition de Rachid Ramda, le financier présumé des attentats de 1995 à Paris, réclamé par la France depuis six ans ! Scotland Yard a également laissé entendre que le cheikh Omar Bakri, d’origine égyptienne, chef du mouvement Al-Muhadjiroun (les Immigrants), qui a lancé après les attentats du 11 septembre une fatwa appelant à l’assassinat du président pakistanais Moucharraf, pourrait être arrêté. L’Egyptien Yasser Tawfik Alsiri, directeur à Londres de l’Islamic Observation Center, réclamé par l’Egypte pour des actes de terrorisme et soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’assassinat du commandant Massoud, est lui aussi particulièrement surveillé. Abou Qatada conservera-t-il longtemps sa « chaire » au Fatima Centre ? « Il a été arrêté en janvier dernier, avec quatre de ses proches, mais relâché faute de preuves, dit un policier de Scotland Yard. La demande d’extradition faite par la Jordanie est toujours à l’étude. » Aujourd’hui, Abou Qatada se méfie des journalistes, mais il continue à s’exprimer librement...

Nouvel Observateur - N°1928

Copyright © 2000 Le Nouvel Observateur


III.2. La nébuleuse des islamistes passés par Londres et considérés comme étant liés à Al-Qaida

LE MONDE | 11.07.05 | 13h44

LONDRES de notre correspondant

Abou Qatada.

Ce Palestinien de 44 ans, de son vrai nom Omar Othman, est considéré par les services de sécurité comme le « chef spirituel » d’Al-Qaida en Europe. Il fut le prêcheur radical le plus important au Royaume-Uni et, selon Londres, « une inspiration » pour des terroristes. Condamné par contumace à la prison à vie en Jordanie, il est arrivé en 1993 en Grande-Bretagne où il a obtenu le statut de réfugié politique.

En septembre 2003, le juge espagnol Baltasar Garzon l’a inculpé pour appartenance à Al-Qaida, mais Londres a refusé de l’extrader vers l’Espagne. Détenu sans jugement dans la prison de haute sécurité de Belmarsh pendant deux ans et demi, d’octobre 2002 à mars 2005, il est actuellement assigné en résidence.

Abou Hamza Al-Masri.

De nationalité britannique mais d’origine égyptienne, cet imam de 47 ans est l’ancien prédicateur de la mosquée salafiste de Finsbury Park, au nord de Londres.

Détenu depuis mai à Belmarsh, il est poursuivi par la justice pour incitation à la haine raciale, incitation au meurtre et terrorisme. Les Américains ont demandé son extradition. Ils l’ont inculpé de 11 chefs d’accusation, notamment d’avoir commandité une prise d’otages au Yémen en décembre 1998 et cherché à installer un camp d’entraînement pour Al-Qaida fin 1999 dans l’Etat de l’Oregon.

En 1993, en Afghanistan, il a perdu un oeil et ses mains en manipulant des explosifs, un handicap qui a contribué plus tard, photos obligent, à sa notoriété.

Omar Bakri Mohammed.

Ce fils de la bourgeoisie syrienne, né à Alep en 1959, est un prêcheur itinérant. Il a fondé le mouvement islamiste Al-Mouhadjiroun (les Emigrants), soupçonné d’être lié à Abou Qatada, et qui s’est dissous en octobre 2004. Son pedigree islamiste est impeccable : il étudie et combat au Liban, s’exile en Arabie saoudite, fonde à Djedda l’embryon de sa future organisation, puis, persona non grata, se réfugie à Londres en 1986 et obtient l’asile politique. Depuis 1992, il préside un tribunal religieux indépendant. Dans un entretien au Monde , en septembre 2002, « OBM » ­ comme il aime à s’appeler ­ se plaisait à inventorier « toutes les victoires » dont il disait savoir gré à Al-Qaida et à son chef Oussama Ben Laden.

Richard Reid.

Il est devenu tristement célèbre sous le sobriquet de « l’homme aux chaussures piégées » ­ bourrées d’explosifs ­ qu’il portait lorsqu’il fut arrêté le 22 décembre 2001 à bord du Boeing d’American Airlines assurant la liaison Paris-Miami. Agé de 31 ans, il est né à Bromley, dans le sud-est de Londres, d’une mère anglaise et d’un père jamaïquain.

