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Dialogue de sourds
Par Jonathan Tobin
Article mis en ligne le 7 juin 2005

La déconnection Israël - Diaspora complique le débat sur Gaza (Adaptation française de Catherine Josse ©, relue par Simon Pilczer)

Le premier ministre, Ariel Sharon, est intervenu à New York le mois dernier devant une audience soigneusement sélectionnée de dirigeants sûrs d’applaudir aux bons moments. C’est avec difficulté que quelques personnes en désaccord avec son plan de désengagement de la bande de Gaza ont réussi à assister à son discours.

Par contre, lorsque le Lt Col Lior Lifschitz s’est adressé à un autre groupe à Philadelphie quelques jours plus tard, à l’occasion d’un meeting organisé par la ‘Jewish Federation of Greater Philadelphia’s Center for Israel and Overseas’ [en français : Fédération juive du Grand Philadelphie pour Israël et l’Outremer, ndt], un certain nombre d’opposants n’ont eu aucun mal à se joindre à l’assistance peu nombreuse pour discuter des défis que l’armée israélienne devait affronter.

Mais tant pour Sharon que pour Lifschitz, l’homme chargé d’entraîner les officiers et les soldats pour le difficile travail d’évacuation de Gaza cet été selon les ordres de Sharon, le résultat a été plutôt similaire. Si tous les deux ont probablement pu compter sur l’approbation de la majorité des Juifs américains, un nombre conséquent de personnes qui aiment Israël sont indignés à la fois par le plan de Sharon et par les préparatifs de Lifschitz et d’autres pour le mettre en œuvre.

Dans le cas de Sharon, son discours a été interrompu par des perturbateurs qui ont été immédiatement évacués de force par la sécurité. Mais puisque les officiers subalternes doivent toujours faire le sale travail que les généraux peuvent éviter, Lifschitz a dû écouter les opposants et faire face à leurs questions sans l’aide d’un videur.

Comme tout bon officier, Lifschitz a fait tout son possible pour affirmer que rien de ce qui allait se passer cet été n’avait été suggéré par l’armée. « C’est le gouvernement qui a décidé. L’armée doit obéir, a-t-il dit franchement, c’est cela, la démocratie. »

‘C’EST BON POUR ISRAEL’

En ce qui concerne les motivations politiques de ce choix, Lifschitz a refusé de prendre parti. Mais il a néanmoins marqué un point important en rappelant que les implantations de Gaza sont le fruit d’une politique gouvernementale, et non du mouvement des pionniers.

« C’est le gouvernement qui nous a mis là. Le gouvernement peut donc nous en retirer, » a-t-il conclut avec fermeté.

Lorsqu’il a dit que Gaza était « un territoire occupé » et « qui ne nous appartient pas », Lifschitz a eu l’air de dire que le consensus du pays était qu’Israël serait mieux sans Gaza. Selon lui, le plan de Gaza n’est « pas un retrait. C’est bon pour Israël ».

Le défi démographique posé à Israël par un million d’Arabes à Gaza semble être un argument inattaquable contre les opposants du plan. Et, que le retrait aide ou non le processus de paix n’était pas important pour le colonel. D’après son point de vue militaire, il sera plus facile pour l’armée de protéger Israël de l’autre côté de la frontière, à l’extérieur de Gaza, plutôt qu’à l’intérieur.

Mais, il a été moins rassurant lorsqu’il a affirmé que les revendications des mouvements terroristes, selon lesquelles ils seraient en train de réussir à chasser Israël de Gaza, n’avaient aucune importance.

« Nous avons une armée forte. Nous n’avons pas peur des paroles des uns et des autres, » s’est-il vanté. Malgré les déclarations de victoire du Hamas et du Djihad islamique, Lifschitz a soutenu que « nous n’avons pas à leur donner quoi que ce soit. »

Quant au précédent créé par le dernier retrait unilatéral d’Israël, celui du sud Liban en 2000, l’officier a répondu que les déclarations de victoire semblables de la part des terroristes du Hezbollah étaient aussi sans aucune signification. « Une semaine après, tout le monde les avait oubliées, » a-t-il dit.