Ancien petit délinquant, il fréquente une mosquée de Brixton, où il croise notamment le Français Zacarias Moussaoui, aujourd’hui détenu aux Etats-Unis pour complicité dans les attentats du 11-Septembre. Enthousiaste et vulnérable, il fut une proie facile pour les rabatteurs en quête de recrues pour le compte des dirigeants islamistes londoniens. Lors de son procès, il a plaidé coupable et a été condamné par la justice américaine à la détention à vie.

Mohammed Al-Guerbouzi.

Agé de 46 ans, alias Abou Aïssa, il est l’un des fondateurs, au milieu des années 1990, du Groupe islamique combattant marocain (GICM), surnommés « les Marocains afghans » . Il se trouvait dans les camps de Kandahar en 2001 et a fait allégeance à Ben Laden en décidant de mener des opérations au Maroc. La justice marocaine l’a condamné par contumace à 20 ans de prison en décembre 2003 après l’avoir accusé d’avoir joué un rôle d’organisateur dans les attentats-suicides de Casablanca en 2003. Londres a refusé plusieurs fois de l’extrader vers son pays. Le Marocain Jamal Zougam, l’un des auteurs des attentats de Madrid, avait appelé des numéros de téléphone fixe et portable d’Al-Guerbouzi à Londres. Dans une déclaration à la chaîne qatarie Al-Jazira, ce dernier a démenti, dimanche, être recherché par la police britannique en relation avec les attentats de Londres.

Moustapha Setmariam Nasar.

Syrien d’origine, âgé de 47 ans, il a vécu à Londres pendant quelques années à partir de 1995, au cours desquelles il aurait notamment fréquenté Abou Qatada.

En septembre 2004, il avait été désigné par le journal El Pais , citant des sources espagnoles, comme un responsable important d’Al-Qaida, considéré comme l’un des organisateurs des attentats de Madrid. Il aurait vécu à Grenade, au sud de l’Espagne, avant de diriger plusieurs camps d’entraînement terroriste en Afghanistan jusqu’à la chute du régime des talibans. A Londres, il aurait intégré la rédaction d’Al-Ansar , l’organe du Groupe islamique armé algérien. Il serait actuellement soit en Irak, soit dans la zone frontalière entre le Pakistan et l’Afghanistan.

Jean-Pierre Langellier

Article paru dans l’édition du 12.07.05

© Le Monde.fr


III.3.Attentats de Londres : Face aux paroles qui tuent, la tolérance zéro est de mise

Par Claude Moniquet, Président de l’ESISC

ESISC

10/7/2005

(Ce texte a été rédigé à la demande du quotidien madrilène « ABC », qui l’a publié en espagnol dans son édition de ce dimanche 10 juillet 2005)

Tous les observateurs s’accordent à déclarer que les attentats qui ont frappé Londres ce 7 juillet ne sont pas une surprise. Nous-mêmes, dans plusieurs analyses récentes mises en ligne sur notre site Internet, nous avions placé la Grande-Bretagne en première position des pays européens « ciblés » par le terrorisme islamiste. Les Britanniques, eux-mêmes, n’ignoraient rien de la réalité de la menace. Depuis longtemps d’ailleurs, les responsables de leurs services de sécurité déclaraient que la question n’était pas de savoir « si » leur pays allait être touché, mais bien « quand » et « où » il le serait. Et pourtant, même si les choses ont un peu commencé à changer depuis le 11 septembre 2001, Londres - qui s’était vu surnommer ironiquement le Londonistan - restait la capitale mondiale de l’islamisme militant voire armé.

C’est à Londres que des dizaines d’organisations islamistes (dont certaines sont même interdites dans des pays aussi peu suspects d’islamophobie que l’Arabie saoudite...) avaient trouvé refuge. Au nom de la sacro-sainte liberté d’expression, le gouvernement laissait vivre et prospérer cette mouvance. Des mosquées comme celle de Finsburry Park étaient ainsi devenues des centres de ralliement mondiaux de tout ce que la planète comptait de plus extrémiste dans la mouvance islamiste. Tout complot terroriste d’une certaine ampleur avait, immanquablement, à un moment ou l’autre, des ramifications à Londres. C’est dans cette ville que les islamistes concoctaient et organisaient leur propagande, qu’ils trouvaient une partie de leur financement, qu’ils recrutaient, qu’ils organisaient leurs attentats et nouaient leurs relations internationales, dans l’entourage de l’incontournable Abou Qutada, représentant quasi officiel d’Oussama Ben Laden et d’Al Qaïda en Europe.

Dans certaines mosquées, Abou Qutada et d’autres, comme Cheikh Omar al-Bakri, prêchaient ouvertement le Djihad, le renversement des institutions démocratiques (y compris en Angleterre) et l’assassinat des « chrétiens et des juifs ». Sans que la justice britannique n’y trouve rien à redire, la liberté d’expression étant une valeur absolue.

Sans mettre en cause les libertés civiles, on peut quand même penser qu’il y a un pas entre la liberté de parole et de culte et l’appel au meurtre. Pousser à l’assassinat ou à la guerre, appeler à la subversion des institutions démocratiques et à leur annihilation, inciter à la haine religieuse, applaudir aux massacres de civils innocents - femmes et enfants compris - ce n’est pas exprimer une opinion, c’est commettre un délit. La justice britannique aurait été bien inspirée de s’en rappeler. Car, à la fin des fins, ce que la tolérance dévoyée de Londres lui a rapporté n’est rien autre que la mort et la désolation.

Depuis des années, la justice refusait, par exemple, d’extrader Rachid Ramda, considéré par la France comme le financier et l’organisateur des attentats de Paris, à l’été 1995. Par un cruel retournement du sort, la voilà maintenant en train de demander à ses alliés de l’aider à mettre la main sur Mohamed al-Guerbouzi, un Marocain ayant bénéficié, pendant près de vingt ans du statut de réfugié politique sur le sol anglais. L’homme est considéré comme l’un des principaux chefs du CICM marocain et comme l’un des concepteurs des attentats de Casablanca et de Madrid. Rabat avait, à ce titre, réclamé son extradition. En vain. Que Mohammed al-Guerbouzi soit ou non impliqué dans la tragédie de jeudi dernier, une chose est certaine : les attentats n’auraient pas pu être réalisés sans l’assistance d’éléments ayant longtemps vécu en Grande-Bretagne.

En privé, les responsables de la police et des services de sécurité critiquaient les juges mais expliquaient que leur attitude avait au moins une conséquence positive : elle permettait d’observer les extrémistes, de les écouter, de les suivre et ainsi de rassembler du renseignement « utile ». On sait désormais, malheureusement, ce que vaut cet argument : tous les renseignement rassemblés n’ont pas permis d’éviter un massacre.

On souhaite dès lors que le drame du 7 juillet serve au moins à une chose : rappeler aux Britanniques, d’abord, et au reste de l’Europe, ensuite, qu’il y a des limites dont on ne peut accepter le dépassement. Face aux appels au Djihad et à la haine, c’est désormais la tolérance zéro qui doit être de mise. Car il y a des paroles qui tuent. Et après les mots, viennent toujours les actes.


III.4.Londonistan

Serge Truffaut

Le Devoir, 8 juillet 2005

En raison du nombre de radicaux islamistes installés sur les bords de la Tamise, Londres, dans les années 90, avait été surnommée Londonistan. Ces radicaux jouissaient jusqu’alors de la tradition du droit d’asile et de toutes les conséquences juridiques que cela suppose. En voici l’histoire.

Tout commence en Algérie en 1992 lorsque les autorités du pays prennent la décision d’annuler les élections afin d’empêcher l’arrivée au pouvoir des islamistes. Le geste a pour conséquence un essor immédiat du Groupe islamique armé (GIA). À la suite d’un attentat dans lequel des musulmans sont tués, une scission se produit. Les dissidents se rassemblent alors au sein du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

Figure de proue de cette organisation, Hassan Hattab s’installe à Londres au début de 1994 après avoir été adoubé par Oussama ben Laden responsable de l’implantation d’un réseau d’al-Qaïda en Europe. C’est du moins ce que soutient un universitaire, Rohan Gunaratna, dans son livre qui fait autorité auprès des bonzes britanniques de la lutte antiterroriste. Le titre ? Inside Al-Qaeda : Global Network of Terror.