Encore moins convaincant quand il n’a pas mentionné du tout le fait que l’opinion largement répandue -selon laquelle ce serait le terrorisme qui aurait poussé les Israéliens hors du Liban - qui aurait fait croire aux Palestiniens qu’ils pourraient inspirer un résultat semblable à Gaza et sur la Rive occidentale. Et cela, selon beaucoup d’observateurs, a contribué à leur décision de lancer l’intifada quelques mois après le départ du dernier Israélien du Liban.

La récompense de Lifschitz pour être venu discuter a été une suite de questions brûlantes de la part des membres de l’assistance opposés à Sharon.

Certains, qui se sont présentés comme étant membres de la ‘Zionist Organisation of America ‘(ZOA), ont posé poliment des questions douloureuses sur ce que l’on ferait des tombes juives et des maisons restées là-bas. D’autres ont remarqué qu’on pouvait avoir des doutes légitimes sur les bénéfices pour Israël d’un retrait unilatéral sans aucune preuve que les Palestiniens aient l’intention de rechercher la paix. Ils ont également critiqué son usage de l’expression « Territoire occupé ».

Mais d’autres encore ont été moins diplomates.

Une femme a mis en doute l’intégrité d’une armée qui obéirait à des ordres immoraux d’expulser d’autres Juifs de leur foyer. Allant encore plus loin, elle a dit qu’elle ne pouvait plus soutenir un Israël « mené par ce lâche de Sharon ». Qu’une Américaine, qui n’avait probablement jamais entendu un coup de fusil de sa vie, flambant de colère, ait pu traiter de lâche un homme qui a été blessé de nombreuses fois sur le champ de bataille, a été perçu par tous comme incongru, sauf par celle à l’origine de la remarque.

Après un autre reproche, Lifschitz a rétorqué que, puisque son interlocuteur était si sûr d’avoir raison, il devrait « venir voter en Israël ».

Et cela, en dépit de tous les efforts dépensés pour la promotion des relations Israël-Diaspora, est bien le point essentiel de l’affaire.

La communication entre Israël et la diaspora est un peu conflictuelle même aux meilleurs moments. Mais peu importe le degré de passion des Juifs américains pour Israël, ils sont là-bas et nous sommes ici. Certains d’entre nous s’opposent peut-être aux implantations. D’autres pensent que les efforts pour faire revivre le plan de paix sont suicidaires. Mais que nous ayons raison ou tort, c’est eux qui doivent prendre la décision.

QUE FAITES-VOUS ICI ?

Si c’est le cas, doivent-ils se préoccuper de ce que nous pensons ?

La plupart des Israéliens seraient probablement d’accord avec Lifschitz quand il a répondu avec frustration à l’un de ses tourmenteurs de la ZOA, que le « gouvernement d’Israël n’a de comptes à rendre ni à vous ni à qui que ce soit d’autre. »

C’est assez vrai. Mais, comme d’ailleurs plusieurs personnes dans l’audience l’ont murmuré, « alors, que faites-vous ici ? »

Le fait est qu’Israël a besoin que nous comprenions ce qu’il fait et aimerait vraiment que nous soutenions sa politique. Et, si nous ne sommes pas décidés à applaudir comme des majorettes à ce que son génie ou sa folie a ordonné, ils aimeraient tout au moins que nous le gardions pour nous.
La plupart des Américains sont instinctivement respectueux quand un officier avec un passé de combat aussi prestigieux que Lifschitz, ou un dirigeant qui a donné sa vie entière pour son pays comme Sharon, entrent en scène. Mais il ne faut pas qu’ils soient trop surpris si certains d’entre nous refusent de se mettre au garde-à-vous. Quelle que soit la profondeur de nos différences avec nos cousins israéliens, nous sommes, après tout, membres du même peuple discuteur « à la nuque raide ».

Lorsqu’on lui a demandé ce qui était le plus difficile entre affronter les opposants Juifs américains ou servir à Gaza, Lifschitz s’est contenté de sourire. Il est peut-être plus facile de mener un dialogue entre sourds que d’affronter la bataille. Mais, au moins à Gaza, il pouvait riposter.


Jonathan Tobin contribue régulièrement à la ‘Jewish World Review’  ; il est rédacteur en chef du ‘Philadelphia Jewish Exponent’.

Article intégral en Anglais : http://jewishworldreview.com/0605/t...



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