Le choix de Londres, on s’en doute, avait été mûrement pesé. Comparativement à d’autres pays européens, la Grande-Bretagne avait ceci d’avantageux : la loi sur l’immigration est plus laxiste que sur le continent, les autorités respectent méticuleusement le droit à la vie privée et, enfin, les budgets accordés à la lutte antiterroriste — avant le 11 septembre 2001 — étaient constamment réduits.

Qui plus est, l’ensemble des lois afférentes au droit d’association, au financement des organismes de charité, etc., est plus souple qu’ailleurs. Par exemple, en France, juges et policiers peuvent s’appuyer sur la notion dite d’association de malfaiteurs pour mettre en garde à vue, envoyer en prison et autres. Il n’existe pas d’équivalent en Grande-Bretagne.

En juillet 1994, les partisans de Ben Laden ouvrent à Londres un bureau baptisé Advice and Reformation Committee. Un certain Khaled al-Fawaz est nommé directeur de cette officine. C’est de là qu’il planifie, assurent les services de renseignement américains, les attaques contre les ambassades du Kenya et de la Tanzanie.

Après la série d’attentats commis à Paris au cours de l’été 1995, dont l’explosion au métro Saint-Michel a été le point culminant, Rachid Ramda, un des auteurs de ceux-ci, a trouvé refuge à Londres, évidemment. Depuis des années, la France demande en vain son extradition. Ce qui va pour la France va également pour l’Allemagne. Certains radicaux réclamés par Berlin sont dans les environs de la Tamise.

Du milieu des années 90 à aujourd’hui, les islamistes vont faire de Londres leur centre opérationnel en multipliant associations et organisations qui servent de paravents à leurs basses besognes. Dans quel but ? Instaurer le califat et imposer la charia, en Grande-Bretagne notamment.

Parmi ces organisations, certaines méritent qu’on s’y arrête. C’est à Londres qu’Azzam Publications a installé son siège social. Cette maison d’édition porte le nom du leader spirituel d’Oussama ben Laden, qui a suivi son enseignement de 1979 à 1989. Pour Azzam, le djihad doit se poursuivre tant et aussi longtemps que le dernier des infidèles n’aura pas disparu de la surface de la Terre. Depuis sa fondation, en 1997, Azzam édite des livres aux propos incendiaires en plus de relayer les publications haineuses produites par des tiers, qu’elle distribue en usant des casiers postaux.

De tous les groupes organisés, la section londonienne du Islamic Liberation Party est une des plus célèbres. La raison en est simple : son leader, le Syrien Omar ben Bakri, clame haut et fort et en public sa haine des Occidentaux et des Juifs. Il est si fanatique, si actif, qu’il a greffé une ribambelle d’associations à son mouvement afin, entre autres choses, de recueillir des fonds destinés à l’entretien du réseau mais surtout au recrutement des terroristes.

Ceux-ci, c’est à retenir, sont presque toujours des musulmans détenant un passeport de l’Union européenne et qui, une fois conquis à la cause, sont envoyés en Jordanie pour parfaire leur entraînement.

Après le 11 septembre 2001, les autorités britanniques ont enfin convenu de modifier certains aspects de leur législation. Elles ont renforcé leur loi sur l’immigration et musclé celle qui touche au financement des organismes de charité. Mais elles n’ont toujours pas pris les mesures nécessaires au combat contre l’encouragement à la haine et la propagation de celle-ci, contrairement, une fois encore, à l’Allemagne et à la France. Il est écrit dans le ciel que tout cela est appelé à être modifié de fond en comble.


III.5. A « Londonistan », l’islamisme a droit de cité

Christophe Boltanski

Libération

7 octobre 2001

Quand les policiers français parlaient encore récemment du "danger
islamiste" à leurs confrères britanniques, ils percevaient un léger
sarcasme. « On nous prenait pour des paranos », se souvient l’un
d’eux. Aujourd’hui, le Premier ministre Tony Blair se veut à la
pointe de la lutte antiterroriste et dépêche ses troupes en Asie
centrale. Mais ses services découvrent que l’ennemi se trouve aussi
à quelques miles de son bureau. Depuis des semaines, les inspecteurs
de Scotland Yard scrutent le « Londonistan », ce terreau du
fondamentalisme musulman, plus que jamais en effervescence. Ils
s’intéressent moins aux militants les plus tapageurs qu’à un imam
très discret de l’ouest de Londres.

Juché sur une borne, un homme harangue les fidèles qui sortent de la
grande mosquée de Regent’s Park. "USA en enfer ! Grande-Bretagne en
enfer ! Ben Laden fait la guerre ! Ben Laden, on en veut davantage !"
Ses cris sont repris par quelques dizaines de jeunes à la barbe
naissante. L’orateur scande « Jihad, jihad ! » pendant que ses
partisans brûlent des tissus aux couleurs de l’Amérique et du
Royaume-Uni ou crachent sur les photos des dirigeants
musulmans « complices » de l’Occident. Dans une mise en scène importée
tout droit d’Orient, affiches et drapeaux finissent en fumée, sous
l’œil impassible d’une douzaine de policiers de Sa Majesté. En ce
vendredi, jour de prière, les islamistes radicaux viennent recruter
des adeptes devant le lieu de culte musulman le plus officiel et le
plus contrôlé de la capitale britannique, celui que fréquentent les
ambassadeurs arabes et les princes du Golfe. Ils militent à Al-
Mouhajiroun (les Exilés), un mouvement très actif et très
bruyant. "C’est un conflit entre deux civilisations, les infidèles
d’un côté, les croyants de l’autre", explique l’orateur, reprenant
mot pour mot la rhétorique de Ben Laden. Il porte le bonnet de laine
afghan et une djellaba noire. Interrogé sur sa tenue, il déclare
avoir suivi, à la tête d’un groupe de musulmans britanniques,
un « entraînement militaire » de sept à huit semaines en
Afghanistan. "C’est une obligation pour tout fidèle de se préparer
au jihad." Ce moudjahid est né en Angleterre il y a vingt-six ans de
parents pakistanais. Derrière lui, un autre manifestant électrise
des adolescents somaliens : "Le drapeau vert (de l’islam, ndlr)
flottera au-dessus de la Maison Blanche. Ce n’est plus qu’une
question de temps. Nous sommes un géant endormi et ils le savent.« Blair, »cible légitime"

Avec ses appels enflammés, son prosélytisme tous azimuts et ses
menaces à peine voilées, Al-Mouhajiroun inquiète les Britanniques et
fait les gros titres des tabloïds. Le 9 octobre, l’un de ses porte-
parole à Lahore (Pakistan), Abdel Rahman Salim, a prévenu que le
Premier ministre Tony Blair constituait désormais "une cible
légitime" depuis que ses troupes participent à l’offensive contre
les taliban. Propos aussitôt démentis par le chef du mouvement, à
Londres, selon une répartition délicate des rôles et des mots. "Ses
paroles ont été sorties de leur contexte. Je doute qu’il ait pu dire
une chose pareille." Serein, malgré les articles de presse qui
annoncent son arrestation prochaine, le cheikh Omar Bakri Mohammed
présente son organisation comme "un parti politique, une sorte de
centre de réflexion". Ce dissident syrien, réfugié depuis 1986 à
Londres, déclare entretenir des relations « détendues » avec la
police, qui l’a interrogé à six reprises. "Ils écoutent mes
conversations téléphoniques. Je leur ai dit qu’ils pouvaient." Il
nie toute activité clandestine. "Le gouvernement sait très bien que
nous ne faisons partie d’aucun réseau. Nous sommes trop visibles."

A la suite des dérapages contrôlés du lieutenant d’Al-Mouhajiroun,
Scotland Yard vient pourtant d’ouvrir une enquête sur le mouvement.
Une de plus. Mais le cheikh Omar Bakri dit n’avoir rien à craindre.
Jusqu’à présent, il a toujours réussi à jongler avec le cadre très
souple de la législation britannique. Ainsi n’a-t-il pas été
inquiété après sa récente fatwa de mort, prononcée en pleine rue,
contre le président pakistanais Pervez Musharraf. "On m’avait aussi
accusé d’avoir menacé John Major (l’ancien Premier ministre
britannique, ndlr). Mais la police n’a jamais rien trouvé contre
moi."

Depuis sa mosquée de Finsbury Park, au nord de Londres, un autre
religieux, d’origine égyptienne, Abou Hamza al-Masri, défraye la
chronique avec ses violentes déclarations et son passé de moudjahid.
Il a perdu son œil gauche et ses deux mains en luttant contre
l’Armée rouge en Afghanistan. De nombreux réfugiés algériens
viennent l’écouter. Au lendemain du 11 septembre, il avait approuvé
les attentats au nom de « la légitime défense ». Aujourd’hui, il
refuse d’être interrogé autrement que par téléphone et dénonce
un « complot sioniste » dont le but serait "de déclencher la troisième
guerre mondiale« . Selon un leader islamiste, »Abou Hamza manque de
pensée cohérente et n’a pas de rapport avec un groupe armé. Si
jamais il le prétend, c’est pour briller devant les jeunes", ironise-
t-il. "Les gens entrent à Finsbury comme dans un moulin. Personne ne
sait qui est qui." Le bâtiment en brique rouge, cerné chaque
vendredi par la police, se prête mal à un rendez-vous de
conspirateurs. Un avis partagé par un responsable de la
sécurité : "Bakri et Abou Hamza sont surtout des grandes gueules. Ils
forment la partie émergée de l’iceberg."

Qoutada, réfugié politique

Les enquêteurs s’intéressent davantage à un troisième personnage,
beaucoup plus effacé. Un docteur de la charia, Palestinien de
nationalité jordanienne, né près de Bethléem en 1960 : Omar Mahmoud
Othman. Son nom, ou plutôt son surnom, Abou Qoutada, est revenu à
plusieurs reprises lors de l’interrogatoire à Paris du Franco-
Algérien Djamel Beghal, chef présumé du groupe démantelé par la DST,
Takfir-wal-Hijra (Anathème et Exil). D’autres personnes arrêtées
depuis les attentats du 11 septembre auraient suivi son
enseignement. Vendredi, son compte en banque a été gelé sur ordre du
ministère des Finances. Abou Qoutada figure sur la liste établie par
le FBI américain de 38 individus et organisations suspectés
d’entretenir « des liens avec le terrorisme ».

En 1993, la Grande-Bretagne lui avait accordé le statut de réfugié
politique. Il prêchait à la grande mosquée de Regent’s Park, avant
d’en être expulsé sous la pression de la Jordanie. En avril 1999,
une cour militaire jordanienne l’a condamné par contumace à la
prison à vie. Il aurait financé un commando, l’Armée de Mohammed,
qui préparait une série d’attentats lors des fêtes du millénaire.
Depuis deux ans, il réunissait son carré de fidèles dans un club
sportif, The Fourth Feather (la Quatrième Plume), à deux pas de
Regent’s Park. L’immeuble est actuellement en travaux. Mais c’est
apparemment chez lui qu’il dispensait son message le plus musclé.
Selon « The Observer », Djamel Beghal, un de ses présumés complices,
l’ex-footballeur tunisien Nazir Trabelsi et le Franco-Algérien
Zacarias Moussaoui, qui aurait pu être, selon le FBI, le vingtième
pirate de l’air s’il n’avait pas été pris avant l’attentat, ont
entamé leur long voyage au bout de l’islamisme au contact d’Abou
Qoutada. "Ils sont tous passés par lui, même, semble-t-il, certains
des pirates de l’air", affirme un connaisseur du dossier.

L’imam était depuis longtemps dans le collimateur des services,
notamment français. S’est-il borné à prêcher le jihad ou a-t-il
servi d’agent recruteur ? Faute de pouvoir répondre à cette question,
Scotland Yard se serait contenté de l’interroger à deux reprises.
Abou Qoutada habite une maison d’un étage en crépi, à Acton,
faubourg défavorisé de l’ouest de Londres. Grand, massif, barbe
abondante, il refuse de parler aux journalistes, prétextant son
mauvais anglais, puis déclare que "les médias français sont tous
hostiles aux musulmans". Par deux fois, il a été invité sur le
plateau londonien de la télévision qatarie Al-Jezira. Sami Haddad,
qui animait le débat, le décrit comme un homme "érudit, un docteur
de la loi et non un politique« , qui prône un retour »aux racines de
l’islam". Devant les caméras, l’imam avait justifié la destruction
par les taliban des deux bouddhas géants de Bamyan au nom du rejet
de l’idolâtrie.

Basculement

Selon leur entourage, Djamel Beghal, Nazir Trabelsi ou Zacarias
Moussaoui menaient des existences paisibles avant leur traversée de
la Manche. Le basculement se serait produit au hasard des rencontres
dans le « Londonistan ». Pour le GIA algérien, le Jihad islamique
égyptien et tant d’autres groupes islamistes clandestins, la
capitale britannique est en fait un sanctuaire, un lieu de liberté
et une caisse de résonance. Mais aussi un creuset. Les dissidents
politiques, arrivés par milliers sur les bords de la Tamise, sont
coupés de leurs luttes nationales respectives. De nouveaux
groupements se forment par affinités idéologiques et non plus
communautaires. Le combat s’élargit. "Ces gens ont échoué dans leur
tentative de renverser leur propre gouvernement par la force. C’est
pourquoi ils se tournent aujourd’hui contre un nouvel ennemi,
l’Occident, perçu comme le véritable maître des régimes dictatoriaux
arabes", explique Rachid Ghannouchi, leader du mouvement islamiste
modéré tunisien En-Nahda. Condamné en Tunisie, déclaré indésirable
en France, il est arrivé en Grande-Bretagne en 1991. "Pas par
choix", dit-il. A Londres, les Maghrébins se retrouvent souvent
isolés au sein d’une communauté musulmane originaire du Proche-
Orient ou du sous-continent indien. "Quand vous êtes coupés de votre
milieu, vous êtes beaucoup plus perméable aux idées extrémistes",
estime Ghannouchi. Pour lui, les mosquées les plus radicales peuvent
avoir une influence décisive sur des jeunes à la dérive "qui
connaissent mal l’islam".


Le Pakistan reste un havre pour les islamistes radicaux

LE MONDE | 14.07.05 | 11h35 • Mis à jour le 14.07.05 | 13h19

ISLAMABAD de notre correspondante en Asie du Sud

Tentant de disculper le Pakistan ­ - dont les suspects des attentats
de Londres sont originaires et où s’est rendu au moins l’un des
quatre kamikazes britanniques ­-, le ministre de l’intérieur
pakistanais a affirmé, mercredi 13 juillet, qu’Islamabad avait aidé,
en mai, à faire échouer une attaque terroriste en Grande-
Bretagne. "Avant les élections générales au Royaume-Uni, nous avons
reçu des informations indiquant l’éventualité d’une attaque et celle-
ci a été évitée grâce aux informations fournies par le
gouvernement ; des arrestations ont eu lieu dans divers pays, y
compris ici" , a déclaré Aftab Khan Sherpao.

Islamabad affirme que le Pakistan coopère pleinement avec Londres
dans l’enquête en cours sur les attentats. "Toute information utile
dont nous pourrions disposer sera transmise aux autorités
britanniques", a précisé M. Sherpao. Selon la presse pakistanaise,
qui cite des sources des services de renseignement, l’un des
suspects, Shehzad Tanweer, se trouvait dans une école coranique de
Lahore de décembre 2004 à février 2005.

Considéré par Washington comme un allié précieux dans la guerre
antiterroriste, le Pakistan n’en reste pas moins un havre pour les
extrémistes islamistes en tous genres. Le formidable réseau
constitué par les groupes extrémistes locaux et les madrasas (écoles
coraniques), dans lesquelles étudient toujours plusieurs centaines
d’étrangers, sont autant de lieux d’accueil pour des jeunes
Européens musulmans en quête de djihad ou en recherche religieuse.

Les groupes extrémistes et djihadistes pakistanais comme le Lashkar-
e-Taiba ou Jaish Mohammad ont des relais en Grande-Bretagne où ils
recrutent et cherchent des financements. De leur côté, nombre de
familles musulmanes envoient au moins l’un de leurs fils ­ -
généralement l’aîné ­ - pour suivre au Pakistan des études
religieuses. De plus, même chez les émigrés de longue date, le lien
avec le Pakistan reste fort et beaucoup de familles renvoient leurs
enfants au pays pour se marier.

Plusieurs jeunes Britanniques originaires du Pakistan ou du
Cachemire ont déjà été impliqués dans des attentats. Le plus connu
est Ahmad Omar Saeed Sheikh, dont la famille est originaire de
Lahore. Il a été condamné à mort pour l’assassinat du correspondant
du Wall Street Journal Daniel Pearl, à Karachi, en janvier 2002.
Après des études dans un collège du nord-est de Londres et un
passage à la London School of Economics, il avait découvert le
djihad en Bosnie. Mohammad Bilal, 24 ans, un Britannique de
Birmingham, s’était fait sauter le 24 décembre 2000 en visant, lui,
l’état-major de l’armée indienne à Srinagar (Cachemire).

Depuis la chute des talibans en novembre 2001, beaucoup de membres
d’Al-Qaida ont trouvé refuge au Pakistan où ils sont en contact avec
des groupes extrémistes. Au moins cinq hauts dirigeants
opérationnels d’Al-Qaida y ont été arrêtés depuis 2002. Il s’est agi
notamment du Tanzanien Ahmad Khalfan Ghailani, le 25 juillet 2004 à
Gujrat (Pendjab) et du Libyen Abu Faraj Al-Libbi, le 2 mai 2005 près
de Mardan. La plupart de ces fugitifs se cachaient chez des proches
ou des membres du Jamat-i-Islami, le principal parti politique
religieux pakistanais qui a des députés au Parlement. Tous les
responsables d’Al-Qaida arrêtés au Pakistan l’ont été après
intervention américaine.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le Pakistan a arrêté et
livré aux Etats-Unis près de 700 activistes suspectés de liens avec
Al-Qaida. L’armée pakistanaise a perdu environ 500 hommes lors des
opérations antiterroristes dans les zones tribales du sud et du nord
du Waziristan, frontalières de l’Afghanistan. Mais l’importance de
ces mesures est à mettre en parallèle avec le laxisme des autorités
vis-à-vis des discours haineux de certaines madrasas ou des
activités de responsables connus pour leurs liens avec Al-Qaida.

Lors de leurs interrogatoires, plusieurs suspects ont révélé des
liens avec la Grande-Bretagne. Arrêté le 13 juillet 2004 à Lahore,
le jeune informaticien Mohammed Naïm Noor Khan avait séjourné
apparemment à quatre reprises en Grande-Bretagne. Les enquêteurs
avaient affirmé avoir trouvé sur son ordinateur des photos de
l’aéroport d’Heathrow et celles de souterrains d’immeubles à Londres.

Son ordinateur et celui du Tanzanien Ghailani avaient aussi montré
que les deux hommes correspondaient beaucoup avec des membres
supposés d’Al-Qaida en Europe, aux Etats-Unis et en Asie de l’Est.
Les messages leur étaient envoyés, semble-t-il, par Al-Libbi. Selon
les enquêteurs, le décryptage de certains messages impliquait
directement Al-Libbi dans des échanges d’informations sur la
préparation d’actes terroristes avant les élections américaines (en
novembre 2004) et britanniques (mai 2005).

Dans le rôle de coordinateur d’Al-Qaida, Al-Libbi avait remplacé
Khaled Sheikh Mohammed. On peut penser que depuis son arrestation,
il a aussi été remplacé. Selon un expert, les communications du
réseau Al-Qaida passent toujours par Lahore, qui demeure un centre
pour la transmission des ordres, tant l’organisation reste
structurée pour la mise en place de grosses opérations. "La lutte
n’est pas finie et tous les terroristes n’ont pas été éliminés. Ils
travaillent en petits groupes et ont différents maîtres. Nous
devrons poursuivre une action soutenue pour éliminer le terrorisme
de ce pays ", a reconnu le ministre de l’intérieur pakistanais.

Françoise Chipaux

Article paru dans l’édition du 15.07.05




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